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Berichte / Rapports

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Compte-rendu du séminaire IPI-LES du 21 novembre 2024 à GenÚve

La 21Ăšme édition du sĂ©minaire conjoint organisĂ© par l’IPI et le LES-CH sur les DĂ©veloppements rĂ©cents en droit des marques s’est tenue Ă  GenĂšve le 21 novembre 2024. Quatre prĂ©sentations ont rythmĂ© cet Ă©vĂ©nement, abordant des sujets variĂ©s: des complĂ©mentaritĂ©s entre le droit des marques et des designs dans l’horlogerie Ă  la jurisprudence de l’Union europĂ©enne et celle du Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral. Pour conclure, l’IPI a prĂ©sentĂ© les derniĂšres Ă©volutions de sa pratique. Ce compte-rendu synthĂ©tise les principaux points dĂ©veloppĂ©s lors des interventions.

Am 21. November 2024 fand in Genf die 21. Veranstaltung des vom IGE und dem LES-CH organisierten gemeinsamen Seminars ĂŒber die jĂŒngsten Entwicklungen im Markenrecht statt. Vier PrĂ€sentationen prĂ€gten den Rhythmus dieser Veranstaltung und behandelten verschiedene Themen: von den KomplementaritĂ€ten zwischen Marken- und Designrecht in der Uhrenindustrie bis hin zur Rechtsprechung der EuropĂ€ischen Union und des Bundesverwaltungsgerichts. Zum Abschluss stellte das IGE die neuesten Entwicklungen in seiner Praxis vor. Dieser Bericht fasst die wichtigsten Punkte zusammen, die in den VortrĂ€gen entwickelt wurden.

Ella Meyer,

MLaw, Berne.

Le 21 novembre 2024 s’est tenue Ă  GenĂšve la 21Ăšme édition du sĂ©minaire sur les «DĂ©veloppements rĂ©cents en droit des marques», organisĂ© conjointement par le Licensing Executive Society Switzerland (LES-CH) et l’Institut FĂ©dĂ©ral de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (IPI). Cette annĂ©e, les organisateurs ont Ă©largi le programme aux droits des designs.

I. Marques v./Designs: quelle est la meilleure stratégie?

Me Carole Aubert et Philippe Vieira, tous deux reprĂ©sentants de la FĂ©dĂ©ration de l’industrie horlogĂšre suisse (ci-aprĂšs: FH) ont ouvert le sĂ©minaire avec une prĂ©sentation sur le rĂŽle des droits des marques et du design dans l’horlogerie suisse.

1. Histoire de l’horlogerie en Suisse et enjeux

Selon Me Carole Aubert et Philippe Vieira, l’horlogerie suisse, forte de son histoire plusieurs fois centenaire et de la diversitĂ© de ses modĂšles, doit relever deux principaux dĂ©fis: protĂ©ger ses designs iconiques face Ă  la prolifĂ©ration des copies et gĂ©rer les contraintes techniques liĂ©es aux montres (dimensions, composants, etc.), oĂč les innovations sont souvent discrĂštes ou essentiellement fonctionnelles (mouvement, Ă©tanchĂ©itĂ©, etc.). Pour rĂ©pondre Ă  ces enjeux, les orateurs de la FH ont exposĂ© lors de cette premiĂšre partie les diffĂ©rents titres de protection octroyĂ©s en droits des marques et des designs: l’enjeu Ă©tant d’exploiter pleinement les outils de propriĂ©tĂ© intellectuelle pour garantir une protection maximale du produit.

2. Marques v./Designs

a) Différences entre le droit des marques et des designs

Les orateurs ont commencĂ© par prĂ©senter les points de convergences et de divergences entre le droit des marques et des designs, y compris s’agissant de l’enregistrement de ces deux titres de protection. Les marques protĂšgent des signes distinguant les produits ou services d’une entreprise («indication de provenance»), tandis que les designs protĂšgent l’aspect extĂ©rieur d’un produit ou d’une partie de produit​1. Les marques peuvent prendre la forme notamment de mots, lettres, chiffres, reprĂ©sentations graphiques, formes en trois dimensions, seuls ou combinĂ©s, ou avec des couleurs; les designs sont caractĂ©risĂ©s par la disposition de lignes, surfaces, contours, couleurs ou matĂ©riaux​2. La protection des marques est renouvelable indĂ©finiment sous condition d’usage, alors que celle des designs est limitĂ©e Ă  25 ans, sans obligation d’utilisation​3.

Me Carole Aubert et Philippe Vieira ont soulignĂ© l’importance pour les entreprises horlogĂšres de combiner la protection des marques et des designs pour dĂ©fendre les modĂšles horlogers contre les contrefaçons, avec l’objectif de privilĂ©gier une protection en droit des marques en raison de sa plus grande portĂ©e. Dans certains cas, l’objet est premiĂšrement enregistrĂ© comme design. Si la forme dĂ©passe les critĂšres fonctionnels ou esthĂ©tiques et parvient Ă  renvoyer Ă  une entreprise dĂ©terminĂ©e, elle est alors dotĂ©e du caractĂšre distinctif et peut ĂȘtre admise Ă  l’enregistrement Ă  titre de marque lorsqu’elle acquiert une notoriĂ©tĂ© sur le marchĂ©. Les orateurs ont citĂ© comme exemple l’horloge CFF initialement protĂ©gĂ©e en tant que design, puis enregistrĂ©e en 2003 comme marque tridimensionnelle en tant que marque imposĂ©e.

