Le CongrĂšs annuel international de la LIDC s’est tenu du 21 au 24 septembre 2023 Ă  Göteborg. Le groupe suĂ©dois en a assurĂ© l’organisation. Comme chaque annĂ©e, deux questions liĂ©es au droit de la concurrence, au droit de la propriĂ©tĂ© intellectuelle et/ou Ă  la concurrence dĂ©loyale y ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es. Les rapports nationaux sur chaque question constituent la base d’un rapport international approfondi qui analyse les diffĂ©rences mais aussi les points communs entre les diffĂ©rents systĂšmes juridiques, discutĂ©s lors du CongrĂšs. Avec son programme dense de panels et groupes de travail, le CongrĂšs de la LIDC a attirĂ© plus de 90 participants pour cette Ă©dition 2023.

Der Internationale Jahreskongress der LIDC fand vom 21. bis 24. September 2023 in Göteborg statt. Die nordische Landesgruppe war fĂŒr die Organisation verantwortlich. Wie jedes Jahr wurden zwei Fragen aus dem Wettbewerbsrecht, dem Recht des geistigen Eigentums und/oder dem unlauteren Wettbewerb untersucht. Die nationalen Berichte zu jeder Frage bilden die Grundlage fĂŒr einen ausfĂŒhrlichen internationalen Bericht, der die Unterschiede aber auch die Gemeinsamkeiten der verschiedenen Rechtssysteme herausarbeitet, die auf dem Kongress diskutiert werden. Mit seinem dichten Programm an Panels und Arbeitsgruppen zog der LIDC Kongress in seiner Ausgabe 2023 mehr als 90 Teilnehmer an.

Johana Cau,
Titulaire du brevet d’avocat, Londres.

Comme chaque annĂ©e, l’Association suisse du droit de la concurrence (ASAS) a participĂ© du 21 au 24 septembre 2023 au CongrĂšs de la Ligue internationale du droit de la concurrence (LIDC) Ă  Göteborg, SuĂšde.

En tant que dĂ©lĂ©guĂ©e de l’ASAS, l’autrice de la prĂ©sente contribution a prĂ©parĂ© un rapport portant sur la question A qui traitait le sujet suivant: l’évolution rĂ©cente de l’application de la lĂ©gislation, de la jurisprudence et des directives des autoritĂ©s de la concurrence et des rĂ©gulateurs permet-elle de distinguer entre les groupements d’achat et d’approvisionnement lĂ©gitimes et efficaces et les comportements illicites de maniĂšre suffisamment claire dans la pratique pour que les entreprises et leurs avocats sachent comment rester du bon cĂŽtĂ© de la loi?

Le rapport international et les principales conclusions des rapports nationaux, qui ont pu ĂȘtre discutĂ©s avec certains rapporteurs nationaux lors d’une session du CongrĂšs prĂ©vue Ă  cet effet, ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s par le rapporteur international Jean-Louis Fourgoux. Ces discussions permettent ensuite Ă  la LIDC d’émettre des recommandations sur ces sujets d’actualitĂ© du droit de la concurrence.

Le prochain CongrĂšs de la LIDC se tiendra du 7 au 9 Novembre 2024 Ă  Londres, Royaume-Uni. La Question A qui y sera discutĂ©e traitera des progrĂšs faits et qui restent Ă  faire en termes de compensation en dommages et intĂ©rĂȘts Ă  la suite d’infractions au droit de la concurrence.

I. Question A en droit de la concurrence

L’augmentation des prix Ă  la consommation Ă  travers le monde continue de peser sur les chaĂźnes d’approvisionnement. Dans ce contexte, il est important que les distributeurs soient en mesure de faire une distinction claire entre un groupement d’achat licite et les infractions au droit de la concurrence pour gĂ©rer correctement leurs relations commerciales. En particulier, le comportement des acheteurs dans leurs relations avec les fournisseurs mĂ©rite l’objet d’un examen approfondi, notamment en ce qui concerne les achats en commun, la fixation des prix d’achat ou encore des comportements unilatĂ©raux de la part d’acheteurs qui dĂ©tiennent un pouvoir d’achat substantiel.

Les rapports nationaux visent Ă  analyser et comparer la situation actuelle et l’approche des autoritĂ©s dans les diffĂ©rentes juridictions concernĂ©es.

