Le sĂ©minaire conjoint de lâIPI et du LES-CH sur les «DĂ©veloppements rĂ©cents en droit des marques» cĂ©lĂ©brait sa 20Ăšme édition le 23 novembre 2023 Ă GenĂšve. Pour cet anniversaire, les organisateurs sont revenus sur les 20 ans dâexistence du sĂ©minaire et ont saluĂ© la confiance et lâintĂ©rĂȘt des participants. Le sĂ©minaire sâest ensuite dĂ©roulĂ© selon son format habituel consistant en une prĂ©sentation scientifique, un tour dâhorizon de la jurisprudence du Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral et de la jurisprudence de lâUnion europĂ©enne, suivis dâune prĂ©sentation des nouveautĂ©s de lâIPI. Ce compte-rendu reprend lâessentiel des points dĂ©veloppĂ©s par les intervenants.
Das gemeinsame Seminar des IGE und des LES-CH ĂŒber die «Neusten Entwicklungen im Markenrecht» feierte am 23. November 2023 in Genf seine zwanzigste Ausgabe. AnlĂ€sslich dieser JubilĂ€umsausgabe blickten die Organisatoren auf die letzten 20 Jahre des Seminars zurĂŒck und lobten das Vertrauen und Interesse der Teilnehmenden. Das Seminar fand in seinem ĂŒblichen Format statt, das aus einer wissenschaftlichen PrĂ€sentation, einem Ăberblick ĂŒber die Rechtsprechung des Bundesverwaltungsgerichts und die Rechtsprechung der EuropĂ€ischen Union bestand, gefolgt von einer PrĂ€sentation mit Neuigkeiten des IGE. Der nachfolgende Bericht gibt die wesentlichen Punkte wieder, die von den Referenten besprochen wurden.
Ghislain Guigon-Sell,
Ph. D., expert en marques Ă lâIPI, Berne.
Le sĂ©minaire conjoint de lâIPI et du LES-CH sur les «DĂ©veloppements rĂ©cents en droit des marques» cĂ©lĂ©brait ses vingt ans le 23 novembre 2023 Ă GenĂšve. Dans leur mot de bienvenue et dâintroduction, les organisateurs, MichĂšle Burnier, membre du ComitĂ© Suisse du LES-CH, et Eric Meier, vice-directeur et chef de la Division Marques & Designs de lâIPI, ont remerciĂ© les participants pour leur confiance et leur intĂ©rĂȘt constant pendant les vingt ans dâexistence de ce sĂ©minaire. Ils ont soulignĂ© lâimportance de la participation des reprĂ©sentants des tribunaux et de lâEUIPO. MichĂšle Burnier a saluĂ© lâIPI pour se prĂȘter chaque annĂ©e Ă lâexercice de la rencontre avec ses utilisateurs.
Me Maud FragniĂšre, avocate chez Kasser Schlosser Avocats, a ouvert ce sĂ©minaire avec une analyse de lâapprĂ©ciation de la notion de risque de confusion en droit des signes distinctifs fondĂ©e sur la jurisprudence rĂ©cente dans les domaines du droit des marques, des raisons de commerce et de lâapplication de la loi fĂ©dĂ©rale contre la concurrence dĂ©loyale (LCD).
La notion de risque de confusion, comme lâa rappelé Maud FragniĂšre en dĂ©but dâexposĂ©, est la mĂȘme dans tous les domaines du droit des signes distinctifs (ATF 127 III 160 ss consid. 2a, «Securitas»): un risque de confusion existe lorsque la fonction distinctive du signe antĂ©rieur est atteinte par lâutilisation du signe le plus rĂ©cent. En outre, la doctrine distingue entre le risque de confusion direct, lorsque les destinataires prennent le signe tiers pour le signe protĂ©gĂ©, et le risque de confusion indirect, lorsque les destinataires croient quâil y a des liens juridiques ou Ă©conomiques (en lâoccurrence inexistants) entre lâutilisateur du signe tiers et le titulaire du signe protĂ©gĂ©.
Pour autant, le risque de confusion «ne sâapprĂ©cie pas forcĂ©ment selon les mĂȘmes critĂšres dans les diffĂ©rents domaines du droit» (TF, sic! 2020, 34 consid. 3.1.1, «Arveron SA/Arveyron-RhĂŽne SĂ rl»). Les critĂšres dâapprĂ©ciation sont diffĂ©rents. En droit des marques, le risque de confusion sâapprĂ©cie notamment en fonction du principe de spĂ©cialitĂ©, selon lequel il ne peut y avoir un risque de confusion que si les produits et services revendiquĂ©s sont similaires (sous rĂ©serve de la marque de haute renommĂ©e). En droit des raisons de commerce, la jurisprudence se montre notamment plus stricte lorsque les entreprises ont des activitĂ©s identiques ou similaires, ou quâelles exercent leurs activitĂ©s dans un pĂ©rimĂštre gĂ©ographique restreint; lâon constate que le risque de confusion est plus facilement admis si les destinataires sont les mĂȘmes (ATF 131 III 572 ss consid. 4.4, «Atlantis/Atlantis»). Enfin, en relation avec la LCD, le risque de confusion peut par exemple dĂ©couler du fait que les entreprises utilisant un signe similaire exercent leurs activitĂ©s dans un pĂ©rimĂštre gĂ©ographique restreint (TF du 13 octobre 2006, 4C.240/2006, «Modissa/Modesa Stoffe + VorhĂ€nge»). LâexposĂ© de Maud FragniĂšre portait sur lâanalyse de lâapplication de ces critĂšres dans la jurisprudence rĂ©cente.
Concernant le risque de confusion entre des signes comprenant un patronyme, Maud FragniĂšre sâest dâabord intĂ©ressĂ©e Ă lâarrĂȘt du Tribunal fĂ©dĂ©ral (ci-aprĂšs TF) du 1er octobre 2018, 4A_83/2018, «Pachmann RechtsanwĂ€lte AG/Bachmann RechtsanwĂ€lte AG» en droit des raisons de commerce. Dans cet arrĂȘt, tout en reconnaissant la raretĂ© du nom «Pachmann», qui lui confĂšre un caractĂšre distinctif fort, le TF a niĂ© lâexistence dâun risque de confusion entre ces deux signes, au motif que la structure «patronyme+avocats+forme sociale» est usuelle pour les Ă©tudes dâavocats et que lâon ne saurait interdire Ă une personne dâutiliser son nom dans sa raison de commerce. Cette dĂ©cision peut par exemple ĂȘtre comparĂ©e Ă la dĂ©cision dâopposition de lâIPI no 9245 du 2 avril 2009 «McGREGOR/Mr GREGORY (fig.)» en droit des marques. Dans celle-ci, les parties opposĂ©es revendiquent des produits similaires de la classe 18. Selon lâIPI, les diffĂ©rences entre les deux signes, notamment lâajout du «Y» final et dâun graphisme, ne sont pas aptes Ă occulter la prĂ©sence commune du radical «GREGOR», considĂ©rĂ© comme Ă©lĂ©ment essentiel. LâIPI a donc admis le risque de confusion entre ces signes.