b) ArrĂȘt du TF 4A_565/2016 du 2 mai 2017

Les orateurs ont ensuite prĂ©sentĂ© l’arrĂȘt du TF 4A_565/2016 du 2 mai 2017. Dans cet arrĂȘt, la Haute Cour a analysĂ© les caractĂ©ristiques essentielles de deux designs horlogers en conflit. Elle a exclu de la comparaison des Ă©lĂ©ments comme la lunette circulaire et les motifs floraux, jugĂ©s banals et rĂ©pandus dans l’industrie horlogĂšre. Le TF a conclu ainsi que les deux designs dĂ©gageaient une impression gĂ©nĂ©rale distincte, de sorte que le design contestĂ© n’entrait pas dans le champ de protection du design antĂ©rieur au sens de l’art. 8 LDes. Dans cet arrĂȘt, le TF a par ailleurs examinĂ© le conflit sous l’angle de l’art. 3 al. 1 let. d LCD; or, toute concurrence dĂ©loyale a Ă©tĂ© niĂ©e, au motif notamment que, sur le marchĂ©, les marques Ă©taient apposĂ©es sur chaque cadran ce qui permettait d’éviter tout risque de confusion. Ainsi, des petits dĂ©tails peuvent, selon les intervenants jouer un rĂŽle important dans les secteurs oĂč la possibilitĂ© de crĂ©ation est effectivement restreinte (comme dans l’horlogerie et la bijouterie) et oĂč le destinataire du produit consacre plus d’attention aux dĂ©tails. Cette dĂ©cision souligne l’importance de la protection des caractĂ©ristiques essentielles des designs et montre comment l’ajout d’une marque peut, par exemple, prĂ©venir des risques de confusion.

3. Marques 3D

Philippe Vieira et Me Carole Aubert rappellent que les marques tridimensionnelles peuvent ĂȘtre refusĂ©es Ă  l’enregistrement si elles manquent de caractĂšre distinctif, si elles se limitent Ă  des signes banals, descriptifs ou purement fonctionnels, si elles constituent la nature mĂȘme du produit ou de son emballage ou sont techniquement nĂ©cessaires. Cependant, une forme tridimensionnelle appartenant au domaine public peut ĂȘtre protĂ©gĂ©e si elle est combinĂ©e avec des Ă©lĂ©ments verbaux ou figuratifs qui ne sont ni descriptifs ni fonctionnels et qui s’écartent suffisamment de la diversitĂ© des Ă©lĂ©ments existants dans le domaine des produits concernĂ©s (cf. TAF B-4112/2022)​4. Ainsi, une marque 3D peut prolonger le droit Ă  une protection d’un modĂšle devenu iconique et ĂȘtre plus facile Ă  mettre en Ɠuvre. Mais lĂ  aussi, aucun signe techniquement nĂ©cessaire ne sera admis, mĂȘme s’il devait remplir les conditions pour ĂȘtre enregistrĂ© comme marque imposĂ©e (ATF 147 III 517, consid. 6.1).

Les intervenants ont ensuite Ă©voquĂ© l’arrĂȘt du TF 4A_61/2021 sur les capsules Nespresso, dans lequel le TF a annulĂ© l’enregistrement de la marque tridimensionnelle en raison de motifs techniques et d’un manque de caractĂšre distinctif. Les formes techniquement nĂ©cessaires ne peuvent jamais ĂȘtre protĂ©gĂ©es en tant que marques 3D, mĂȘme si elles se sont imposĂ©es dans le commerce. Contrairement Ă  la pratique europĂ©enne, qui considĂšre l’existence d’un brevet comme un obstacle automatique Ă  l’enregistrement d’une marque 3D, le TF a examinĂ© en dĂ©tail les formes alternatives. À ce propos, le TF rappelle que les concurrents doivent avoir accĂšs Ă  des solutions Ă©quivalentes, sans dĂ©savantages, notamment financiers. Quand bien mĂȘme d’autres formes pourraient ĂȘtre possibles, il souligne encore que ces formes alternatives doivent se distinguer suffisamment dans l’esprit du public de la forme dĂ©posĂ©e, ce qui n’est pas le cas s’agissant des alternatives Ă  la forme Nespresso.

Enfin, l’arrĂȘt des lapins Lindt contre Lidl (TF 4A_587/2021) a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© pour illustrer la question du risque de confusion entre des formes en trois dimensions. Dans cette affaire, le TF a retenu qu’en raison de la grande notoriĂ©tĂ© de la forme des lapins Lindt, le public peut ĂȘtre amenĂ© Ă  prĂ©sumer un faux lien entre les lapins en chocolat en conflit, ce qui porte atteinte Ă  la fonction distinctive de la marque Lindt. En effet, pour les juges de Mon-Repos, le lapin offert par Lidl reprend les caractĂ©ristiques essentielles qui font que le lapin Lindt soit Ă  ce point connu, ce qui a Ă©tĂ© de nature Ă  fonder le risque de confusion.

II. Tour d’horizon de la jurisprudence communautaire

Le sĂ©minaire s’est poursuivi par un tour d’horizon de la jurisprudence communautaire rĂ©cente prĂ©sentĂ© par Me Emmanuelle Limouzy, du Cabinet Marchais & AssociĂ©s, Ă  Paris. L’exposĂ© a portĂ© sur les arrĂȘts importants durant l’annĂ©e 2024 du Tribunal de l’Union EuropĂ©enne (TUE), de l’Office de l’Union europĂ©enne pour la propriĂ©tĂ© intellectuelle (EUIPO) et de la Cour de Justice de l’Union EuropĂ©enne (CJUE).

1. Maintien et perte des droits et marques par l’usage

a) Usage sérieux et conservation des preuves

À titre prĂ©liminaire, Me Emmanuelle Limouzy a rappelĂ© l’obligation et donc l’importance d’un usage sĂ©rieux de la marque afin de prĂ©venir sa dĂ©chĂ©ance. Elle a insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de conserver des preuves solides de cette utilisation. En droit europĂ©en, les exigences sont particuliĂšrement strictes pour justifier l’exploitation de la marque.

b) TUE, Supermac’s Holdings Ltd/EUIPO – McDonald’s (T-58/23, 5 juin 2024)

Me Emmanuelle Limouzy a commencĂ© avec l’arrĂȘt T-58/23 (TUE, Supermac’s Holdings Ltd/EUIPO – McDonald’s), qui illustre le risque de dĂ©chĂ©ance pour non-usage sĂ©rieux.

