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Die Seite des Instituts und der LES-CH | La page de lâInstitut et du LES-CH
La 21Ăšme édition du sĂ©minaire conjoint organisĂ© par lâIPI et le LES-CH sur les DĂ©veloppements rĂ©cents en droit des marques sâest tenue Ă GenĂšve le 21 novembre 2024. Quatre prĂ©sentations ont rythmĂ© cet Ă©vĂ©nement, abordant des sujets variĂ©s: des complĂ©mentaritĂ©s entre le droit des marques et des designs dans lâhorlogerie Ă la jurisprudence de lâUnion europĂ©enne et celle du Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral. Pour conclure, lâIPI a prĂ©sentĂ© les derniĂšres Ă©volutions de sa pratique. Ce compte-rendu synthĂ©tise les principaux points dĂ©veloppĂ©s lors des interventions.
Am 21. November 2024 fand in Genf die 21. Veranstaltung des vom IGE und dem LES-CH organisierten gemeinsamen Seminars ĂŒber die jĂŒngsten Entwicklungen im Markenrecht statt. Vier PrĂ€sentationen prĂ€gten den Rhythmus dieser Veranstaltung und behandelten verschiedene Themen: von den KomplementaritĂ€ten zwischen Marken- und Designrecht in der Uhrenindustrie bis hin zur Rechtsprechung der EuropĂ€ischen Union und des Bundesverwaltungsgerichts. Zum Abschluss stellte das IGE die neuesten Entwicklungen in seiner Praxis vor. Dieser Bericht fasst die wichtigsten Punkte zusammen, die in den VortrĂ€gen entwickelt wurden.
Ella Meyer,
MLaw, Berne.
Le 21 novembre 2024 sâest tenue Ă GenĂšve la 21Ăšme édition du sĂ©minaire sur les «DĂ©veloppements rĂ©cents en droit des marques», organisĂ© conjointement par le Licensing Executive Society Switzerland (LES-CH) et lâInstitut FĂ©dĂ©ral de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (IPI). Cette annĂ©e, les organisateurs ont Ă©largi le programme aux droits des designs.
Me Carole Aubert et Philippe Vieira, tous deux reprĂ©sentants de la FĂ©dĂ©ration de lâindustrie horlogĂšre suisse (ci-aprĂšs: FH) ont ouvert le sĂ©minaire avec une prĂ©sentation sur le rĂŽle des droits des marques et du design dans lâhorlogerie suisse.
Selon Me Carole Aubert et Philippe Vieira, lâhorlogerie suisse, forte de son histoire plusieurs fois centenaire et de la diversitĂ© de ses modĂšles, doit relever deux principaux dĂ©fis: protĂ©ger ses designs iconiques face Ă la prolifĂ©ration des copies et gĂ©rer les contraintes techniques liĂ©es aux montres (dimensions, composants, etc.), oĂč les innovations sont souvent discrĂštes ou essentiellement fonctionnelles (mouvement, Ă©tanchĂ©itĂ©, etc.). Pour rĂ©pondre Ă ces enjeux, les orateurs de la FH ont exposĂ© lors de cette premiĂšre partie les diffĂ©rents titres de protection octroyĂ©s en droits des marques et des designs: lâenjeu Ă©tant dâexploiter pleinement les outils de propriĂ©tĂ© intellectuelle pour garantir une protection maximale du produit.
Les orateurs ont commencĂ© par prĂ©senter les points de convergences et de divergences entre le droit des marques et des designs, y compris sâagissant de lâenregistrement de ces deux titres de protection. Les marques protĂšgent des signes distinguant les produits ou services dâune entreprise («indication de provenance»), tandis que les designs protĂšgent lâaspect extĂ©rieur dâun produit ou dâune partie de produitâ1. Les marques peuvent prendre la forme notamment de mots, lettres, chiffres, reprĂ©sentations graphiques, formes en trois dimensions, seuls ou combinĂ©s, ou avec des couleurs; les designs sont caractĂ©risĂ©s par la disposition de lignes, surfaces, contours, couleurs ou matĂ©riauxâ2. La protection des marques est renouvelable indĂ©finiment sous condition dâusage, alors que celle des designs est limitĂ©e Ă 25 ans, sans obligation dâutilisationâ3.
Me Carole Aubert et Philippe Vieira ont soulignĂ© lâimportance pour les entreprises horlogĂšres de combiner la protection des marques et des designs pour dĂ©fendre les modĂšles horlogers contre les contrefaçons, avec lâobjectif de privilĂ©gier une protection en droit des marques en raison de sa plus grande portĂ©e. Dans certains cas, lâobjet est premiĂšrement enregistrĂ© comme design. Si la forme dĂ©passe les critĂšres fonctionnels ou esthĂ©tiques et parvient Ă renvoyer Ă une entreprise dĂ©terminĂ©e, elle est alors dotĂ©e du caractĂšre distinctif et peut ĂȘtre admise Ă lâenregistrement Ă titre de marque lorsquâelle acquiert une notoriĂ©tĂ© sur le marchĂ©. Les orateurs ont citĂ© comme exemple lâhorloge CFF initialement protĂ©gĂ©e en tant que design, puis enregistrĂ©e en 2003 comme marque tridimensionnelle en tant que marque imposĂ©e.