Pour apprĂ©cier encore le poids de lâĂ©lĂ©ment essentiel en droit des marques, Maud FragniĂšre est revenue sur lâarrĂȘt du Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral (ci-aprĂšs TAF) du 18 mars 2019, B-6783/2017, «UBER/uberall (fig.)». Les deux marques concernĂ©es revendiquent notamment des produits et services partiellement identiques, partiellement similaires des classes 9 et 42. Le TAF, relevant que le signe UBER est intĂ©gralement repris dans le signe attaquĂ© et en compose le dĂ©but, a retenu un risque de confusion. Ainsi, lâajout dâun Ă©lĂ©ment final diffĂ©rent («all») et lâadjonction dâun Ă©lĂ©ment figuratif nâont pas Ă©tĂ© jugĂ©s aptes Ă occulter la reprise intĂ©grale du signe opposant.
Maud FragniĂšre sâest ensuite tournĂ©e vers les signes comprenant des acronymes, en commençant par le droit des raisons de commerce et lâarrĂȘt TF du 29 janvier 2019, 4A_541/2018, «SRC WirtschaftsprĂŒfungen GmbH/SRC Consulting GmbH». La sociĂ©tĂ© SRC WirtschaftsprĂŒfungen propose des services financiers et fiduciaires, tandis que la sociĂ©tĂ© SRC Consulting, qui a son siĂšge au mĂȘme lieu, propose notamment des conseils en gestion dâentreprise. Partant de sa jurisprudence selon laquelle un acronyme qui ne peut quâĂȘtre Ă©pelĂ© est dotĂ© dâune force distinctive faible, le TF a Ă©cartĂ© tout risque de confusion en dĂ©clarant que la diffĂ©rence entre «WirtschaftsprĂŒfungen» et «Consulting» Ă©tait suffisante. Selon Maud FragniĂšre, le critĂšre de proximitĂ© gĂ©ographique nâa pas Ă©tĂ© correctement appliquĂ© par les juges en lâespĂšce. En effet, ce critĂšre ne vise pas uniquement le risque de confusion pour les clients, mais aussi pour les personnes en recherche dâemploi ou les autoritĂ©s. Tenant compte de lâensemble de ces cercles, le risque de confusion apparaĂźt pourtant Ă©vident.
Pour rendre compte de lâanalyse diffĂ©renciĂ©e dans le domaine des marques, Maud FragniĂšre a alors citĂ© quatre arrĂȘts concernant des signes contenant un acronyme: lâarrĂȘt TF du 27 avril 2018, 4A_617/2017, «GEM/GEM (GenĂšve en marche)», lâarrĂȘt TAF du 26 janvier 2022, B-3264/2020, «EQ/EQART», lâarrĂȘt TAF du 1er fĂ©vrier 2022, B-1306/2021, «YT/EYT (fig.)» et lâarrĂȘt TAF du 17 novembre 2020, B-4311/2018, «DPAM/DMAP». Dans chacune de ces affaires, les produits et/ou services de la marque opposante et de la marque attaquĂ©e sont partiellement ou totalement fortement similaires, partiellement identiques. PremiĂšrement, les titulaires des marques «GEM» et «GEM (GenĂšve en marche)» sont «deux entitĂ©s actives en Suisse romande (en particulier Ă GenĂšve) dans le mĂȘme domaine, Ă savoir la politique». Sur cette base, le TF a admis un risque de confusion au motif que «GenĂšve en marche» sâapparente Ă un slogan, composĂ© de deux Ă©lĂ©ments appartenant au domaine public qui nâinfluencent en principe pas ou peu lâimpression dâensemble. DeuxiĂšmement, pour les marques «EQ» et «EQART», le TAF, reconnaissant quâil existe une faible similitude visuelle entre les deux marques, a considĂ©rĂ© quâelles prĂ©sentent un contenu sĂ©mantique proche pour lâĂ©lĂ©ment «E-», qui est courant pour les dĂ©signations de vĂ©hicules motorisĂ©s Ă propulsion Ă©lectrique. Le TAF a finalement retenu lâexistence dâun risque de confusion indirect au motif que «EQ» peut ĂȘtre compris comme le commencement de «EQART». Le TAF a confirmĂ© que la lettre initiale «E-» est courante comme renvoi Ă la motorisation Ă propulsion Ă©lectrique dans lâaffaire opposant la marque «YT» Ă la marque «EYT (fig.)». Selon les juges administratifs, il est Ă©vident que «EYT» se dĂ©compose en «E-YT». Dans ce cas, sur le plan sĂ©mantique, la marque attaquĂ©e est perçue comme une variation de la marque opposante, Ă savoir la forme Ă©lectrique de YT. Il y a donc lieu dâadmettre au moins un risque de confusion indirect. Enfin, dans lâarrĂȘt TAF B-4311/2018, le TAF nâa pas estimĂ© que les destinataires du signe «DMAP» dĂ©composeront celui-ci en «D-MAP». Selon le tribunal, «DPAM» et «DMAP» sont donc des signes visuellement trĂšs similaires et il existe un risque de confusion entre eux.
Puis Maud FragniĂšre est revenue sur lâarrĂȘt du TAF du 13 mars 2018, B-684/2017, opposant la marque «QUANTEX» Ă la marque «Quantum CapitalPartners». Ces deux marques sont enregistrĂ©es pour des services fortement similaires et en partie identiques des classes 35 et 36. Hormis lâĂ©lĂ©ment supplĂ©mentaire «CapitalPartners» (jugĂ© accessoire dans lâimpression dâensemble car descriptif), ces signes se distinguent en outre par les terminaisons «-EX», et «-um» à «QUANT-». NĂ©anmoins, le TAF, confirmant la dĂ©cision de lâIPI, a admis un risque de confusion dans cette affaire, compte tenu de lâidentitĂ© ou de lâhomogĂ©nĂ©itĂ© constatĂ©e des services. Selon Maud FragniĂšre, une dĂ©cision en matiĂšre de raison de commerce aurait abouti Ă un tout autre rĂ©sultat.