En 2017, Supermac’s, une chaĂźne irlandaise, a dĂ©posĂ© la marque «Supermac’s» en classes 30 et 43 en Europe, entraĂźnant des oppositions de McDonald’s basĂ©es notamment sur sa marque europĂ©enne «Big Mac». En rĂ©ponse, Supermac’s a engagĂ© une procĂ©dure en dĂ©chĂ©ance pour dĂ©faut d’usage sĂ©rieux devant l’EUIPO de la marque «Big Mac» par McDonald’s. La dĂ©cision de l’EUIPO a conduit Ă  la dĂ©chĂ©ance partielle pour des produits et services spĂ©cifiques, car la chaĂźne n’avait pas prouvĂ© de maniĂšre suffisante l’usage de sa marque. McDonald’s a formĂ© un recours contre cette dĂ©cision et la Chambre de recours a rĂ©tabli certains de ses droits. Par la suite, Supermac’s a dĂ©posĂ© un recours devant le TUE, qui a annulĂ© la marque «Big Mac» pour certains produits comme les sandwiches au poulet, les aliments Ă  base de volaille et certains services en raison du manque de preuves suffisantes concernant l’usage sĂ©rieux (en termes de volume, frĂ©quence et durĂ©e). Les quelques documents produits par McDonald’s (impressions d’affiches publicitaires, des captures d’écran de comptes Facebook, de TV, des menus, etc.) n’étaient pas datĂ©s de maniĂšre complĂšte et largement insuffisants. Cela dĂ©montre l’importance, mĂȘme pour les marques renommĂ©es, de collecter des preuves dĂ©taillĂ©es et objectives de l’usage de la marque.

c) ArrĂȘt EUPO, Chambre des recours, HERMES INTERNATIONAL v/Markus Bennemann (R 192/2021-2, 6 septembre 2024)

Me Emmanuelle Limouzy poursuit la prĂ©sentation de la jurisprudence europĂ©enne avec l’arrĂȘt R 192/2021-2 (EUIPO, Chambre des recours, HERMES INTERNATIONAL v/Markus Bennemann), qui traite de la distinctivitĂ© et de l’usage du H stylisĂ© d’HERMES. La question centrale est de savoir si une marque, reproduite sur un produit, conserve sa fonction d’indication d’origine ou devient un simple Ă©lĂ©ment dĂ©coratif.

En 2016, HERMES a dĂ©posĂ© une marque figurative internationale (IR) dĂ©signant l’UE pour des produits de la classe 25. En juin 2022, Markus Bennemann a engagĂ© contre la partie UE de la marque une action en dĂ©chĂ©ance pour dĂ©faut d’usage sĂ©rieux, affirmant que les Ă©lĂ©ments apportĂ©s par HERMES montraient un usage Ă  titre ornemental et non de marque. La division d’annulation de l’EUIPO a fait droit Ă  cette demande mais HERMES a fait appel, soutenant premiĂšrement qu’une marque de l’UE peut se composer de tout signe dĂšs lors qu’il sert Ă  distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux des autres et, deuxiĂšmement, que l’utilisation de la marque en tant qu’empeigne pour les chaussures, est courante dans le domaine du luxe, le public Ă©tant ainsi habituĂ© Ă  reconnaĂźtre la forme comme constituant une marque, et donc une indication d’origine.

La chambre de recours a reconnu que la marque contestĂ©e possĂ©dait un certain degrĂ© de caractĂšre distinctif et ne pouvait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme gĂ©nĂ©rique, descriptive ou dĂ©pourvue de tout caractĂšre distinctif. Elle a estimĂ© qu’elle ne serait pas perçue uniquement comme un Ă©lĂ©ment ornemental et a confirmĂ© sa protection pour certains produits, notamment les sandales, les anneaux pour foulards, les t-shirts et les sweatshirts.

2. Marques de renommée et marques atypiques

a) CJUE, Audi AG contre GQ (C-334-/22, 25 janvier 2024)

Dans l’arrĂȘt C-334/22, Me Emmanuelle Limouzy a analysĂ© la jurisprudence rĂ©cente sur l’utilisation de signes similaires Ă  des marques pour des piĂšces dĂ©tachĂ©es automobiles. Audi AG, titulaire d’une marque europĂ©enne figurative, a intentĂ© une action en contrefaçon contre la sociĂ©tĂ© polonaise GQ pour la vente de calandres reproduisant l’emplacement de son logo. La CJUE a jugĂ© que l’utilisation de GQ constituait un usage inappropriĂ© dans la vie des affaires​5, portant atteinte aux fonctions essentielles de la marque (qualitĂ© et origine des produits) et ne relevant pas d’une fonction technique. L’exception d’utilisation rĂ©fĂ©rentielle a Ă©galement Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e, car GQ cherchait Ă  rendre sa piĂšce de rechange visuellement identique Ă  la calandre d’origine, une situation non couverte par l’article 14(1)(c) RMUE.

Me Limouzy a mis cette dĂ©cision en lien avec la rĂ©forme europĂ©enne des dessins et modĂšles (Directive publiĂ©e le 18 novembre 2024), qui vise Ă  libĂ©raliser leur protection, notamment pour les piĂšces de rechange par le moyen de la clause de rĂ©paration. L’arrĂȘt exposĂ© ci-dessus semble limiter l’application de cette clause de rĂ©paration puisque – du point de vue de la marque – la piĂšce de rechange ne peut pas contenir d’élĂ©ment reprenant la marque du fabricant d’origine, alors que – du point de vue des modĂšles – pour que la clause de rĂ©paration s’applique, il faut que la piĂšce de rechange soit visuellement identique Ă  la piĂšce d’origine. De futures prĂ©cisions quant Ă  cette thĂ©matique sont donc Ă  prĂ©voir.

b) TUE, SociĂ©tĂ© du Tour de France/EUIPO – FitX Beteiligungs GmbH (T-604/22, 12 juin 2024)