Les orateurs ont ensuite prĂ©sentĂ© lâarrĂȘt du TF 4A_565/2016 du 2 mai 2017. Dans cet arrĂȘt, la Haute Cour a analysĂ© les caractĂ©ristiques essentielles de deux designs horlogers en conflit. Elle a exclu de la comparaison des Ă©lĂ©ments comme la lunette circulaire et les motifs floraux, jugĂ©s banals et rĂ©pandus dans lâindustrie horlogĂšre. Le TF a conclu ainsi que les deux designs dĂ©gageaient une impression gĂ©nĂ©rale distincte, de sorte que le design contestĂ© nâentrait pas dans le champ de protection du design antĂ©rieur au sens de lâart. 8 LDes. Dans cet arrĂȘt, le TF a par ailleurs examinĂ© le conflit sous lâangle de lâart. 3 al. 1 let. d LCD; or, toute concurrence dĂ©loyale a Ă©tĂ© niĂ©e, au motif notamment que, sur le marchĂ©, les marques Ă©taient apposĂ©es sur chaque cadran ce qui permettait dâĂ©viter tout risque de confusion. Ainsi, des petits dĂ©tails peuvent, selon les intervenants jouer un rĂŽle important dans les secteurs oĂč la possibilitĂ© de crĂ©ation est effectivement restreinte (comme dans lâhorlogerie et la bijouterie) et oĂč le destinataire du produit consacre plus dâattention aux dĂ©tails. Cette dĂ©cision souligne lâimportance de la protection des caractĂ©ristiques essentielles des designs et montre comment lâajout dâune marque peut, par exemple, prĂ©venir des risques de confusion.
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Philippe Vieira et Me Carole Aubert rappellent que les marques tridimensionnelles peuvent ĂȘtre refusĂ©es Ă lâenregistrement si elles manquent de caractĂšre distinctif, si elles se limitent Ă des signes banals, descriptifs ou purement fonctionnels, si elles constituent la nature mĂȘme du produit ou de son emballage ou sont techniquement nĂ©cessaires. Cependant, une forme tridimensionnelle appartenant au domaine public peut ĂȘtre protĂ©gĂ©e si elle est combinĂ©e avec des Ă©lĂ©ments verbaux ou figuratifs qui ne sont ni descriptifs ni fonctionnels et qui sâĂ©cartent suffisamment de la diversitĂ© des Ă©lĂ©ments existants dans le domaine des produits concernĂ©s (cf. TAF B-4112/2022)â4. Ainsi, une marque 3D peut prolonger le droit Ă une protection dâun modĂšle devenu iconique et ĂȘtre plus facile Ă mettre en Ćuvre. Mais lĂ aussi, aucun signe techniquement nĂ©cessaire ne sera admis, mĂȘme sâil devait remplir les conditions pour ĂȘtre enregistrĂ© comme marque imposĂ©e (ATF 147 III 517, consid. 6.1).
Les intervenants ont ensuite Ă©voquĂ© lâarrĂȘt du TF 4A_61/2021 sur les capsules Nespresso, dans lequel le TF a annulĂ© lâenregistrement de la marque tridimensionnelle en raison de motifs techniques et dâun manque de caractĂšre distinctif. Les formes techniquement nĂ©cessaires ne peuvent jamais ĂȘtre protĂ©gĂ©es en tant que marques 3D, mĂȘme si elles se sont imposĂ©es dans le commerce. Contrairement Ă la pratique europĂ©enne, qui considĂšre lâexistence dâun brevet comme un obstacle automatique Ă lâenregistrement dâune marque 3D, le TF a examinĂ© en dĂ©tail les formes alternatives. Ă ce propos, le TF rappelle que les concurrents doivent avoir accĂšs Ă des solutions Ă©quivalentes, sans dĂ©savantages, notamment financiers. Quand bien mĂȘme dâautres formes pourraient ĂȘtre possibles, il souligne encore que ces formes alternatives doivent se distinguer suffisamment dans lâesprit du public de la forme dĂ©posĂ©e, ce qui nâest pas le cas sâagissant des alternatives Ă la forme Nespresso.
Enfin, lâarrĂȘt des lapins Lindt contre Lidl (TF 4A_587/2021) a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© pour illustrer la question du risque de confusion entre des formes en trois dimensions. Dans cette affaire, le TF a retenu quâen raison de la grande notoriĂ©tĂ© de la forme des lapins Lindt, le public peut ĂȘtre amenĂ© Ă prĂ©sumer un faux lien entre les lapins en chocolat en conflit, ce qui porte atteinte Ă la fonction distinctive de la marque Lindt. En effet, pour les juges de Mon-Repos, le lapin offert par Lidl reprend les caractĂ©ristiques essentielles qui font que le lapin Lindt soit Ă ce point connu, ce qui a Ă©tĂ© de nature Ă fonder le risque de confusion.
Le sĂ©minaire sâest poursuivi par un tour dâhorizon de la jurisprudence communautaire rĂ©cente prĂ©sentĂ© par Me Emmanuelle Limouzy, du Cabinet Marchais & AssociĂ©s, Ă Paris. LâexposĂ© a portĂ© sur les arrĂȘts importants durant lâannĂ©e 2024 du Tribunal de lâUnion EuropĂ©enne (TUE), de lâOffice de lâUnion europĂ©enne pour la propriĂ©tĂ© intellectuelle (EUIPO) et de la Cour de Justice de lâUnion EuropĂ©enne (CJUE).
Ă titre prĂ©liminaire, Me Emmanuelle Limouzy a rappelĂ© lâobligation et donc lâimportance dâun usage sĂ©rieux de la marque afin de prĂ©venir sa dĂ©chĂ©ance. Elle a insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de conserver des preuves solides de cette utilisation. En droit europĂ©en, les exigences sont particuliĂšrement strictes pour justifier lâexploitation de la marque.
Me Emmanuelle Limouzy a commencĂ© avec lâarrĂȘt T-58/23 (TUE, Supermacâs Holdings Ltd/EUIPO â McDonaldâs), qui illustre le risque de dĂ©chĂ©ance pour non-usage sĂ©rieux.