Maud FragniĂšre sâest ensuite penchĂ©e sur la dĂ©cision du TF relative au risque de confusion entre les raisons de commerce «altrimo AG» et «atrimos immobilien gmbh» (TF du 16 juillet 2019, 4A_125/2019). La sociĂ©tĂ© atrimos immobilien gmbh est situĂ©e dans un canton diffĂ©rent mais Ă trente minutes de voiture de la sociĂ©tĂ© altrimo AG. Elles sont toutes deux actives dans la gestion dâimmeubles. Le TF a, dans cette affaire, estimĂ© quâ«altrimo» et «atrimos» sont deux dĂ©signations de fantaisie qui se distinguent considĂ©rablement par leur sonoritĂ© tant en raison des syllabes (al-tri-mo contre a-tri-mos) quâen raison de lâaccentuation (altrĂmo ou ĂĄlt rimo contre ĂĄtrimos). De plus, «Atrimos» Ă©voquant la langue grecque, les deux signes suscitent des associations dâidĂ©es trĂšs diffĂ©rentes. Par consĂ©quent, malgrĂ© le mĂȘme nombre de syllabes, le mĂȘme enchaĂźnement de voyelles a-i-o et le mĂȘme secteur dâactivitĂ©, le TF a jugĂ© quâil nâexiste pas de risque de confusion entre ces deux raisons de commerce.
Toujours en droit des raisons de commerce, le TF a Ă©galement niĂ© lâexistence dâun risque de confusion entre les signes «ARVERON SA» et «Arveyron-RhĂŽne SĂ rl» (TF du 8 aoĂ»t 2019, 4A_167/2019). Les deux entreprises sont pourtant actives dans le domaine immobilier et ont leur siĂšge Ă GenĂšve. «Arveron» et «Arveyron» Ă©tant en outre similaires visuellement et du point de vue auditif, la discussion doit se concentrer sur lâĂ©lĂ©ment additionnel «-RhĂŽne». Pour les juges, puisque cet Ă©lĂ©ment dĂ©signe un fleuve Ă©tendu, il ne sera pas compris comme une indication de la zone gĂ©ographique dans laquelle la sociĂ©tĂ© dĂ©fenderesse serait Ă©tablie ou offrirait ses services. Selon le TF, lâimpression globale qui ressort du signe litigieux permet ainsi dâĂ©carter un risque de confusion avec celui de Arveron SA. Ă cet Ă©gard, Maud FragniĂšre a prĂ©cisĂ© que lâanalyse sous lâangle du droit des marques ne conduit pas Ă un rĂ©sultat diffĂ©rent.
Se tournant vers lâapplication de la LCD, Maud FragniĂšre a Ă©voquĂ© la dĂ©cision du TF du 13 octobre 2006, 4C.240/2006, «Modissa/Modesa Stoffe + VorhĂ€nge». Modissa Ă©tait une boutique de couture bien connue Ă Zurich, tandis que Modesa Stoffe + VorhĂ€nge Ă©tait une raison sociale inscrite dans une autre ville de Suisse alĂ©manique voulant ouvrir une enseigne Ă Zurich. Il y avait donc ici un conflit entre droit des raisons sociales et LCD, nĂ©cessitant une balance des intĂ©rĂȘts. Le TF a retenu, quâĂ©tant donnĂ© la similaritĂ© des deux signes («Modissa», «Modesa») et la proximitĂ© des secteurs dâactivitĂ© (couture, tissus et textiles), le consommateur moyen, dĂ©terminant, peut croire quâil existe un lien Ă©conomique entre les parties, de sorte quâil existe au moins un risque de confusion indirect. Câest donc Ă juste titre, selon le TF, que lâinstance prĂ©cĂ©dente a considĂ©rĂ© que la dĂ©fenderesse avait créé un risque de confusion rĂ©prouvĂ© par le droit de la concurrence (art. 3 let. d LCD), que la demanderesse, sâĂ©tant construite une notoriĂ©tĂ© locale avec son magasin sur le territoire de la ville de Zurich, nâa pas Ă subir.
Il fut encore question de lâArrĂȘt 4A_630/2018 du 17 juin 2019 concernant le risque de confusion du signe «Swiss Avia Consult SĂ rl» avec la raison de commerce «AVIA SA». Maud FragniĂšre a rappelĂ© lâhistorique de la jurisprudence pour les cas «AVIA» afin dâexpliquer pourquoi le TF, dans cet arrĂȘt, a considĂ©rĂ© que le signe litigieux «avia» revĂȘt un caractĂšre fantaisiste excluant dâemblĂ©e toute discussion sur un Ă©ventuel besoin absolu de libre disposition (pour lâhistorique: TF du 6 janvier 1980, C.164/1980, «Avio-Leasing AG c/Avia AG et consorts»; TF du 23 avril 1991, 4C.348/1990 «Aviatour AG c/AVIA Mineralöl AG et consorts»; TF, sic! 2000, 399 consid. 2 Ă 5, «Avia AG et consorts c/Aviareps Airline Management GmbH»). Maud FragniĂšre a soulignĂ© que, dans ce dossier, la recourante fait en vain rĂ©fĂ©rence Ă lâabsence de confusions effectives ou concrĂštes entre les raisons sociales, puisque de telles confusions ne sont que des indices dâun risque de confusion (selon les circonstances).
Enfin, Maud FragniĂšre est revenue sur lâarrĂȘt 4A_152/2020 du 26 octobre 2020, «OTTOâS/OTTO» du TF, dans lequel la question Ă©tait de savoir si le suisse Ottoâs pouvait valablement sâopposer Ă la pĂ©nĂ©tration du marchĂ© suisse par lâallemand Otto, sur la base de la LCD (puisque sa marque est postĂ©rieure). Dans sa dĂ©cision, les juges fĂ©dĂ©raux ont reconnu au suisse Ottoâs une grande notoriĂ©tĂ© rĂ©gionale, construite sur une position forte sur le marchĂ© suisse. De cette position sur le marchĂ© dĂ©coule un risque de confusion Ă©vident entre les signes Ottoâs et Otto, Ă tout le moins indirect. Maud FragniĂšre nâa alors pas manquĂ© de prĂ©ciser que certains auteurs ont sĂ©vĂšrement critiquĂ© cette dĂ©cision, y voyant le retour du contournement des normes de propriĂ©tĂ© intellectuelle par la LCD.
De son analyse, Maud FragniĂšre a conclu quâil existe une approche diffĂ©renciĂ©e entre raisons sociales et marques: la marque bĂ©nĂ©ficie dâun champ de protection bien plus large que la raison de commerce, dâoĂč lâimportance du dĂ©pĂŽt de marque. Par contre, la raison de commerce nâest pas soumise au principe de spĂ©cialitĂ©, ce qui peut apporter une couverture intĂ©ressante. Il faut, selon Maud FragniĂšre, Ă©galement tenir compte de la LCD qui permet dâobtenir une protection rĂ©gionale absolue pour les enseignes locales qui ont acquis une notoriĂ©tĂ© locale.