Me Emmanuelle Limouzy a poursuivi sa prĂ©sentation avec l’arrĂȘt T-604/2022. La SociĂ©tĂ© du Tour de France, titulaire des marques «TOUR DE FRANCE» et «LE TOUR DE FRANCE», s’est opposĂ©e Ă  l’enregistrement de la marque europĂ©enne «TOUR DE X», visant des produits et services similaires. MalgrĂ© l’identitĂ© et la similaritĂ© de plusieurs produits et services, ainsi que la renommĂ©e des marques antĂ©rieures, l’EUIPO a rejetĂ© l’opposition, dĂ©cision confirmĂ©e par le TUE. Le TUE a estimĂ© que l’expression «tour de» prĂ©sentait un caractĂšre distinctif faible, voire inexistant, car elle est couramment utilisĂ©e dans le contexte sportif. De plus, la lettre «X», stylisĂ©e et colorĂ©e, dominait visuellement la marque postĂ©rieure avec un degrĂ© de distinctivitĂ© moyen. Par ailleurs, l’expression «Tour de X» n’a pas Ă©tĂ© jugĂ©e comme portant atteinte Ă  la renommĂ©e des marques TOUR DE FRANCE ni profitant injustement de leur notoriĂ©tĂ©, la mention «Tour de» Ă©tant perçue comme descriptive et commune dans le milieu sportif. Le TUE a adoptĂ© une position stricte en jugeant que la renommĂ©e exceptionnelle des marques TOUR DE FRANCE ne suffisait pas Ă  compenser leur faible distinctivitĂ© intrinsĂšque, malgrĂ© des produits et services partiellement identiques, montrant ainsi les limites de la protection des marques faibles, mĂȘmes renommĂ©es.

TOUR DE France

LE TOUR DE France

3. Marques tridimensionnelles

a) TUE, Volvo Personvagnar AB/EUIPO (T-260/23, 26 juin 2024)

La sociĂ©tĂ© Volvo a dĂ©posĂ© une demande de marque pour un phare automobile, refusĂ©e par l’EUIPO pour absence de caractĂšre distinctif. Le TUE a annulĂ© cette dĂ©cision, rappelant que la nouveautĂ© ou l’originalitĂ© ne sont pas des critĂšres pertinents pour apprĂ©cier le caractĂšre distinctif​6: une marque doit se diffĂ©rencier substantiellement des formes de base du produit, communĂ©ment utilisĂ©es dans le commerce et ne pas apparaĂźtre comme une simple variante de ces formes. Toutefois, le TUE tempĂšre cette affirmation en estimant que, bien que l’existence de caractĂ©ristiques originales ne soit pas une condition sine qua non, leur prĂ©sence peut confĂ©rer le degrĂ© requis de distinctivitĂ© Ă  une marque qui en serait autrement dĂ©pourvue. Il faut, cependant, que les caractĂ©ristiques de la forme soient suffisamment marquĂ©es pour que le consommateur distingue l’origine du produit sur la seule base de sa forme. En l’espĂšce, la forme particuliĂšre du phare dĂ©posĂ© a Ă©tĂ© jugĂ©e apte Ă  capter l’attention du public et Ă  remplir la fonction d’identification d’origine. Le Tribunal a donc conclu que la marque disposait du minimum de caractĂšre distinctif requis et a annulĂ© la dĂ©cision de l’EUIPO.

4. Droit des Dessins et ModÚles

a) Divulgation effective d’un modùle

L’arrĂȘt du T-647/22 du 6 mars 2024 (Puma/EUIPO – Handelsmaatschappij J. Van Hilst BV), prĂ©sentĂ© par Me LIMOUZY, porte sur l’auto-divulgation d’un modĂšle pouvant entraĂźner l’invalidation de sa protection si ce modĂšle est rendu public avant son dĂ©pĂŽt. Puma avait enregistrĂ© un modĂšle communautaire pour une chaussure en juillet 2016. Cependant, en 2019, l’EUIPO a annulĂ© cet enregistrement pour absence de caractĂšre individuel, en s’appuyant sur une photo publiĂ©e sur Instagram en dĂ©cembre 2014. La publication montrait la chanteuse Rihanna portant une chaussure trĂšs similaire. Le TUE a confirmĂ© la divulgation, soulignant que la notoriĂ©tĂ© de Rihanna et sa visibilitĂ© mondiale avaient rendu le modĂšle connu Ă©galement des milieux spĂ©cialisĂ©s.

b) Divulgation sur attestation

Me Limouzy a poursuivi avec la prĂ©sentation de l’arrĂȘt T-210/23 du 10 juillet 2024 (Azienda Agricola F.Illi Buccelleti Srl./EUIPO – Sunservice Srl) portant sur la force probante des attestations en tant qu’élĂ©ments de preuve dans les procĂ©dures de nullitĂ© des dessins ou modĂšles. Le TUE a rappelĂ© que, pour prouver la divulgation effective d’un modĂšle antĂ©rieur, il est nĂ©cessaire de fournir des Ă©lĂ©ments concrets et objectifs, et non de simples probabilitĂ©s ou prĂ©somptions. Les attestations doivent ĂȘtre fiables, corroborĂ©es par d’autres preuves (comme des photographies), issues de tiers ne prĂ©sentant aucun lien de subordination. Elles doivent dĂ©montrer de maniĂšre raisonnable la divulgation sur le marchĂ©.

c) Sévérité du formalisme et faits nouveaux

Me Emmanuelle Limouzy a terminĂ© sa prĂ©sentation en mettant l’accent sur certains principes de procĂ©dure Ă  l’aune de l’arrĂȘt T-10/223 du 13 dĂ©cembre 2023 (Light Tec Ltd/EUIPO – DecoTrend GmbH). Dans cet arrĂȘt, le TUE a rappelĂ© que les faits ou preuves tardives peuvent ĂȘtre pris en compte Ă  la seule condition qu’ils soient en lien direct avec ceux dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ©s. Il ne s’agit toutefois pas de permettre de modifier ou d’élargir l’objet du litige​7, lequel est dĂ©terminĂ© par la demande en nullitĂ©. Il n’est donc pas possible d’y intĂ©grer ultĂ©rieurement de nouveaux dessins ou modĂšles antĂ©rieurs, car cela prolongerait la procĂ©dure et changerait son cadre initial. L’EUIPO doit ainsi se limiter aux dessins ou modĂšles explicitement mentionnĂ©s dans la demande initiale pour examiner leur impact sur la nouveautĂ© ou le caractĂšre individuel du dessin ou modĂšle contestĂ©.