En 2017, Supermacâs, une chaĂźne irlandaise, a dĂ©posĂ© la marque «Supermacâs» en classes 30 et 43 en Europe, entraĂźnant des oppositions de McDonaldâs basĂ©es notamment sur sa marque europĂ©enne «Big Mac». En rĂ©ponse, Supermacâs a engagĂ© une procĂ©dure en dĂ©chĂ©ance pour dĂ©faut dâusage sĂ©rieux devant lâEUIPO de la marque «Big Mac» par McDonaldâs. La dĂ©cision de lâEUIPO a conduit Ă la dĂ©chĂ©ance partielle pour des produits et services spĂ©cifiques, car la chaĂźne nâavait pas prouvĂ© de maniĂšre suffisante lâusage de sa marque. McDonaldâs a formĂ© un recours contre cette dĂ©cision et la Chambre de recours a rĂ©tabli certains de ses droits. Par la suite, Supermacâs a dĂ©posĂ© un recours devant le TUE, qui a annulĂ© la marque «Big Mac» pour certains produits comme les sandwiches au poulet, les aliments Ă base de volaille et certains services en raison du manque de preuves suffisantes concernant lâusage sĂ©rieux (en termes de volume, frĂ©quence et durĂ©e). Les quelques documents produits par McDonaldâs (impressions dâaffiches publicitaires, des captures dâĂ©cran de comptes Facebook, de TV, des menus, etc.) nâĂ©taient pas datĂ©s de maniĂšre complĂšte et largement insuffisants. Cela dĂ©montre lâimportance, mĂȘme pour les marques renommĂ©es, de collecter des preuves dĂ©taillĂ©es et objectives de lâusage de la marque.
Me Emmanuelle Limouzy poursuit la prĂ©sentation de la jurisprudence europĂ©enne avec lâarrĂȘt R 192/2021-2 (EUIPO, Chambre des recours, HERMES INTERNATIONAL v/Markus Bennemann), qui traite de la distinctivitĂ© et de lâusage du H stylisĂ© dâHERMES. La question centrale est de savoir si une marque, reproduite sur un produit, conserve sa fonction dâindication dâorigine ou devient un simple Ă©lĂ©ment dĂ©coratif.
En 2016, HERMES a dĂ©posĂ© une marque figurative internationale (IR) dĂ©signant lâUE pour des produits de la classe 25. En juin 2022, Markus Bennemann a engagĂ© contre la partie UE de la marque une action en dĂ©chĂ©ance pour dĂ©faut dâusage sĂ©rieux, affirmant que les Ă©lĂ©ments apportĂ©s par HERMES montraient un usage Ă titre ornemental et non de marque. La division dâannulation de lâEUIPO a fait droit Ă cette demande mais HERMES a fait appel, soutenant premiĂšrement quâune marque de lâUE peut se composer de tout signe dĂšs lors quâil sert Ă distinguer les produits ou services dâune entreprise de ceux des autres et, deuxiĂšmement, que lâutilisation de la marque en tant quâempeigne pour les chaussures, est courante dans le domaine du luxe, le public Ă©tant ainsi habituĂ© Ă reconnaĂźtre la forme comme constituant une marque, et donc une indication dâorigine.
La chambre de recours a reconnu que la marque contestĂ©e possĂ©dait un certain degrĂ© de caractĂšre distinctif et ne pouvait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme gĂ©nĂ©rique, descriptive ou dĂ©pourvue de tout caractĂšre distinctif. Elle a estimĂ© quâelle ne serait pas perçue uniquement comme un Ă©lĂ©ment ornemental et a confirmĂ© sa protection pour certains produits, notamment les sandales, les anneaux pour foulards, les t-shirts et les sweatshirts.
Dans lâarrĂȘt C-334/22, Me Emmanuelle Limouzy a analysĂ© la jurisprudence rĂ©cente sur lâutilisation de signes similaires Ă des marques pour des piĂšces dĂ©tachĂ©es automobiles. Audi AG, titulaire dâune marque europĂ©enne figurative, a intentĂ© une action en contrefaçon contre la sociĂ©tĂ© polonaise GQ pour la vente de calandres reproduisant lâemplacement de son logo. La CJUE a jugĂ© que lâutilisation de GQ constituait un usage inappropriĂ© dans la vie des affairesâ5, portant atteinte aux fonctions essentielles de la marque (qualitĂ© et origine des produits) et ne relevant pas dâune fonction technique. Lâexception dâutilisation rĂ©fĂ©rentielle a Ă©galement Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e, car GQ cherchait Ă rendre sa piĂšce de rechange visuellement identique Ă la calandre dâorigine, une situation non couverte par lâarticle 14(1)(c) RMUE.
Me Limouzy a mis cette dĂ©cision en lien avec la rĂ©forme europĂ©enne des dessins et modĂšles (Directive publiĂ©e le 18 novembre 2024), qui vise Ă libĂ©raliser leur protection, notamment pour les piĂšces de rechange par le moyen de la clause de rĂ©paration. LâarrĂȘt exposĂ© ci-dessus semble limiter lâapplication de cette clause de rĂ©paration puisque â du point de vue de la marque â la piĂšce de rechange ne peut pas contenir dâĂ©lĂ©ment reprenant la marque du fabricant dâorigine, alors que â du point de vue des modĂšles â pour que la clause de rĂ©paration sâapplique, il faut que la piĂšce de rechange soit visuellement identique Ă la piĂšce dâorigine. De futures prĂ©cisions quant Ă cette thĂ©matique sont donc Ă prĂ©voir.