II. Résumé du rapport Suisse

La Commission de la Concurrence (Comco) et son SecrĂ©tariat ont analysĂ© les groupements d’achat sous l’angle de l’application de la Loi sur les cartels (LCart),​1 et notamment de l’illicĂ©itĂ© de tels groupements en tant qu’accords horizontaux. La Comco n’a certes pas adoptĂ© de lignes directrices spĂ©cifiques sur les coopĂ©ratives d’achat mais les rĂ©cents avis rendus par le SecrĂ©tariat​2 et les dĂ©cisions passĂ©es​3 ont contribuĂ© Ă  clarifier le cadre juridique et les paramĂštres permettant d’analyser la licĂ©itĂ© des coopĂ©ratives d’achat en Suisse.

L’apprĂ©ciation des coopĂ©ratives d’achat au regard de la LCart n’est toutefois pas limpide, d’abord pour dĂ©terminer s’il s’agit d’un accord au sens de l’art. 4 al. 1 LCart, ensuite si un tel accord remplit la prĂ©somption de l’art. 5 al. 3 LCart. Les gains d’efficacitĂ© Ă©conomique doivent ĂȘtre pris en compte conformĂ©ment Ă  l’art. 5 al. 2 LCart.

En ce qui concerne l’application de l’art. 4 al. 1 LCart, la doctrine suisse​4 se conforme aux Lignes directrices de l’Union europĂ©enne (UE) concernant l’applicabilitĂ© de l’article 101 du traitĂ© sur le fonctionnement de l’Union europĂ©enne aux accords de coopĂ©ration horizontale (Lignes directrices horizontales) qui prĂ©voient que (i) les cas dans lesquels les entreprises participant Ă  la coopĂ©rative ne sont pas concurrentes sur le plan des ventes, mais le sont toujours sur le plan des achats (coopĂ©ration dite «sans cartel») parce qu’elles sont actives sur des marchĂ©s gĂ©ographiques ou de produits diffĂ©rents n’ont pas d’effets restrictifs sur la concurrence – et ne peuvent relever du champ d’application de l’art. 4 al. 1 LCart – Ă  moins d’un regroupement de grande envergure de la demande sur le marchĂ© de l’approvisionnement, et qu’il en va de mĂȘme pour (ii) les cas oĂč les entreprises n’occupent qu’une position insignifiante sur le marchĂ© de l’approvisionnement, les Lignes directrices horizontales en fixant le seuil Ă  15 % de parts de marchĂ©. En 2022 en particulier, le SecrĂ©tariat de la Comco a publiĂ© un avis concernant une coopĂ©rative d’achat Ă  l’échelle internationale, complĂ©tant ainsi une avis prĂ©cĂ©dent datant de 2020, suivant Ă©galement cette approche pour la Suisse.

D’un point de vue purement systĂ©matique, l’exemption qui a lieu au stade de l’analyse de l’art. 4 al. 1 LCart concernant les Ă©lĂ©ments tels que les parts de marchĂ© est discutable. De faibles parts de marchĂ© doivent, en thĂ©orie, ĂȘtre prises en compte en tant qu’élĂ©ment quantitatif lors de l’évaluation des effets pro- et anticoncurrentiels dans le cadre du test d’efficacitĂ© Ă©conomique conformĂ©ment l’art. 5 al. 2 LCart.​5

Enfin, lors de l’évaluation d’un accord au sens de l’art. 4 al. 1 LCart, il faut prendre en compte ses effets anticoncurrentiels mais aussi pro-concurrentiels. Les centrales d’achat qui n’ont ni pour objet ni pour effet de restreindre la concurrence ne sont pas des accords au sens de l’art. 4 al. 1 LCart. Pour les coopĂ©ratives d’achat qui n’ont manifestement pas de pouvoir de marchĂ© sur les marchĂ©s d’approvisionnement ou de vente, on peut supposer que de tels accords ne relĂšvent pas du champ d’application de l’art. 4 al. 1 LCart.

Le SecrĂ©tariat de la Comco a Ă©galement prĂ©cisĂ© que les groupements d’achats qui ne concernent que les achats groupĂ©s et ne servent pas Ă  former un cartel dĂ©guisĂ© devaient faire l’objet d’une analyse quantitative et qualitative des effets des cartels pour dĂ©terminer le degrĂ© de matĂ©rialitĂ© de l’accord, contrairement Ă  l’application de la jurisprudence actuelle.​6 Le SecrĂ©tariat a procĂ©dĂ© Ă  l’analyse du degrĂ© de contre-pouvoir du groupe sur le marchĂ© de l’approvisionnement, en vĂ©rifiant s’il existait un risque que les entreprises composant la coopĂ©rative d’achat contraignent les fournisseurs Ă  rĂ©duire la quantitĂ©, la qualitĂ© et/ou la variĂ©tĂ© des produits, ainsi que l’innovation. Du cĂŽtĂ© des ventes, les accords d’achat groupĂ© peuvent aboutir Ă  un rĂ©sultat collusoire ou Ă  un comportement coordonnĂ©, en particulier en ce qui concerne la fixation des prix par le biais d’échanges d’informations.