III. Jurisprudence du Tribunal administratif fédéral

La parole a ensuite Ă©tĂ© donnĂ©e à Sabine BĂŒttler, greffiĂšre au Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral (TAF), pour prĂ©senter les principaux arrĂȘts rendus au cours de l’exercice 2023/2024. Pendant cette pĂ©riode, dix-huit arrĂȘts matĂ©riels ont Ă©tĂ© rendus en relation avec l’art. 2 LPM​8 et dix-huit autres avec l’art. 3 LPM​9. Cet article propose une sĂ©lection des arrĂȘts prĂ©sentĂ©s rĂ©alisĂ©e par la rĂ©dactrice.

1. Procédure

a) ArrĂȘt B-1958/2022 du 30 novembre 2023 (dĂ©lai de carence)

Dans l’arrĂȘt B-1958/2022, le TAF a statuĂ© sur la possibilitĂ© d’invoquer l’exception de non-usage d’une marque dans une procĂ©dure d’opposition avant l’expiration du dĂ©lai de carence de cinq ans, prĂ©vu Ă  l’art. 12 LPM. Le dĂ©lai de carence n’était pas encore Ă©coulĂ© au moment de l’invocation de l’exception de non-usage, mais Ă©tait Ă©chu au moment de la prise de dĂ©cision par l’IPI; cependant, ce dernier n’avait pas examinĂ© l’usage de la marque opposante.

Le TAF a confirmĂ© sa jurisprudence Gerflor/Gemflor (B-6675/2016), selon laquelle l’exception de non-usage peut ĂȘtre soulevĂ©e avec le dĂ©pĂŽt de la rĂ©ponse Ă  l’opposition, avant que le dĂ©lai de carence de cinq ans ne soit Ă©coulĂ© (Ă©tant prĂ©cisĂ© que l’IPI ne doit examiner cette exception qu’aprĂšs l’échĂ©ance du dĂ©lai; cf. B-6675/2016 consid. 9.3.1). Il a rappelĂ© que, selon le principe de la lĂ©galitĂ© Ă©tabli par l’art. 5 Cst., le refus d’examiner une exception invoquĂ©e doit ĂȘtre fondĂ© sur une base lĂ©gale formelle et non sur une disposition d’ordonnance comme en l’espĂšce (consid. 3.2). Ainsi, le TAF a admis le recours et renvoyĂ© l’affaire Ă  l’IPI pour qu’il examine l’usage de la marque opposante.

2. Motifs absolus d’exclusion (art. 2 LPM)

a) Let. a: Domaine public (motifs de surface)

Dans l’arrĂȘt B-406/2022 du 30 septembre 2024 le TAF a confirmĂ© la dĂ©cision de l’IPI de refuser partiellement l’enregistrement d’un signe constituĂ© de fleurs reprĂ©sentĂ©es de maniĂšre Ă  former un quadrillage de losanges, jugĂ© non distinctif selon l’art. 2 let. a LPM. Il a prĂ©cisĂ© que la perception du signe dĂ©pend de la nature du produit et de son usage courant dans le segment concernĂ© (consid. 4.5). Les motifs floraux et gĂ©omĂ©triques sont largement rĂ©pandus dans le domaine de la mode, oĂč leur diversitĂ© immense rend difficile la distinction avec des motifs usuels (consid. 4.6.1 ss, 4.6.3 ss). Les signes Ă  Ă©lĂ©ments rĂ©pĂ©titifs sont principalement reconnus comme dĂ©coratifs par les consommateurs et relĂšvent donc du domaine public (consid. 4.7.1, 4.12). Cet arrĂȘt a Ă©tĂ© contestĂ© au Tribunal fĂ©dĂ©ral.

b) Let. c: Signes propres à induire en erreur

L’arrĂȘt B-6583/2023 (du 29 juillet 2024) a confirmĂ© que le signe «QUEEN ALOE VERA», dĂ©posĂ© entre autres en relation avec des «eaux minĂ©rales» (cl. 32), est trompeur et exclu de la protection selon l’art. 2 let. c LPM. Le TAF a jugĂ© que, conformĂ©ment Ă  l’art. 8 al. 1 et 9 de l’ordonnance du DFI sur les boissons (RS 817.022.12), les eaux minĂ©rales ne peuvent contenir ni additifs ni aromatisations. Or, le signe est perçu comme dĂ©signant une eau aromatisĂ©e Ă  l’aloe vera de qualitĂ© supĂ©rieure, ce qui crĂ©e une attente incompatible avec la lĂ©gislation applicable (consid. 5.2 ss, 5.3, 6.9).

La distinction invoquĂ©e par la recourante entre «eau minĂ©rale» et «eau minĂ©rale naturelle» a Ă©tĂ© rejetĂ©e, le TAF considĂ©rant qu’il n’existe aucune base lĂ©gale ou justification objective pour diffĂ©rencier ces produits (consid. 6.7). Le produit ne peut donc rĂ©pondre aux attentes des consommateurs Ă©veillĂ©es par le signe litigieux, raison pour laquelle il a Ă©tĂ© jugĂ© comme trompeur (consid. 6.10).

c) Let. d: Signes contraire à l’ordre public et aux bonnes mƓurs

Dans l’arrĂȘt B-4934/2023 (du 7 mai 2024) le TAF a confirmĂ© que le signe «BIMBO QSR» est contraire aux bonnes mƓurs et l’a exclu de la protection selon l’art. 2 let. d LPM. Il suffit pour cela qu’un signe soit perçu comme contraire aux bonnes mƓurs dans une seule langue nationale (consid. 4.5 et 6.1). En Suisse alĂ©manique, le terme «Bimbo» est majoritairement perçu comme une injure raciste visant des personnes racisĂ©es, d’aprĂšs plusieurs dictionnaires et encyclopĂ©dies de langue allemande, une enquĂȘte et des forums internet suisses (consid. 6.2.1). L’intention de l’utilisateur est jugĂ©e non pertinente et le principe de spĂ©cialitĂ© s’applique Ă©galement aux signes racistes (consid. 4.4 et 4.7). Pour des germanophones, la signification raciste ne passe pas en arriĂšre-plan en relation avec les produits et services revendiquĂ©s (consid. 6.2.4 et 6.4). Aussi, l’ajout de «QSR» (abrĂ©viation jugĂ©e mĂ©connue de «Quick Service Restaurant») n’attĂ©nue pas cette connotation en l’espĂšce (consid. 6.3). Toutefois, compte tenu de la signification du terme «bimbo» en italien (Ă  savoir «petit enfant»), si la marque Ă©tait revendiquĂ©e pour des produits concrets qui suggĂšreraient directement un sens non raciste, comme des produits pour enfants, il serait possible qu’elle aurait pu ĂȘtre perçue diffĂ©remment (consid. 6.4).