Me Emmanuelle Limouzy a poursuivi sa prĂ©sentation avec lâarrĂȘt T-604/2022. La SociĂ©tĂ© du Tour de France, titulaire des marques «TOUR DE FRANCE» et «LE TOUR DE FRANCE», sâest opposĂ©e Ă lâenregistrement de la marque europĂ©enne «TOUR DE X», visant des produits et services similaires. MalgrĂ© lâidentitĂ© et la similaritĂ© de plusieurs produits et services, ainsi que la renommĂ©e des marques antĂ©rieures, lâEUIPO a rejetĂ© lâopposition, dĂ©cision confirmĂ©e par le TUE. Le TUE a estimĂ© que lâexpression «tour de» prĂ©sentait un caractĂšre distinctif faible, voire inexistant, car elle est couramment utilisĂ©e dans le contexte sportif. De plus, la lettre «X», stylisĂ©e et colorĂ©e, dominait visuellement la marque postĂ©rieure avec un degrĂ© de distinctivitĂ© moyen. Par ailleurs, lâexpression «Tour de X» nâa pas Ă©tĂ© jugĂ©e comme portant atteinte Ă la renommĂ©e des marques TOUR DE FRANCE ni profitant injustement de leur notoriĂ©tĂ©, la mention «Tour de» Ă©tant perçue comme descriptive et commune dans le milieu sportif. Le TUE a adoptĂ© une position stricte en jugeant que la renommĂ©e exceptionnelle des marques TOUR DE FRANCE ne suffisait pas Ă compenser leur faible distinctivitĂ© intrinsĂšque, malgrĂ© des produits et services partiellement identiques, montrant ainsi les limites de la protection des marques faibles, mĂȘmes renommĂ©es.
TOUR DE France
LE TOUR DE France |
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La sociĂ©tĂ© Volvo a dĂ©posĂ© une demande de marque pour un phare automobile, refusĂ©e par lâEUIPO pour absence de caractĂšre distinctif. Le TUE a annulĂ© cette dĂ©cision, rappelant que la nouveautĂ© ou lâoriginalitĂ© ne sont pas des critĂšres pertinents pour apprĂ©cier le caractĂšre distinctifâ6: une marque doit se diffĂ©rencier substantiellement des formes de base du produit, communĂ©ment utilisĂ©es dans le commerce et ne pas apparaĂźtre comme une simple variante de ces formes. Toutefois, le TUE tempĂšre cette affirmation en estimant que, bien que lâexistence de caractĂ©ristiques originales ne soit pas une condition sine qua non, leur prĂ©sence peut confĂ©rer le degrĂ© requis de distinctivitĂ© Ă une marque qui en serait autrement dĂ©pourvue. Il faut, cependant, que les caractĂ©ristiques de la forme soient suffisamment marquĂ©es pour que le consommateur distingue lâorigine du produit sur la seule base de sa forme. En lâespĂšce, la forme particuliĂšre du phare dĂ©posĂ© a Ă©tĂ© jugĂ©e apte Ă capter lâattention du public et Ă remplir la fonction dâidentification dâorigine. Le Tribunal a donc conclu que la marque disposait du minimum de caractĂšre distinctif requis et a annulĂ© la dĂ©cision de lâEUIPO.
LâarrĂȘt du T-647/22 du 6 mars 2024 (Puma/EUIPO â Handelsmaatschappij J. Van Hilst BV), prĂ©sentĂ© par Me LIMOUZY, porte sur lâauto-divulgation dâun modĂšle pouvant entraĂźner lâinvalidation de sa protection si ce modĂšle est rendu public avant son dĂ©pĂŽt. Puma avait enregistrĂ© un modĂšle communautaire pour une chaussure en juillet 2016. Cependant, en 2019, lâEUIPO a annulĂ© cet enregistrement pour absence de caractĂšre individuel, en sâappuyant sur une photo publiĂ©e sur Instagram en dĂ©cembre 2014. La publication montrait la chanteuse Rihanna portant une chaussure trĂšs similaire. Le TUE a confirmĂ© la divulgation, soulignant que la notoriĂ©tĂ© de Rihanna et sa visibilitĂ© mondiale avaient rendu le modĂšle connu Ă©galement des milieux spĂ©cialisĂ©s.
Me Limouzy a poursuivi avec la prĂ©sentation de lâarrĂȘt T-210/23 du 10 juillet 2024 (Azienda Agricola F.Illi Buccelleti Srl./EUIPO â Sunservice Srl) portant sur la force probante des attestations en tant quâĂ©lĂ©ments de preuve dans les procĂ©dures de nullitĂ© des dessins ou modĂšles. Le TUE a rappelĂ© que, pour prouver la divulgation effective dâun modĂšle antĂ©rieur, il est nĂ©cessaire de fournir des Ă©lĂ©ments concrets et objectifs, et non de simples probabilitĂ©s ou prĂ©somptions. Les attestations doivent ĂȘtre fiables, corroborĂ©es par dâautres preuves (comme des photographies), issues de tiers ne prĂ©sentant aucun lien de subordination. Elles doivent dĂ©montrer de maniĂšre raisonnable la divulgation sur le marchĂ©.
Me Emmanuelle Limouzy a terminĂ© sa prĂ©sentation en mettant lâaccent sur certains principes de procĂ©dure Ă lâaune de lâarrĂȘt T-10/223 du 13 dĂ©cembre 2023 (Light Tec Ltd/EUIPO â DecoTrend GmbH). Dans cet arrĂȘt, le TUE a rappelĂ© que les faits ou preuves tardives peuvent ĂȘtre pris en compte Ă la seule condition quâils soient en lien direct avec ceux dĂ©jĂ prĂ©sentĂ©s. Il ne sâagit toutefois pas de permettre de modifier ou dâĂ©largir lâobjet du litigeâ7, lequel est dĂ©terminĂ© par la demande en nullitĂ©. Il nâest donc pas possible dây intĂ©grer ultĂ©rieurement de nouveaux dessins ou modĂšles antĂ©rieurs, car cela prolongerait la procĂ©dure et changerait son cadre initial. LâEUIPO doit ainsi se limiter aux dessins ou modĂšles explicitement mentionnĂ©s dans la demande initiale pour examiner leur impact sur la nouveautĂ© ou le caractĂšre individuel du dessin ou modĂšle contestĂ©.