La parole fut ensuite donnĂ©e Ă Â Sabine BĂŒttler, greffiĂšre au TAF, pour la prĂ©sentation des principaux arrĂȘts rendus pendant lâexercice 2022/2023. LâexposĂ© de Sabine BĂŒttler consistait en quatre parties: procĂ©dure, motifs absolus dâexclusion, motifs relatifs dâexclusion, radiation [dĂ©faut dâusage].
Dans lâarrĂȘt B-4767/2022 du 27 septembre 2023 sâest posĂ©e la question de la validitĂ© des documents prĂ©sentĂ©s par le titulaire dâune marque pour inscrire dans le registre des marques une restriction du droit de disposer. Pour rappel, en vertu de lâart. 30 let. b OPM, «sur prĂ©sentation dâune dĂ©claration du titulaire ou dâun autre document valable, lâIPI enregistre [âŠ] les restrictions au pouvoir de dispositions ordonnĂ©es par des tribunaux ou des autoritĂ©s chargĂ©es de lâexĂ©cution forcĂ©e [âŠ].» Un document est valable lorsquâil constitue une base sĂ»re pour la tenue du registre. En lâespĂšce, selon le TAF, une simple copie de lâordonnance de mesures provisoires prise par le tribunal civil allemand ne suffit pas, puisque ce document ne contient aucune disposition concernant la tenue du registre des marques suisses. Dâautre part, la recourante ne prĂ©sente aucun titre exĂ©cutoire du tribunal compĂ©tent suisse (art. 40 al. 3 OPM en relation avec art. 53 ss CL).
Par note du 30 avril 2021, lâAllemagne a dĂ©noncĂ© la Convention du 13 avril 1892 entre la Suisse et lâAllemagne concernant la protection rĂ©ciproque des brevets, dessins, modĂšles et marques. Sur ce sujet, Sabine BĂŒttler a citĂ© deux arrĂȘts. PremiĂšrement, dans lâarrĂȘt B-6169/2020 du 2 octobre 2023, «Adventuridge/Adventure (fig.), Adventure Highland Creek (fig.)», le TAF a considĂ©rĂ© que la convention CH-D demeure applicable (consid. 5.2.4), pour autant que la pĂ©riode dâutilisation dĂ©terminante soit antĂ©rieure Ă la date dâentrĂ©e en vigueur de cette dĂ©nonciation, soit le 31 mai 2022. Ainsi, seuls les moyens de preuve se rapportant Ă des actes accomplis en Allemagne Ă partir du 1er juin 2022 ne sont plus pris en compte. DeuxiĂšmement, dans lâarrĂȘt B-1139/2022 du 22 mai 2023, «Hispano Suiza», le TAF a retenu que la Convention CH-D demeure aussi applicable Ă toute procĂ©dure de radiation pour dĂ©faut dâusage prĂ©vue par les art. 35a-35c LPM (consid. 4.2).
Sabine BĂŒttler a ensuite saisi lâoccasion des arrĂȘts B-4761/2022 et B-4752/2022 du 16 octobre 2023, «Prosegur/Prosegur SocietĂ di vigilanza (fig.), Prosegur» pour attirer lâattention de lâassistance sur la question de la coordination des procĂ©dures dâopposition et de radiation. Dans cette affaire, il sâagissait de dĂ©terminer si la dĂ©cision de lâIPI de suspendre des procĂ©dures dâopposition jusquâĂ droit connu sur la procĂ©dure de radiation parallĂšle Ă©tait conforme au droit. ConformĂ©ment Ă lâart. 23 al. 4 OPM, lâIPI peut suspendre la procĂ©dure dâopposition lorsque la dĂ©cision concernant lâopposition dĂ©pend de lâissue dâune procĂ©dure de radiation pour dĂ©faut dâusage, dâune procĂ©dure civile ou de toute autre procĂ©dure. Selon lâart. 24d al. 2 OPM, lâIPI peut suspendre la procĂ©dure [de radiation], lorsque la dĂ©cision concernant la radiation dĂ©pend de lâissue dâune procĂ©dure civile ou dâune autre procĂ©dure. Une lecture parallĂšle des art. 23 al. 4 OPM et art. 24d al. 2 OPM indique que le Conseil fĂ©dĂ©ral avait prĂ©vu la suspension de la procĂ©dure dâopposition lorsquâune procĂ©dure de radiation Ă©tait pendante et non lâinverse. La doctrine plaide pour lâharmonisation des procĂ©dures dâopposition et de radiation devant lâIPI. La jurisprudence du TAF va dans la mĂȘme direction. On peut penser Ă une forme dâharmonisation consistant en la jonction des causes ou en une autre coordination comme par exemple la suspension dâune procĂ©dure jusquâĂ droit connu dans lâautre. En lâespĂšce, compte tenu du large pouvoir dâapprĂ©ciation de lâinstance infĂ©rieure (consid. 5.3.2) et du fait que celle-ci agit en accord avec ses Directives (consid. 6.4.2), le mode de coordination choisi par lâIPI est bien conforme au droit (consid. 7).
LâarrĂȘt B-4031/2022 du 9 mai 2023, «Bevpazmi/Bevzimla» fut lâoccasion dâun rappel relatif au retrait de la procĂ©dure dĂ©clenchĂ©e par lâopposition. Dans cette affaire, les parties opposĂ©es ont trouvĂ© un accord Ă lâamiable et la recourante demande que la procĂ©dure de recours devant le TAF soit radiĂ©e faute dâobjet. Elle joint Ă sa demande une copie de lâaccord de rĂšglement entre les parties, dans lequel celles-ci conviennent de retirer lâopposition et le recours, et une copie du courrier de lâintimĂ©e adressĂ© Ă lâIPI, dans lequel celle-ci retire son opposition. Sur cette base, le TAF a admis que toute la procĂ©dure dĂ©clenchĂ©e par lâopposition devient sans objet, que la dĂ©cision de lâIPI devient caduque et que la marque attaquĂ©e reste inscrite au registre des marques. Toutefois, comme lâa utilement rappelé Sabine BĂŒttler, le seul retrait du recours (sans accord sur le retrait de lâopposition), entraĂźne lui lâentrĂ©e en force de la dĂ©cision attaquĂ©e.