Enfin, le Tribunal rappelle qu’en droit des marques, l’enregistrement ne garantit pas la validitĂ© juridique d’un signe. Le titulaire risque de voir sa marque se dĂ©grader dans l’opinion publique. Ainsi, la recourante, dont la marque n’est pas enregistrĂ©e, ne peut pas invoquer la violation de la garantie de propriĂ©tĂ©, malgrĂ© ses investissements dans le nom de l’entreprise et dans de nombreuses marques. Le TF a entre-temps confirmĂ© cet arrĂȘt (arrĂȘt 4A_343/2024 du 1er novembre 2024).

3. Motifs relatifs d’exclusion (art. 3 LPM)

a) ArrĂȘt B-2338/2022 du 10 septembre 2024 (ZARA/zĂ€mĂ€)

L’arrĂȘt B-2338/2022 du 10 septembre 2024 reprend les principes de la jurisprudence «WEST/ZEST» (TAF B-3792/2022 du 28 fĂ©vrier 2024). MalgrĂ© une structure commune, la graphie distincte («À» vs «a»), le manque de similaritĂ© phonĂ©tique (consid. 5.3.2) et l’absence de similaritĂ© conceptuelle (consid. 5.3.3) permettent, selon le TAF, d’écarter tout risque de confusion, contrairement Ă  l’argumentaire de l’IPI. Le TAF souligne que «ZARA» peut ĂȘtre perçu comme un prĂ©nom fĂ©minin ou comme un signe de fantaisie, tandis que «zĂ€mÀ» signifie «ensemble» en allemand. IndĂ©pendamment du fait que le public latinophone comprenne ou non le suisse allemand, il perçoit les diffĂ©rences visuelles et phonĂ©tiques entre le signe, de sorte que tout risque de confusion peut ĂȘtre exclu (consid. 5.3.2 et 7.3.2).

b) ArrĂȘt B-4408/2022 du 29 janvier 2024 (LONGINES (fig.)/LOSENGS (fig.))

Dans l’arrĂȘt B-4408/2022 du 29 janvier 2024, le TAF conclut Ă  une faible similaritĂ© visuelle entre les deux marques en raison de diffĂ©rences notables dans leur graphie (arrangements des lettres et prĂ©sentation graphie). Il n’y a ni similaritĂ© phonĂ©tique ni conceptuelle. Le TAF retient un degrĂ© d’attention plus Ă©levĂ© (voire accru pour les spĂ©cialistes) pour les produits de la classe 14 (montres, bijoux, joillaux, mĂ©taux et pierres prĂ©cieux) et une protection accrue pour la marque LONGINES en raison de sa notoriĂ©tĂ©, sans toutefois Ă©tendre ce champ de protection accru Ă  l’élĂ©ment figuratif, faute de preuve correspondante (consid. 3.2, 6.3 ss). Par consĂ©quent, bien que les produits soient identiques, ce qui exige une Ă©valuation particuliĂšrement rigoureuse du risque de confusion, et malgrĂ© la force distinctive et le champ de protection accrus de la marque opposante et le degrĂ© d’attention retenu, les faibles similaritĂ©s, limitĂ©es au seul aspect visuel, ne suffisent pas Ă  Ă©tablir un risque de confusion entre les deux signes en conflit (consid. 7.4).

c) ArrĂȘt B-6734/2023 du 29 janvier 2024 (BURGER KING/Burek BK King (fig.))

Dans le cas de l’arrĂȘt B-6734/2023 du 3 juin 2024, le Tribunal a admis des similitudes aux niveaux graphiques, phonĂ©tiques et conceptuels entre les signes «Burger King» et «Burek King». MĂȘme s’il peut sembler inhabituel qu’une chaĂźne de restauration rapide amĂ©ricaine propose Ă©galement des plats balkaniques/turcs, il n’est pas exclu, notamment dans la restauration, de proposer Ă©galement des plats en dehors de l’activitĂ© principale (consid. 8.1 ss). Le TAF a ainsi admis un risque de confusion indirect.

4. Radiation

Sabine BĂŒttler termine sa prĂ©sentation en rappelant les trois moyens pour se dĂ©fendre contre une demande de radiation: premiĂšrement, contester la vraisemblance du dĂ©faut d’usage de la marque attaquĂ©e; deuxiĂšmement, rendre vraisemblable l’usage de cette marque; ou, troisiĂšmement, rendre vraisemblables de justes motifs pour son dĂ©faut d’usage​10.

Dans l’arrĂȘt B-3745/2022 du 27 fĂ©vrier 204 («Shelby»), le TAF admet qu’une recherche d’usage peut suffire Ă  rendre vraisemblable un dĂ©faut d’usage si celle-ci est suffisamment complĂšte (consid. 4.1). En l’espĂšce, l’usage a Ă©tĂ© jugĂ© sĂ©rieux pour la vente d’environ 90 montres sur une pĂ©riode de deux ans et demi, Ă  un prix compris entre 1'500 et 2'500 francs. En raison de leur prix, ces montres ne sont plus considĂ©rĂ©es comme des biens de consommation courante, mais plutĂŽt comme des produits de luxe (consid. 7.3).

IV. NouveautĂ©s de l’IPI

En conclusion de ce sĂ©minaire, Eric Meier, vice-directeur et chef de la Division Marques & Designs de l’IPI, ainsi qu’Olivier Veluz, chef de la section procĂ©dure d’opposition et de radiation Ă  l’IPI, ont prĂ©sentĂ© les derniĂšres Ă©volutions de l’IPI concernant le dĂ©lai de traitement des demandes, la digitalisation, la procĂ©dure simplifiĂ©e de destruction des petits envois contenant des contrefaçons, ainsi que l’évolution de la pratique en matiĂšre de marques.