La parole a ensuite Ă©tĂ© donnĂ©e Ă Â Sabine BĂŒttler, greffiĂšre au Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral (TAF), pour prĂ©senter les principaux arrĂȘts rendus au cours de lâexercice 2023/2024. Pendant cette pĂ©riode, dix-huit arrĂȘts matĂ©riels ont Ă©tĂ© rendus en relation avec lâart. 2 LPMâ8 et dix-huit autres avec lâart. 3 LPMâ9. Cet article propose une sĂ©lection des arrĂȘts prĂ©sentĂ©s rĂ©alisĂ©e par la rĂ©dactrice.
Dans lâarrĂȘt B-1958/2022, le TAF a statuĂ© sur la possibilitĂ© dâinvoquer lâexception de non-usage dâune marque dans une procĂ©dure dâopposition avant lâexpiration du dĂ©lai de carence de cinq ans, prĂ©vu Ă lâart. 12 LPM. Le dĂ©lai de carence nâĂ©tait pas encore Ă©coulĂ© au moment de lâinvocation de lâexception de non-usage, mais Ă©tait Ă©chu au moment de la prise de dĂ©cision par lâIPI; cependant, ce dernier nâavait pas examinĂ© lâusage de la marque opposante.
Le TAF a confirmĂ© sa jurisprudence Gerflor/Gemflor (B-6675/2016), selon laquelle lâexception de non-usage peut ĂȘtre soulevĂ©e avec le dĂ©pĂŽt de la rĂ©ponse Ă lâopposition, avant que le dĂ©lai de carence de cinq ans ne soit Ă©coulĂ© (Ă©tant prĂ©cisĂ© que lâIPI ne doit examiner cette exception quâaprĂšs lâĂ©chĂ©ance du dĂ©lai; cf. B-6675/2016 consid. 9.3.1). Il a rappelĂ© que, selon le principe de la lĂ©galitĂ© Ă©tabli par lâart. 5 Cst., le refus dâexaminer une exception invoquĂ©e doit ĂȘtre fondĂ© sur une base lĂ©gale formelle et non sur une disposition dâordonnance comme en lâespĂšce (consid. 3.2). Ainsi, le TAF a admis le recours et renvoyĂ© lâaffaire Ă lâIPI pour quâil examine lâusage de la marque opposante.
Dans lâarrĂȘt B-406/2022 du 30 septembre 2024 le TAF a confirmĂ© la dĂ©cision de lâIPI de refuser partiellement lâenregistrement dâun signe constituĂ© de fleurs reprĂ©sentĂ©es de maniĂšre Ă former un quadrillage de losanges, jugĂ© non distinctif selon lâart. 2 let. a LPM. Il a prĂ©cisĂ© que la perception du signe dĂ©pend de la nature du produit et de son usage courant dans le segment concernĂ© (consid. 4.5). Les motifs floraux et gĂ©omĂ©triques sont largement rĂ©pandus dans le domaine de la mode, oĂč leur diversitĂ© immense rend difficile la distinction avec des motifs usuels (consid. 4.6.1 ss, 4.6.3 ss). Les signes Ă Ă©lĂ©ments rĂ©pĂ©titifs sont principalement reconnus comme dĂ©coratifs par les consommateurs et relĂšvent donc du domaine public (consid. 4.7.1, 4.12). Cet arrĂȘt a Ă©tĂ© contestĂ© au Tribunal fĂ©dĂ©ral.
LâarrĂȘt B-6583/2023 (du 29 juillet 2024) a confirmĂ© que le signe «QUEEN ALOE VERA», dĂ©posĂ© entre autres en relation avec des «eaux minĂ©rales» (cl. 32), est trompeur et exclu de la protection selon lâart. 2 let. c LPM. Le TAF a jugĂ© que, conformĂ©ment Ă lâart. 8 al. 1 et 9 de lâordonnance du DFI sur les boissons (RS 817.022.12), les eaux minĂ©rales ne peuvent contenir ni additifs ni aromatisations. Or, le signe est perçu comme dĂ©signant une eau aromatisĂ©e Ă lâaloe vera de qualitĂ© supĂ©rieure, ce qui crĂ©e une attente incompatible avec la lĂ©gislation applicable (consid. 5.2 ss, 5.3, 6.9).
La distinction invoquĂ©e par la recourante entre «eau minĂ©rale» et «eau minĂ©rale naturelle» a Ă©tĂ© rejetĂ©e, le TAF considĂ©rant quâil nâexiste aucune base lĂ©gale ou justification objective pour diffĂ©rencier ces produits (consid. 6.7). Le produit ne peut donc rĂ©pondre aux attentes des consommateurs Ă©veillĂ©es par le signe litigieux, raison pour laquelle il a Ă©tĂ© jugĂ© comme trompeur (consid. 6.10).
Dans lâarrĂȘt B-4934/2023 (du 7 mai 2024) le TAF a confirmĂ© que le signe «BIMBO QSR» est contraire aux bonnes mĆurs et lâa exclu de la protection selon lâart. 2 let. d LPM. Il suffit pour cela quâun signe soit perçu comme contraire aux bonnes mĆurs dans une seule langue nationale (consid. 4.5 et 6.1). En Suisse alĂ©manique, le terme «Bimbo» est majoritairement perçu comme une injure raciste visant des personnes racisĂ©es, dâaprĂšs plusieurs dictionnaires et encyclopĂ©dies de langue allemande, une enquĂȘte et des forums internet suisses (consid. 6.2.1). Lâintention de lâutilisateur est jugĂ©e non pertinente et le principe de spĂ©cialitĂ© sâapplique Ă©galement aux signes racistes (consid. 4.4 et 4.7). Pour des germanophones, la signification raciste ne passe pas en arriĂšre-plan en relation avec les produits et services revendiquĂ©s (consid. 6.2.4 et 6.4). Aussi, lâajout de «QSR» (abrĂ©viation jugĂ©e mĂ©connue de «Quick Service Restaurant») nâattĂ©nue pas cette connotation en lâespĂšce (consid. 6.3). Toutefois, compte tenu de la signification du terme «bimbo» en italien (Ă savoir «petit enfant»), si la marque Ă©tait revendiquĂ©e pour des produits concrets qui suggĂšreraient directement un sens non raciste, comme des produits pour enfants, il serait possible quâelle aurait pu ĂȘtre perçue diffĂ©remment (consid. 6.4).