Entre le 1er novembre 2022 et le 31 octobre 2023, le TAF a rendu dix arrĂȘts sur les motifs absolus dâenregistrement de marque. Parmi ceux-ci, Sabine BĂŒttler a dâabord prĂ©sentĂ© lâarrĂȘt B-4137/2021 du 1er fĂ©vrier 2023, «TRUEDEPTH», dans lequel le TAF a non seulement retenu que le signe est laudatif pour divers produits Ă©lectroniques en classe 9 (consid. 6.2), mais aussi que le co-usage actif du mot «depth» par la concurrence dĂ©montre un besoin relatif de libre disposition de cet Ă©lĂ©ment (consid. 6.1.3). Le TF a par la suite confirmĂ© cette dĂ©cision dans son arrĂȘt 4A_178/2023 du 8 aoĂ»t 2023.
Sabine BĂŒttler est ensuite revenue sur lâarrĂȘt B-4493/2022 du 26 juillet 2023, «[Apfel] (fig.)». Ce signe, consistant en une reprĂ©sentation fidĂšle Ă la nature dâune pomme particuliĂšre en deux dimensions, Ă©tait dĂ©posĂ© pour divers produits en classe 9, dont des enregistrements sonores, vidĂ©os et cinĂ©matographiques ainsi que pour les supports de donnĂ©es correspondants. La question est de savoir si le signe consiste en une rĂ©fĂ©rence visuelle au thĂšme des produits revendiquĂ©s de la classe 9. Dans cet arrĂȘt, le TAF a retenu que les marques pour les produits et services ayant un contenu thĂ©matique doivent ĂȘtre examinĂ©es en tenant compte de lâintĂ©rĂȘt rĂ©el du marchĂ©: notamment il faut tenir compte de lâintĂ©rĂȘt des co-fournisseurs Ă la fonction dâinformation sur le contenu (consid. 4.4 et 4.8). Il a Ă©galement considĂ©rĂ© que le signe dĂ©posĂ© nâest pas une rĂ©fĂ©rence typique pour des contenus des produits en cause (consid. 4.8.2). Sur cette base notamment, le TAF a dĂ©cidĂ© quâen raison de lâabsence dâindices dâun large usage exclusivement ou de maniĂšre dĂ©terminante sur les pommes, on ne peut pas dĂ©duire un intĂ©rĂȘt actuel pour le marchĂ© ou un besoin de disponibilitĂ© de la marque. La reprĂ©sentation dâune pomme en relation avec les produits en cause, ne sera pas perçue comme une description directe de leur contenu. Une simple allusion ne suffit pas (consid. 4.9.2). Le TAF a toutefois prĂ©cisĂ© que si cette image Ă©tait utilisĂ©e Ă titre de marque pour des mĂ©dias traitant thĂ©matiquement de pommes, le signe serait alors utilisĂ© [âŠ] comme une marque figurative tridimensionnelle et perdrait par consĂ©quent sa protection (consid. 4.9.2 in fine).â1
Sabine BĂŒttler sâest alors tournĂ©e vers la question des motifs dâexclusion en lien avec les pictogrammes considĂ©rĂ©e dans lâarrĂȘt B-2418/2022 du 25 octobre 2023, «Stiftung Schweizerische Schule fĂŒr BlindenfĂŒhrhunde Allschwil (fig.)». La marque litigieuse est constituĂ©e dâun Ă©lĂ©ment verbal descriptif et dâune reprĂ©sentation dâun chien avec un harnais considĂ©rĂ©e par le TAF comme «trĂšs stylisĂ©e» (consid. 4.5). Celui-ci dĂ©finit un pictogramme comme une reprĂ©sentation figurative et symbolique ayant gĂ©nĂ©ralement un caractĂšre dâindication ou dâinvitation (consid. 4.6). Il a retenu en lâespĂšce que la reprĂ©sentation du chien [âŠ] suit une rĂšgle interne sous-jacente qui nâest pas le fruit du hasard. [âŠ] lâĂ©lĂ©ment figuratif est une performance crĂ©ative» (consid. 4.9). Dans lâensemble, conclut le TAF, lâimage abstraite du chien dote le signe de caractĂšre distinctif. Ă noter quâĂ lâissue de la prĂ©sentation de Sabine BĂŒttler, plusieurs participants au sĂ©minaire ont reconnu ne pas ĂȘtre convaincus par cet argument des juges administratifs.
Il fut ensuite question de lâimposition de la marque dans le commerce. Sur ce thĂšme, Sabine BĂŒttler a dans un premier temps prĂ©sentĂ© lâarrĂȘt B-2461/2020 du 12 mai 2023, «Schweizerische Ărztezeitung» dans lequel il sâagissait notamment de dĂ©finir le cercle des destinataires concernĂ©s par les «revues spĂ©cialisĂ©es dans le domaine de la profession de mĂ©decin» en classe 16. AprĂšs avoir rappelĂ© que le produit doit ĂȘtre dĂ©fini objectivement et quâune limitation thĂ©matique ne change rien Ă la nature mĂȘme du produit, le TAF a considĂ©rĂ© que les produits pertinents sâadressent non seulement aux mĂ©decins mais aussi au personnel soignant, aux personnes en formation dans le domaine mĂ©dical, ainsi quâĂ toute personne intĂ©ressĂ©e (consid. 4.3.6). En lâespĂšce, la question de savoir si la marque sâest imposĂ©e uniquement auprĂšs dâun des cercles concernĂ©s (en lâoccurrence, les mĂ©decins) peut rester ouverte, puisque le titulaire doit rendre vraisemblable le fait que la marque sâest imposĂ©e dans tous les cercles de destinataires concernĂ©s (consid. 6.5.).
Dans un second temps, il sâest agi du caractĂšre imposĂ© de la marque tridimensionnelle suivante dans lâarrĂȘt B-3904/2021 du 29 aoĂ»t 2023, «[emballage] (3D)»:
Celle-ci Ă©tait dĂ©posĂ©e pour les produits suivants en classe 16: «Papier, carton et produits en ces matiĂšres, non compris dans dâautres classes pour lâemballage industriel de nourriture sous forme liquide et/ou de boissons; conteneurs dâemballage et matiĂšres pour lâemballage en papier ou fait en papier glace avec des matiĂšres plastiques pour lâemballage industriel de nourriture sous forme liquide et/ou de boissons». Les parties se rejoignent pour dire que les produits en question sont destinĂ©s Ă des experts de lâindustrie dâemballage. Dans cette affaire, le TAF a considĂ©rĂ© que, quand bien mĂȘme il nâest pas exclu que la marque «Tetra Pak» se soit imposĂ©e auprĂšs des destinataires finaux pour des emballages en carton destinĂ©s Ă des aliments liquides et surtout des boissons, cette Ă©ventualitĂ© ne concerne pas une forme spĂ©cifique et ne saurait ĂȘtre Ă©tendue au cercle de spĂ©cialistes ici concernĂ©s (consid. 6.2.4). Le consommateur verra un «Tetra Pak» dans tous les emballages en carton pliĂ© contenant des aliments liquides, mais pas dans une forme en particulier, celle dĂ©posĂ©e ou une autre.