1. DerniÚres évolutions

Les statistiques montrent une augmentation des dĂ©pĂŽts de marques nationales, avec un total de 17'853 dĂ©pĂŽts pour 2023/24 (contre 16'266 en 2022/23) (+9,76%). En revanche, le nombre d’enregistrements internationaux dĂ©signant la Suisse a diminuĂ© significativement (14'575 en 2023/24 contre 18'038 en 2022/23) (–19,20%). Depuis juillet 2024 la tendance est toutefois Ă  la hausse. Eric Meier a indiquĂ© que le but de l’IPI est de garantir des procĂ©dures aussi courtes que possible et que les dĂ©lais dans l’examen des marques avaient Ă©tĂ© considĂ©rablement rĂ©duits au cours des derniĂšres annĂ©es, malgrĂ© l’augmentation massive des demandes d’enregistrement aprĂšs la pandĂ©mie. L’IPI a l’intention de rĂ©duire encore les dĂ©lais pour le premier examen des enregistrements internationaux (max. 6 mois) et l’examen subsĂ©quent des signes rejetĂ©s (de 3 Ă  4 mois d’ici mi-2026). En matiĂšre de digitalisation, l’IPI poursuit le dĂ©veloppement de son offre numĂ©rique. Une nouvelle Ă©tape a Ă©tĂ© franchie avec le remplacement de Swissreg (â€čwww.swissreg.châ€ș), unifiant sous une mĂȘme adresse l’organe de publication et les bases de donnĂ©es des titres de protection. Suite aux feed-back des utilisateurs, l’IPI a apportĂ© de nombreuses amĂ©liorations au service en ligne d’ordre de dĂ©bit du compte courant.

2. Procédure de destruction des petits envois contenant des contrefaçons

Eric Meier a relevĂ© que la piraterie de marques et d’autres droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle est en nette augmentation et que plus de 90% des contrefaçons parviennent en Suisse par le biais de petits envois. Or, la procĂ©dure actuelle d’intervention de l’Office fĂ©dĂ©ral de la douane et de la sĂ©curitĂ© des frontiĂšres est lourde et compliquĂ©e pour ces cas d’importance mineure, tant pour les autoritĂ©s que pour les titulaires de droits potentiellement lĂ©sĂ©s. Le 22 dĂ©cembre 2023, les Chambres fĂ©dĂ©rales ont adoptĂ© une nouvelle loi fĂ©dĂ©rale introduisant une procĂ©dure simplifiĂ©e pour la destruction de petits envois contenant des contrefaçons.

La rĂ©vision lĂ©gislative offre aux titulaires de droits le choix entre deux procĂ©dures lorsque de petits envois contenant des contrefaçons sont retenus Ă  la frontiĂšre: la procĂ©dure ordinaire ou la procĂ©dure simplifiĂ©e. Dans cette derniĂšre, seule la personne qui a commandĂ© la marchandise sera informĂ©e dans un premier temps. Les produits contrefaits seront dĂ©truits automatiquement si l’acheteur ne s’y oppose pas. Si l’acheteur fait opposition, le titulaire des droits en sera informĂ© et pourra prendre les mesures nĂ©cessaires pour protĂ©ger ses droits. L’émolument sera plus bas pour la procĂ©dure simplifiĂ©e. Le projet de rĂ©vision attribue Ă  l’IPI la compĂ©tence de gĂ©rer ces deux procĂ©dures administratives.

3. Développement de la pratique en matiÚre de marques

Olivier Veluz a ensuite prĂ©sentĂ© l’état des lieux des projets de dĂ©veloppement de la pratique en matiĂšre de marques qui ont Ă©tĂ© communiquĂ© au printemps 2024 (cf. Newsletter 2024/05 – Marques et designs). Dans ce contexte, il a prĂ©sentĂ© les deux projets de pratique qui ont entre-temps Ă©tĂ© communiquĂ©s (cf. Newsletter no 10 – Marques, brevets et designs), Ă  savoir la question de la similaritĂ© entre produits et services offerts dans des environnements virtuels par rapport Ă  leurs Ă©quivalents rĂ©els et la pratique relative aux signes renvoyant au contenu thĂ©matique.

a) Similarité entre produits et services offerts dans des environnements virtuels et leurs équivalents réels

S’agissant de la similaritĂ© entre produits et services virtuels et leurs Ă©quivalents rĂ©els, Olivier Veluz que l’application des critĂšres traditionnels ne permet pas de prendre en considĂ©ration les nombreuses analogies entre l’utilisation de marques dans les deux environnements. Les critĂšres mis en Ɠuvre mettent ainsi l’accent sur la complĂ©mentaritĂ© et sur les habitudes de marketing et de consommation prĂ©valant dans la branche considĂ©rĂ©e. Olivier Veluz souligne que ces critĂšres correspondent Ă  ceux dĂ©veloppĂ©s dans ce contexte par l’EUIPO, conformĂ©ment Ă  la stratĂ©gie de l’IPI dans ce contexte.

Pour les produits, la similaritĂ© restera l’exception. La partie qui se prĂ©vaut d’une similaritĂ© devra dĂ©montrer le caractĂšre usuel, dans la branche considĂ©rĂ©e, d’une utilisation conjointe de produits rĂ©els et de leurs Ă©quivalents virtuels dans le marketing ou sur le marchĂ©. La similaritĂ© sera admise si les moyens de preuve produits permettent de conclure que les destinataires perçoivent effectivement l’offre comme pouvant provenir d’une mĂȘme entreprise.

Pour les services, il convient d’opĂ©rer des distinctions. Concernant les services dont le but et la fonction sont identiques, qu’ils soient fournis dans un environnement virtuel ou dans un environnement rĂ©el (p.ex. formation, organisation d’un concert ou conseils financiers), la similaritĂ© sera examinĂ©e sur la base des critĂšres traditionnels. En effet, le lieu de fourniture (monde rĂ©el ou environnements virtuels) n’altĂšre pas la nature du service.