Enfin, le Tribunal rappelle quâen droit des marques, lâenregistrement ne garantit pas la validitĂ© juridique dâun signe. Le titulaire risque de voir sa marque se dĂ©grader dans lâopinion publique. Ainsi, la recourante, dont la marque nâest pas enregistrĂ©e, ne peut pas invoquer la violation de la garantie de propriĂ©tĂ©, malgrĂ© ses investissements dans le nom de lâentreprise et dans de nombreuses marques. Le TF a entre-temps confirmĂ© cet arrĂȘt (arrĂȘt 4A_343/2024 du 1er novembre 2024).
LâarrĂȘt B-2338/2022 du 10 septembre 2024 reprend les principes de la jurisprudence «WEST/ZEST» (TAF B-3792/2022 du 28 fĂ©vrier 2024). MalgrĂ© une structure commune, la graphie distincte («À» vs «a»), le manque de similaritĂ© phonĂ©tique (consid. 5.3.2) et lâabsence de similaritĂ© conceptuelle (consid. 5.3.3) permettent, selon le TAF, dâĂ©carter tout risque de confusion, contrairement Ă lâargumentaire de lâIPI. Le TAF souligne que «ZARA» peut ĂȘtre perçu comme un prĂ©nom fĂ©minin ou comme un signe de fantaisie, tandis que «zĂ€mÀ» signifie «ensemble» en allemand. IndĂ©pendamment du fait que le public latinophone comprenne ou non le suisse allemand, il perçoit les diffĂ©rences visuelles et phonĂ©tiques entre le signe, de sorte que tout risque de confusion peut ĂȘtre exclu (consid. 5.3.2 et 7.3.2).
Dans lâarrĂȘt B-4408/2022 du 29 janvier 2024, le TAF conclut Ă une faible similaritĂ© visuelle entre les deux marques en raison de diffĂ©rences notables dans leur graphie (arrangements des lettres et prĂ©sentation graphie). Il nây a ni similaritĂ© phonĂ©tique ni conceptuelle. Le TAF retient un degrĂ© dâattention plus Ă©levĂ© (voire accru pour les spĂ©cialistes) pour les produits de la classe 14 (montres, bijoux, joillaux, mĂ©taux et pierres prĂ©cieux) et une protection accrue pour la marque LONGINES en raison de sa notoriĂ©tĂ©, sans toutefois Ă©tendre ce champ de protection accru Ă lâĂ©lĂ©ment figuratif, faute de preuve correspondante (consid. 3.2, 6.3 ss). Par consĂ©quent, bien que les produits soient identiques, ce qui exige une Ă©valuation particuliĂšrement rigoureuse du risque de confusion, et malgrĂ© la force distinctive et le champ de protection accrus de la marque opposante et le degrĂ© dâattention retenu, les faibles similaritĂ©s, limitĂ©es au seul aspect visuel, ne suffisent pas Ă Ă©tablir un risque de confusion entre les deux signes en conflit (consid. 7.4).
Dans le cas de lâarrĂȘt B-6734/2023 du 3 juin 2024, le Tribunal a admis des similitudes aux niveaux graphiques, phonĂ©tiques et conceptuels entre les signes «Burger King» et «Burek King». MĂȘme sâil peut sembler inhabituel quâune chaĂźne de restauration rapide amĂ©ricaine propose Ă©galement des plats balkaniques/turcs, il nâest pas exclu, notamment dans la restauration, de proposer Ă©galement des plats en dehors de lâactivitĂ© principale (consid. 8.1 ss). Le TAF a ainsi admis un risque de confusion indirect.
Sabine BĂŒttler termine sa prĂ©sentation en rappelant les trois moyens pour se dĂ©fendre contre une demande de radiation: premiĂšrement, contester la vraisemblance du dĂ©faut dâusage de la marque attaquĂ©e; deuxiĂšmement, rendre vraisemblable lâusage de cette marque; ou, troisiĂšmement, rendre vraisemblables de justes motifs pour son dĂ©faut dâusageâ10.
Dans lâarrĂȘt B-3745/2022 du 27 fĂ©vrier 204 («Shelby»), le TAF admet quâune recherche dâusage peut suffire Ă rendre vraisemblable un dĂ©faut dâusage si celle-ci est suffisamment complĂšte (consid. 4.1). En lâespĂšce, lâusage a Ă©tĂ© jugĂ© sĂ©rieux pour la vente dâenviron 90 montres sur une pĂ©riode de deux ans et demi, Ă un prix compris entre 1'500 et 2'500 francs. En raison de leur prix, ces montres ne sont plus considĂ©rĂ©es comme des biens de consommation courante, mais plutĂŽt comme des produits de luxe (consid. 7.3).
En conclusion de ce sĂ©minaire, Eric Meier, vice-directeur et chef de la Division Marques & Designs de lâIPI, ainsi quâOlivier Veluz, chef de la section procĂ©dure dâopposition et de radiation Ă lâIPI, ont prĂ©sentĂ© les derniĂšres Ă©volutions de lâIPI concernant le dĂ©lai de traitement des demandes, la digitalisation, la procĂ©dure simplifiĂ©e de destruction des petits envois contenant des contrefaçons, ainsi que lâĂ©volution de la pratique en matiĂšre de marques.