Entre le 1er novembre 2022 et le 31 octobre 2023, le TAF a rendu treize arrĂȘts portant sur les motifs relatifs dâexclusion. Sabine BĂŒttler est revenue dans son exposĂ© sur trois arrĂȘts dans lesquels la thĂ©matique du degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© sâest avĂ©rĂ©e centrale.
Elle sâest dâabord intĂ©ressĂ©e Ă lâarrĂȘt B-4104/2021 du 5 dĂ©cembre 2022, «Capri-Sun/Prisun». Dans celui-ci, le TAF a retenu que les rĂ©sultats du sondage, censĂ©s indiquer un prĂ©tendu degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© de la marque opposante, ne peuvent pas ĂȘtre pris en compte en raison des lacunes techniques dudit sondage. En lâespĂšce, il manque des indications sur la composition du cercle des personnes interrogĂ©es et sur les questions posĂ©es; de plus, le nombre de participants au sondage (500) semble trop faible (consid. 7.4.3.). Les piĂšces produites ne dĂ©montrent pas que la marque opposante possĂšde un degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© (7.4.4).
Sabine BĂŒttler a alors prĂ©sentĂ© lâarrĂȘt B-2729/2019 du 8 fĂ©vrier 2023, «Genius Bar/GeniusAcademy (fig.)» oĂč sâest posĂ©e la question de la relation entre degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© et principe de spĂ©cialitĂ©. En lâespĂšce, la recourante a rendu vraisemblable lâusage, dans ses magasins, du nom «GENIUS BAR» pour un point de service oĂč les clients peuvent bĂ©nĂ©ficier de support technique concernant les produits de la recourante (consid. 7.2.5). Mais les piĂšces prĂ©sentĂ©es ne dĂ©montrent pas lâusage de «GENIUS BAR» directement en lien avec les produits de la classe 9 pour lesquels la marque opposante est dĂ©posĂ©e (consid. 7.2.5). En vertu du principe de spĂ©cialitĂ©, quand bien mĂȘme il sâavĂ©rerait que la marque «GENIUS BAR» est dotĂ©e dâun degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© en Suisse en relation avec dâautres produits et services, elle ne pourrait pas transfĂ©rer ce degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© aux produits revendiquĂ©s pour la marque attaquĂ©e [au-delĂ de la similaritĂ©] (consid. 7.2.6.). DĂšs lors, le TAF a conclu Ă lâabsence de risque de confusion.
La derniĂšre partie de lâexposĂ© de Sabine BĂŒttler était consacrĂ©e au dĂ©faut dâusage. Dans lâarrĂȘt B-6169/2020 du 2 octobre 2023, «ADVENTURIDGE/Adventure (fig.), Adventure Highland Creek (fig.)», les juges administratifs ont rappelĂ© le droit suisse concernant la dĂ©claration sur lâhonneur: celle-ci est qualifiĂ©e de simple allĂ©gation de partie. NĂ©anmoins, elle doit ĂȘtre prise en compte dans le cadre de la libre apprĂ©ciation des preuves et peut, en combinaison avec dâautres piĂšces, contribuer Ă rendre vraisemblable lâusage. En lâespĂšce, ni la dĂ©claration sur lâhonneur ni un autre document fourni par la plaignante nâindique prĂ©cisĂ©ment les chiffres de ventes ou dâaffaires effectivement atteints pour les produits dĂ©signĂ©s sous sa marque (consid. 5.5.5). Dans ces conditions, quand bien mĂȘme la recourante rend vraisemblable une offre en Allemagne, les piĂšces concernant une prĂ©tendue vente ont une valeur probante faible. Lâusage sĂ©rieux nâest donc pas rendu vraisemblable.
Enfin, lâarrĂȘt B-1137/2022 du 17 mai 2023, «LA HISPANO-SUIZA» concernait la procĂ©dure de radiation pour dĂ©faut dâusage. Dans cet arrĂȘt le TAF a considĂ©rĂ© que demander la radiation dâune marque «historique» (enregistrĂ©e depuis 1948) nâest pas un abus de droit. En lâespĂšce, les produits concernĂ©s appartiennent au segment du luxe pour lequel lâexigence dâutilisation est moins Ă©tendue que pour les produits de masse. Toutefois, mĂȘme pour les produits de luxe, lâusage de la marque ne peut se limiter Ă une simple intention dâutilisation (consid. 5.10). Comme lâa justement rappelé Sabine BĂŒttler, selon le TAF, les communiquĂ©s de presse, le messaging sur les rĂ©seaux sociaux et la mise en ligne du site web sont considĂ©rĂ©s comme de simples annonces (consid. 5.11).
Le sĂ©minaire sâest poursuivi avec le tour dâhorizon de la jurisprudence communautaire de 2023 en matiĂšre de marques, dessins et modĂšles prĂ©sentĂ© par Arnaud Folliard-Monguiral, dĂ©partement Affaires juridiques de lâEUIPO. LâexposĂ© dâArnaud Folliard-Monguiral consistait en trois parties: la premiĂšre relative Ă lâexercice des droits dans des arrĂȘts rĂ©cents de la cour de justice de lâUnion EuropĂ©enne (ci-aprĂšs CJUE), la deuxiĂšme concernant les marques et la troisiĂšme Ă propos des dessins et modĂšles.
Arnaud Folliard-Monguiral est, dans un premier temps, revenu sur lâarrĂȘt C-148/21 du 28 dĂ©cembre 2022, «Christian Louboutin/Amazon» concernant deux recours de Christian Louboutin qui soutenait quâAmazon a fait illĂ©galement usage dâun signe identique Ă la marque dont il est titulaire pour des produits identiques. Une place de marchĂ© «hybride» comme Amazon qui regroupe des annonces Ă©manant dâelle-mĂȘme et de vendeurs tiers est susceptible de faire un acte «dâusage» de la marque identifiant les produits de ce tiers, pour sa propre communication commerciale. En lâespĂšce, la CJUE a considĂ©rĂ© que lâapprĂ©ciation globale des circonstances pertinentes, y compris la perception des utilisateurs, repose notamment sur le mode de prĂ©sentation des annonces et le niveau dâintĂ©gration des services entourant la vente. La Cour prĂ©cise toutefois que la nature uniforme des opĂ©rations commerciales dâAmazon lui donne lâapparence dâun vendeur ou distributeur aux yeux du public, par opposition Ă un «opĂ©rateur indĂ©pendant» du vendeur tiers.