Pour les autres services offerts dans des environnements virtuels, il s’agit de prestations offertes Ă  titre de promotion [cl. 35], de formation ou de divertissement [cl. 41]. Or, la pratique actuelle admet l’existence d’analogies entre divers services et certains autres relevant des classes 35 et 41 (p.ex. organisation de voyages [cl. 39] ou services de restauration [cl. 43] par rapport Ă  des services de divertissement [cl. 41]). Pour les autres services, l’admission de la similaritĂ© n’est pas exclue, mais restera l’exception. Il s’agit comme pour les produits de dĂ©montrer des habitudes de consommation ou de marketing dans la branche considĂ©rĂ©e.

b) Signes renvoyant au contenu thématique

L’aprĂšs-midi s’est ensuite terminĂ© sur la prĂ©sentation de la pratique relative aux signes qui renvoient au contenu thĂ©matique, que l’IPI a dĂ©cidĂ© de mettre en Ɠuvre dĂšs le 1er dĂ©cembre 2024, en rĂ©action Ă  l’arrĂȘt du TAF B-4493/2022 – [Apfel](fig.) du 26 juillet 2023.

S’agissant tout d’abord des marques figuratives, l’IPI a dĂ©cidĂ© de mettre en Ɠuvre les critĂšres ressortant de l’arrĂȘt Apfel prĂ©citĂ©. Ainsi une image dĂ©pourvue de caractĂšre distinctif peut renvoyer Ă  un contenu thĂ©matique. Pour que ce soit le cas, l’objet qui se dĂ©gage du signe doit ĂȘtre typique en relation avec les produits ou services concernĂ©s. Il s’agit d’établir (1) un large usage de signes comparables, (2) par de nombreux et diffĂ©rents fournisseurs, (3) en tant que renvoi mĂȘme au contenu thĂ©matique.

Pour les marques verbales, Olivier Veluz explique que la reprise de ces mĂȘmes critĂšres ne peut entrer en considĂ©ration, au risque sinon que tout signe verbal soit considĂ©rĂ© comme distinctif, puisqu’admettre la typicitĂ© dans ce contexte n’est pas possible Ă  Ă©tablir. NĂ©anmoins, il note que, conformĂ©ment Ă  sa stratĂ©gie, l’IPI dĂ©cide d’assouplir sa pratique en tenant davantage compte de l’objectif du TAF visant Ă  Ă©viter un refus trop large des marques verbales en tant qu’indications d’un possible contenu thĂ©matique. Il vise aujourd’hui une pratique alignĂ©e sur celle dĂ©veloppĂ©e par l’EUIPO, dans l’attente d’éventuels futurs critĂšres plus complets qui pourraient se dĂ©gager des travaux en cours en lien avec la pratique commune y relative par le RĂ©seau europĂ©en de la propriĂ©tĂ© intellectuelle (pratique commune no 16)​11. L’élĂ©ment dĂ©terminant n’est pas qu’une indication puisse servir, dans l’abstrait, Ă  dĂ©crire un thĂšme. Il faut plutĂŽt partir du principe qu’un signe ne sera compris comme une indication descriptive par le public pertinent que s’il existe un rapport concret suffisamment Ă©troit entre le signe et les produits ou les services. Ce sera d’abord le cas des dĂ©nominations dĂ©signant des thĂšmes ou des activitĂ©s courants ou souvent traitĂ©s (ex. JARDIN, HISTOIRE SUISSE). Un signe sera Ă©galement perçu comme un renvoi Ă  un contenu lorsque cette perception est Ă©vidente. Ne sont en principe pas Ă©vidents les thĂšmes trop vagues, trop abstraits ou trop indĂ©terminĂ©s. Il en va en rĂšgle gĂ©nĂ©rale de mĂȘme des thĂšmes trop Ă©troits, Ă  moins que le caractĂšre scientifique ou technique se dĂ©gage du mot ou de la combinaison de mots. En outre, la mention d’un mĂ©dia, par exemple un journal ou une chaĂźne, ou d’un Ă©vĂ©nement, favorisera la perception d’un signe en tant que contenu, pour autant que le thĂšme qui s’y rapporte soit lui-mĂȘme Ă©vident. Olivier Veluz souligne qu’il existe des habitudes linguistiques dans la formation de titres ou de thĂšmes. L’IPI les prendra en compte, de sorte que, parfois, des petites diffĂ©rences suffiront Ă  justifier ou non un refus. Finalement, les signes reconnaissables comme thĂšmes de fiction (ex. LE SEIGNEUR DES ANNEAUX) sont acceptĂ©s Ă  l’enregistrement.

Fussnoten:

1

2

3

Art. 10 et 11 LPM/art. 5 LDes.

4

Au niveau europĂ©en, cf. EUIPN, Communication commune – caractĂšre distinctif des marques tridimensionnelles (marques de forme) contenant des Ă©lĂ©ments verbaux et/ou figuratifs lorsque la forme n’est pas distinctive en tant que telle, avril 2020.

5

Au sens de l’art. 9(2) du RMUE, soit l’usage dans le cadre d’activitĂ©s commerciales, d’une maniĂšre susceptible d’affecter une ou plusieurs fonctions de la marque.

6

ConformĂ©ment Ă  l’art. 7, § 1er, b, RMUE.

7

ConformĂ©ment Ă  l’art, 63, § 2, du rĂšglement no 6/2002.

8

B-3392/2023, B-3651/2022, B-1776/2023, B-5883/2023, B-5637/2023, B-4112/2022, B-1777/2023, B-4934/2023, B-459/2023, B-1136/2023, B-5271/2023, B-4612/2023, B-6577/2023, B-6579/2023, B-6583/2023, B-1014/2024, B-1493/2023, B-4026/2022.

9

B-3392/2023, B-3651/2022, B-1776/2023, B-5883/2023, B-5637/2023, B-4112/2022, B-1777/2023, B-4934/2023, B-459/2023, B-1136/2023, B-5271/2023, B-4612/2023, B-6577/2023, B-6579/2023, B-6583/2023, B-1014/2024, B-1493/2023, B-4026/2022.

10

Art. 35b al. 1 let. a, b et b in fine LPM.

11

â€čwww.tmdn.org/publicwebsite/#/practicesâ€ș, consultĂ© le 18 mars 2025.

Ella Meyer | 2025 Ausgabe 7-8