Les statistiques montrent une augmentation des dĂ©pĂŽts de marques nationales, avec un total de 17'853 dĂ©pĂŽts pour 2023/24 (contre 16'266 en 2022/23) (+9,76%). En revanche, le nombre dâenregistrements internationaux dĂ©signant la Suisse a diminuĂ© significativement (14'575 en 2023/24 contre 18'038 en 2022/23) (â19,20%). Depuis juillet 2024 la tendance est toutefois Ă la hausse. Eric Meier a indiquĂ© que le but de lâIPI est de garantir des procĂ©dures aussi courtes que possible et que les dĂ©lais dans lâexamen des marques avaient Ă©tĂ© considĂ©rablement rĂ©duits au cours des derniĂšres annĂ©es, malgrĂ© lâaugmentation massive des demandes dâenregistrement aprĂšs la pandĂ©mie. LâIPI a lâintention de rĂ©duire encore les dĂ©lais pour le premier examen des enregistrements internationaux (max. 6 mois) et lâexamen subsĂ©quent des signes rejetĂ©s (de 3 Ă 4 mois dâici mi-2026). En matiĂšre de digitalisation, lâIPI poursuit le dĂ©veloppement de son offre numĂ©rique. Une nouvelle Ă©tape a Ă©tĂ© franchie avec le remplacement de Swissreg (âčwww.swissreg.châș), unifiant sous une mĂȘme adresse lâorgane de publication et les bases de donnĂ©es des titres de protection. Suite aux feed-back des utilisateurs, lâIPI a apportĂ© de nombreuses amĂ©liorations au service en ligne dâordre de dĂ©bit du compte courant.
Eric Meier a relevĂ© que la piraterie de marques et dâautres droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle est en nette augmentation et que plus de 90% des contrefaçons parviennent en Suisse par le biais de petits envois. Or, la procĂ©dure actuelle dâintervention de lâOffice fĂ©dĂ©ral de la douane et de la sĂ©curitĂ© des frontiĂšres est lourde et compliquĂ©e pour ces cas dâimportance mineure, tant pour les autoritĂ©s que pour les titulaires de droits potentiellement lĂ©sĂ©s. Le 22 dĂ©cembre 2023, les Chambres fĂ©dĂ©rales ont adoptĂ© une nouvelle loi fĂ©dĂ©rale introduisant une procĂ©dure simplifiĂ©e pour la destruction de petits envois contenant des contrefaçons.
La rĂ©vision lĂ©gislative offre aux titulaires de droits le choix entre deux procĂ©dures lorsque de petits envois contenant des contrefaçons sont retenus Ă la frontiĂšre: la procĂ©dure ordinaire ou la procĂ©dure simplifiĂ©e. Dans cette derniĂšre, seule la personne qui a commandĂ© la marchandise sera informĂ©e dans un premier temps. Les produits contrefaits seront dĂ©truits automatiquement si lâacheteur ne sây oppose pas. Si lâacheteur fait opposition, le titulaire des droits en sera informĂ© et pourra prendre les mesures nĂ©cessaires pour protĂ©ger ses droits. LâĂ©molument sera plus bas pour la procĂ©dure simplifiĂ©e. Le projet de rĂ©vision attribue Ă lâIPI la compĂ©tence de gĂ©rer ces deux procĂ©dures administratives.
Olivier Veluz a ensuite prĂ©sentĂ© lâĂ©tat des lieux des projets de dĂ©veloppement de la pratique en matiĂšre de marques qui ont Ă©tĂ© communiquĂ© au printemps 2024 (cf. Newsletter 2024/05 â Marques et designs). Dans ce contexte, il a prĂ©sentĂ© les deux projets de pratique qui ont entre-temps Ă©tĂ© communiquĂ©s (cf. Newsletter no 10 â Marques, brevets et designs), Ă savoir la question de la similaritĂ© entre produits et services offerts dans des environnements virtuels par rapport Ă leurs Ă©quivalents rĂ©els et la pratique relative aux signes renvoyant au contenu thĂ©matique.
Sâagissant de la similaritĂ© entre produits et services virtuels et leurs Ă©quivalents rĂ©els, Olivier Veluz que lâapplication des critĂšres traditionnels ne permet pas de prendre en considĂ©ration les nombreuses analogies entre lâutilisation de marques dans les deux environnements. Les critĂšres mis en Ćuvre mettent ainsi lâaccent sur la complĂ©mentaritĂ© et sur les habitudes de marketing et de consommation prĂ©valant dans la branche considĂ©rĂ©e. Olivier Veluz souligne que ces critĂšres correspondent Ă ceux dĂ©veloppĂ©s dans ce contexte par lâEUIPO, conformĂ©ment Ă la stratĂ©gie de lâIPI dans ce contexte.
Pour les produits, la similaritĂ© restera lâexception. La partie qui se prĂ©vaut dâune similaritĂ© devra dĂ©montrer le caractĂšre usuel, dans la branche considĂ©rĂ©e, dâune utilisation conjointe de produits rĂ©els et de leurs Ă©quivalents virtuels dans le marketing ou sur le marchĂ©. La similaritĂ© sera admise si les moyens de preuve produits permettent de conclure que les destinataires perçoivent effectivement lâoffre comme pouvant provenir dâune mĂȘme entreprise.
Pour les services, il convient dâopĂ©rer des distinctions. Concernant les services dont le but et la fonction sont identiques, quâils soient fournis dans un environnement virtuel ou dans un environnement rĂ©el (p.ex. formation, organisation dâun concert ou conseils financiers), la similaritĂ© sera examinĂ©e sur la base des critĂšres traditionnels. En effet, le lieu de fourniture (monde rĂ©el ou environnements virtuels) nâaltĂšre pas la nature du service.
Pour les autres services offerts dans des environnements virtuels, il sâagit de prestations offertes Ă titre de promotion [cl. 35], de formation ou de divertissement [cl. 41]. Or, la pratique actuelle admet lâexistence dâanalogies entre divers services et certains autres relevant des classes 35 et 41 (p.ex. organisation de voyages [cl. 39] ou services de restauration [cl. 43] par rapport Ă des services de divertissement [cl. 41]). Pour les autres services, lâadmission de la similaritĂ© nâest pas exclue, mais restera lâexception. Il sâagit comme pour les produits de dĂ©montrer des habitudes de consommation ou de marketing dans la branche considĂ©rĂ©e.