Dans lâarrĂȘt C-104/22 du 27 avril 2023, «LĂ€nnen MCE Oy/Berky GmbH», la CJUE a opĂ©rĂ© une distinction entre, dâune part, le rĂ©fĂ©rencement payant dâune annonce publicitaire par un moteur de recherche dont le domaine de premier niveau correspond Ă celui dâun territoire national et, dâautre part, le seul rĂ©fĂ©rencement de photographies par des balises mĂ©ta correspondant Ă la marque protĂ©gĂ©e. Dans le premier cas, le rĂ©fĂ©rencement cible le territoire national pertinent rendant le tribunal de cet Ătat compĂ©tent au titre du territoire sur lequel le fait de contrefaçon a Ă©tĂ© commis. Ceci nâest pas le cas pour le second type de rĂ©fĂ©rencement, en particulier si ces photographies sont publiĂ©es sur un site avec un domaine de premier niveau gĂ©nĂ©rique.
LâarrĂȘt C-655/21 du 19 octobre 2023, «G. ST. T./Rayonna prokurata Burgas» posait la question de la possibilitĂ© dâune peine plancher, automatique et incompressible en cas de rĂ©cidive dâacte de contrefaçon de marque. La CJUE a retenu quâune telle peine plancher ne rĂ©pond pas au principe de proportionnalitĂ©, garanti par la Charte des droits fondamentaux de lâUnion, dĂšs lors quâune telle peine ne peut pas ĂȘtre modulĂ©e selon la gravitĂ© de lâinfraction.
Dans lâarrĂȘt C-832/21 du 7 septembre 2023, «Beverage CityGmbH/Advance Magazine publishers Inc.», prĂ©sentĂ© ensuite par Arnaud Folliard-Monguiral, il Ă©tait question de la compĂ©tence internationale sâĂ©tendant Ă lâensemble de lâUnion des tribunaux nationaux. En lâoccurrence, en vertu de cette compĂ©tence, un tiers domiciliĂ© en Pologne, distributeur exclusif des produits du dĂ©fendeur principal, domiciliĂ© en Allemagne, peut ĂȘtre assignĂ© en justice devant un tribunal allemand pour des faits commis en Pologne. La CJUE a Ă©galement rappelĂ© dans cet arrĂȘt que la qualitĂ© de codĂ©fendeur ne dĂ©pend pas dâun lien structurel ou organisationnel vis-Ă -vis du dĂ©fendeur principal.
Finalement, dans lâarrĂȘt C-654/21 du 8 juin 2023, «LM/KP», la CJUE a estimĂ© quâune action reconventionnelle en nullitĂ© de lâUE peut concerner un ensemble de produits et services plus large que celui invoquĂ© lors de lâaction principale en contrefaçon.
Arnaud Folliard-Monguiral a ensuite prĂ©sentĂ© trois recours contre des dĂ©cisions des chambres de recours de lâEUIPO concernant les motifs absolus dâexclusion dâenregistrement. Le premier, lâarrĂȘt T-2/21 du 24 mai 2023, «Emmentaler Switzerland/EUIPO» concernait la marque collective. Par exception, les signes dĂ©signant la provenance gĂ©ographique de produits peuvent ĂȘtre enregistrĂ©s Ă titre de marque collective. Mais, le Tribunal, suivant lâEUIPO, a retenu quâen raison de son emploi gĂ©nĂ©rique dans lâUE et de la normalisation de ses caractĂ©ristiques, lâappellation «Emmentaler» se rĂ©fĂšre Ă un type de fromage, non Ă une provenance gĂ©ographique. Ainsi lâexception susmentionnĂ©e ne sâapplique pas en lâespĂšce.
Dans lâarrĂȘt T-10/22 du 5 juillet 2023, «Wajos GmbH/EUIPO», le Tribunal a jugĂ© que le fait que les caractĂ©ristiques essentielles dâune forme ont, outre une fonction fonctionnelle, une fonction ornementale, nâest pas pertinent et ne constitue pas une caractĂ©ristique non-fonctionnelle supplĂ©mentaire.
Finalement, dans lâarrĂȘt T-415/22 du 11 octobre 2023, «RĂ©publique de Chypre/EUIPO» il sâagissait de dĂ©terminer comment la notion de risque de confusion doit ĂȘtre comprise et apprĂ©ciĂ©e en relation avec des marques de certification. Ă cet Ă©gard, le Tribunal a dâabord relevĂ© que cette notion doit ĂȘtre adaptĂ©e Ă la fonction essentielle des marques de certification. Notamment, un tel risque est Ă©tabli lorsque le public croit Ă tort que les produits visĂ©s par la marque de certification antĂ©rieure et ceux visĂ©s par la marque demandĂ©e proviennent tous de personnes autorisĂ©es par le titulaire Ă utiliser ladite marque de certification. Cependant, lâexamen du risque de confusion sur la certification est soumis aux mĂȘmes critĂšres que ceux applicables aux marques individuelles, y compris lâimpact du caractĂšre distinctif de la marque antĂ©rieure sur sa portĂ©e de protection.
Dans la derniĂšre partie de son exposĂ© consacrĂ©e au thĂšme des dessins et modĂšles, Arnaud Folliard-Monguiral a dâabord prĂ©sentĂ© lâarrĂȘt T-505/21 du 29 mars 2023, «installations pour la distribution de fluides» dans lequel le tribunal de lâUE a rappelĂ© que les caractĂ©ristiques usuelles (par exemple, la surface lisse des ballons) et imperceptibles dâun dessin ne traduisent pas un «choix spĂ©cifique» du crĂ©ateur (§ 33-35, 47). En lâespĂšce, le titulaire du dessin nâa pas dĂ©montrĂ© que des considĂ©rations autres que fonctionnelles jouent nĂ©cessairement un rĂŽle dans la conception dâun jouet (§ 61). En consĂ©quence, le tribunal a rejetĂ© le recours et, ainsi, accueilli la demande en nullitĂ© du dessin ou modĂšle litigieux.
Arnaud FOLLIARD-MONGUIRAL sâest ensuite tournĂ© vers lâarrĂȘt T-231/21 du 19 octobre 2022, «Poteau» concernant le dessin ou modĂšle ci-dessous:
Sur cette affaire trĂšs intĂ©ressante, Arnaud Folliard-Monguiral a soulignĂ© que le dessin ou modĂšle en question pouvait certes sembler entiĂšrement fonctionnel. Cependant, le tribunal a considĂ©rĂ© en lâespĂšce quâ«il existe des circonstances objectives, notamment les avis dâexperts, lâexistence de modĂšles alternatifs et le fait que le produit concernĂ© soit visible par le public et de grande taille, qui montrent que des considĂ©rations esthĂ©tiques ont Ă©tĂ© prises en compte par le crĂ©ateur pour deux caractĂ©ristiques de lâapparence du produit». DĂšs lors le tribunal a rejetĂ© la demande en nullitĂ© du dessin ou modĂšle contestĂ©.