Dans sa consultation de 2020, le SecrĂ©tariat de la Comco a confirmĂ© que les coopĂ©ratives d’achat utilisĂ©es pour regrouper la demande afin de crĂ©er un contre-pouvoir face Ă  certains fournisseurs peuvent ĂȘtre justifiĂ©es pour des raisons d’efficacitĂ© Ă©conomique au sens de l’art. 5 al. 2 LCart. Toutefois, les restrictions de concurrence qui en dĂ©coulent ne doivent pas aller au-delĂ  de ce qui est nĂ©cessaire pour rĂ©aliser les gains d’efficacitĂ© visĂ©s par la coopĂ©ration.

III. Discussions lors du CongrÚs

Les points soulevĂ©s lors du CongrĂšs par le rapporteur international et l’intervention des rapporteurs nationaux sont rĂ©sumĂ©s briĂšvement ci-aprĂšs.

Les rapports nationaux ont dĂ©montrĂ© qu’il n’existe pas de cas typique de coopĂ©rative d’achat pour lequel il existe une application de principes lĂ©gislatifs plus ou moins unanime Ă  travers le monde. Bien au contraire, les diffĂ©rents rapports ont exposĂ© des mĂ©thodes de contrĂŽle divergentes dans les diffĂ©rentes juridictions concernĂ©es.

Il a Ă©tĂ© soulignĂ© lors du CongrĂšs que, bien que l’existence d’une coopĂ©rative d’achat puisse permettre aux distributeurs d’exercer un pouvoir de nĂ©gociation consĂ©quent face aux larges fournisseurs et ĂȘtre justifiĂ©e par des raisons d’efficacitĂ© Ă©conomique valable, sa licĂ©itĂ© peut revenir Ă  protĂ©ger des distributeurs inefficaces au dĂ©triment des consommateurs: c’est le cas notamment lorsque des concurrents qui achĂštent ensemble une partie substantielle de leurs produits et disposent ainsi d’un pouvoir de marchĂ© important ne rĂ©percutent pas les prix d’achat infĂ©rieurs obtenus grĂące Ă  l’achat groupĂ© sur leurs clients, mais conservent les Ă©conomies rĂ©alisĂ©es en tant que marges rĂ©sultant de l’entente. La distinction entre un groupement justifiable et un cartel d’achat peut ĂȘtre floue selon les juridictions et donc difficile Ă  comprendre et Ă  mettre en Ɠuvre alors que les consĂ©quences d’une infraction au droit de la concurrence peuvent ĂȘtre trĂšs graves pour les entreprises concernĂ©es.

Tous les groupements d’achat, mĂȘme s’ils dissimulent une entente entre acheteurs, ne peuvent toutefois pas tous ĂȘtre labĂ©lisĂ©s comme constitutives d’une infraction par leur objet sans qu’il ne soit tenu compte de paramĂštres tel que le pouvoir de marchĂ©, le contrepouvoir du marchĂ© de l’approvisionnement, et les effets du groupement. À ce sujet, bien que certaines autoritĂ©s de la concurrence aient Ă©mis des lignes directrices concernant par exemple l’apprĂ©ciation d’accords horizontaux qui peuvent s’avĂ©rer utiles pour l’analyse, des directives pratiques spĂ©cifiques aux groupement d’achats, contraignantes ou non, dĂ©limitant certains seuils de gravitĂ© Ă  l’instar des Lignes directrices horizontales, ou encore une obligation de notification des groupements d’achats selon l’exemple français, peuvent ĂȘtre des options Ă  prendre en considĂ©ration pour dessiner un cadre lĂ©gal plus clair et amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© juridique entourant les coopĂ©ratives d’achats.

Fussnoten:

1
2

DPC 2022/2, Internationale Einkaufskooperation, 306 ss et DPC 2020/2, Einkaufskooperation, 405 ss.

3

Voir par exemple la dĂ©cision de la Comco Einzelfasermanagement, DPC 2020/4a, 1659 ss.

4

Voir notamment S. Bangerter/B. Zirlick, in: R. ZĂ€ch/R. Arnet/R. Kiener/O. Schaller/F. Schraner/A. SpĂŒhler (Hg.), KG. Kommentar zum Bundesgesetz ĂŒber Kartelle und andere WettbewerbsbeschrĂ€nkungen, ZĂŒrich 2018, KG 5 N 566 s.

5

Cette analyse pourrait néanmoins changer avec la nouvelle loi révisée, dont la version actuellement envisagée met en application la Motion Français.

6

ATF 143 II 297 ss, Gaba.