LâaprĂšs-midi sâest ensuite terminĂ© sur la prĂ©sentation de la pratique relative aux signes qui renvoient au contenu thĂ©matique, que lâIPI a dĂ©cidĂ© de mettre en Ćuvre dĂšs le 1er dĂ©cembre 2024, en rĂ©action Ă lâarrĂȘt du TAF B-4493/2022 â [Apfel](fig.) du 26 juillet 2023.
Sâagissant tout dâabord des marques figuratives, lâIPI a dĂ©cidĂ© de mettre en Ćuvre les critĂšres ressortant de lâarrĂȘt Apfel prĂ©citĂ©. Ainsi une image dĂ©pourvue de caractĂšre distinctif peut renvoyer Ă un contenu thĂ©matique. Pour que ce soit le cas, lâobjet qui se dĂ©gage du signe doit ĂȘtre typique en relation avec les produits ou services concernĂ©s. Il sâagit dâĂ©tablir (1) un large usage de signes comparables, (2) par de nombreux et diffĂ©rents fournisseurs, (3) en tant que renvoi mĂȘme au contenu thĂ©matique.
Pour les marques verbales, Olivier Veluz explique que la reprise de ces mĂȘmes critĂšres ne peut entrer en considĂ©ration, au risque sinon que tout signe verbal soit considĂ©rĂ© comme distinctif, puisquâadmettre la typicitĂ© dans ce contexte nâest pas possible Ă Ă©tablir. NĂ©anmoins, il note que, conformĂ©ment Ă sa stratĂ©gie, lâIPI dĂ©cide dâassouplir sa pratique en tenant davantage compte de lâobjectif du TAF visant Ă Ă©viter un refus trop large des marques verbales en tant quâindications dâun possible contenu thĂ©matique. Il vise aujourdâhui une pratique alignĂ©e sur celle dĂ©veloppĂ©e par lâEUIPO, dans lâattente dâĂ©ventuels futurs critĂšres plus complets qui pourraient se dĂ©gager des travaux en cours en lien avec la pratique commune y relative par le RĂ©seau europĂ©en de la propriĂ©tĂ© intellectuelle (pratique commune no 16)â11. LâĂ©lĂ©ment dĂ©terminant nâest pas quâune indication puisse servir, dans lâabstrait, Ă dĂ©crire un thĂšme. Il faut plutĂŽt partir du principe quâun signe ne sera compris comme une indication descriptive par le public pertinent que sâil existe un rapport concret suffisamment Ă©troit entre le signe et les produits ou les services. Ce sera dâabord le cas des dĂ©nominations dĂ©signant des thĂšmes ou des activitĂ©s courants ou souvent traitĂ©s (ex. JARDIN, HISTOIRE SUISSE). Un signe sera Ă©galement perçu comme un renvoi Ă un contenu lorsque cette perception est Ă©vidente. Ne sont en principe pas Ă©vidents les thĂšmes trop vagues, trop abstraits ou trop indĂ©terminĂ©s. Il en va en rĂšgle gĂ©nĂ©rale de mĂȘme des thĂšmes trop Ă©troits, Ă moins que le caractĂšre scientifique ou technique se dĂ©gage du mot ou de la combinaison de mots. En outre, la mention dâun mĂ©dia, par exemple un journal ou une chaĂźne, ou dâun Ă©vĂ©nement, favorisera la perception dâun signe en tant que contenu, pour autant que le thĂšme qui sây rapporte soit lui-mĂȘme Ă©vident. Olivier Veluz souligne quâil existe des habitudes linguistiques dans la formation de titres ou de thĂšmes. LâIPI les prendra en compte, de sorte que, parfois, des petites diffĂ©rences suffiront Ă justifier ou non un refus. Finalement, les signes reconnaissables comme thĂšmes de fiction (ex. LE SEIGNEUR DES ANNEAUX) sont acceptĂ©s Ă lâenregistrement.
Fussnoten:
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3 |
Art. 10 et 11 LPM/art. 5 LDes. |
4 |
Au niveau europĂ©en, cf. EUIPN, Communication commune â caractĂšre distinctif des marques tridimensionnelles (marques de forme) contenant des Ă©lĂ©ments verbaux et/ou figuratifs lorsque la forme nâest pas distinctive en tant que telle, avril 2020. |
5 |
Au sens de lâart. 9(2) du RMUE, soit lâusage dans le cadre dâactivitĂ©s commerciales, dâune maniĂšre susceptible dâaffecter une ou plusieurs fonctions de la marque. |
6 |
ConformĂ©ment Ă lâart. 7, § 1er, b, RMUE. |
7 |
ConformĂ©ment Ă lâart, 63, § 2, du rĂšglement no 6/2002. |
8 |
B-3392/2023, B-3651/2022, B-1776/2023, B-5883/2023, B-5637/2023, B-4112/2022, B-1777/2023, B-4934/2023, B-459/2023, B-1136/2023, B-5271/2023, B-4612/2023, B-6577/2023, B-6579/2023, B-6583/2023, B-1014/2024, B-1493/2023, B-4026/2022. |
9 |
B-3392/2023, B-3651/2022, B-1776/2023, B-5883/2023, B-5637/2023, B-4112/2022, B-1777/2023, B-4934/2023, B-459/2023, B-1136/2023, B-5271/2023, B-4612/2023, B-6577/2023, B-6579/2023, B-6583/2023, B-1014/2024, B-1493/2023, B-4026/2022. |
10 |
Art. 35b al. 1 let. a, b et b in fine LPM. |
11 |
âčwww.tmdn.org/publicwebsite/#/practicesâș, consultĂ© le 18 mars 2025. |
Ella Meyer | 2025 Ausgabe 7-8