Dans lâarrĂȘt C-472/21 du 16 fĂ©vrier 2023, «Monz Handelsgesellschaft International», la CJUE est revenue sur la notion dâ«usage normal» au cours duquel la visibilitĂ© dâune piĂšce de produit complexe est apprĂ©ciĂ©e. «Lâusage normal» doit couvrir les actes qui se rapportent Ă lâutilisation principale dâun produit ainsi que dâautres actes pouvant raisonnablement ĂȘtre accomplis lors dâune telle utilisation et qui sont habituels du point de vue de lâutilisateur final. De tels actes comprennent notamment ceux qui peuvent ĂȘtre accomplis avant ou aprĂšs que le produit a rempli sa fonction principale, tels que le stockage et le transport de celui-ci, Ă lâexception de lâentretien, du service et de la rĂ©paration (§ 51-55).
Enfin, dans lâarrĂȘt T-617/21 du 22 mars 2023, «Chalumeaux Ă souder (partie de â)», le tribunal a retenu quâun consommable, en lâoccurrence une Ă©lectrode pour un chalumeau Ă souder, nâĂ©tait pas une piĂšce de ce produit complexe. Le tribunal a motivĂ© cette dĂ©cision par lâabsence de lien solide et durable avec le produit complexe, la vente sĂ©parĂ©e du chalumeau, lâachat et le remplacement rĂ©gulier de lâĂ©lectrode et son caractĂšre interchangeable.
En conclusion de sa prĂ©sentation, Arnaud Folliard-Monguiral a annoncĂ© la rĂ©forme prochaine du droit europĂ©en des dessins ou modĂšles par lâadoption dâun rĂšglement et dâune directive attendus pour juin 2024. Cette rĂ©forme concernera la reprĂ©sentation (3D, mouvements, etc.) des dessins et modĂšles, la notion de produit (dĂ©matĂ©rialisĂ©e), la clause de rĂ©paration, la limitation au droit exclusif, le transit et lâalignement des dispositions procĂ©durales sur le rĂ©gime de la marque de lâUnion europĂ©enne (EUTM).
Il fut alors temps pour Eric Meier, vice-directeur et chef de la Division Marques & Designs de lâIPI, de prĂ©senter les nouveautĂ©s de lâIPI relatives au dĂ©lai de traitement des demandes, Ă la digitalisation, Ă lâĂ©volution de la pratique en matiĂšre de marque et Ă la future procĂ©dure simplifiĂ©e de destruction des petits envois contenant des contrefaçons.
Eric Meier a dans un premier temps donnĂ© des informations sur le projet relatif Ă la rĂ©duction de la durĂ©e de traitement des demandes en matiĂšre de marques. LâIPI travaille depuis 2019 Ă la rĂ©duction des dĂ©lais dans lâexamen des marques. Le but est dâoffrir aux utilisateurs une durĂ©e de traitement des demandes aussi courte que possible, tout en maintenant la qualitĂ© du travail. Au cours des derniers mois, lâIPI a mis lâaccent sur le traitement des rĂ©ponses Ă la suite dâune prise de position du dĂ©posant aprĂšs une notification de refus. Ce dĂ©lai est de maximum 4 mois depuis mi-2022. Graphique Ă lâappui, Eric Meier a aussi mis en Ă©vidence la rĂ©duction considĂ©rable des dĂ©lais de premier examen: de 15 semaines en juillet 2022 Ă 8 semaines au 4Ăšme trimestre 2023. Le traitement de ces dossiers sâeffectue de maniĂšre mĂ©thodique selon une approche «premier arrivĂ©, premier servi». La prioritĂ© actuelle porte sur les dĂ©lais de premier examen pour les enregistrements internationaux dĂ©signant la Suisse. Dans les autres domaines, notamment dans la procĂ©dure dâopposition, les dĂ©lais de traitement sont trĂšs courts. Eric Meier a indiquĂ© que lâIPI consultera les milieux intĂ©ressĂ©s Ă la rĂ©union annuelle de printemps avec les reprĂ©sentants des associations de la propriĂ©tĂ© intellectuelle Ă lâIPI Ă propos de la question de savoir jusquâoĂč ces dĂ©lais doivent ĂȘtre rĂ©duits. La dĂ©finition et la gestion des dĂ©lais de traitement des demandes doivent prendre en compte les inĂ©vitables variations du nombre de demandes dâenregistrement soumises Ă lâIPI. Eric Meier a montrĂ© que les variations les plus importantes sont celles constatĂ©es avant et aprĂšs la pandĂ©mie de COVID-19.
En matiĂšre de digitalisation, Eric Meier a rappelĂ© que lâIPI vise Ă mettre en place des interfaces clients entiĂšrement numĂ©riques pour tous les titres de protection. Dans cette optique, lâIPI a franchi une nouvelle Ă©tape mi-2023 avec le dĂ©ploiement de nouvelles bases de donnĂ©es pour les brevets, designs et certificats complĂ©mentaires de protection. Celles-ci sont dâutilisation plus aisĂ©e que Swissreg tout en Ă©tant aussi complĂštes que ce dernier. Si Swissreg demeure Ă ce jour lâorgane officiel de publication, lâIPI travaille Ă son remplacement, en intĂ©grant celui-ci dans la nouvelle plate-forme contenant les diffĂ©rentes bases de donnĂ©es. Comme annoncĂ© dans sa Newsletter 2023/06-1 Marques et Designs, lâIPI a parallĂšlement Ă©tendu les services Ă©lectroniques existant pour les marques aux autres titres de protection dans trois domaines: la modification du registre en ligne, la communication Ă©lectronique des Ă©crits de lâIPI et le compte utilisateur. MĂȘme si les modifications de registre en ligne peuvent ĂȘtre saisies en tant que visiteur, le compte utilisateur prĂ©sente plusieurs avantages pour les titulaires de marques et leur mandataire: notamment, la consultation en tout temps des requĂȘtes, la possibilitĂ© de demander des modifications du registre pour plusieurs titres ou demandes simultanĂ©ment et la rĂ©duction, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, du nombre de documents justificatifs Ă fournir. LâIPI a Ă©galement introduit un nouveau service permettant de donner lâordre de dĂ©bit dâun compte courant en ligne (informations disponibles sur la page «Compte dâutilisateur pour les services en ligne» du site internet de lâIPI). Ce service prĂ©sente de nombreux avantages pour les utilisateurs. Lors de son lancement public en juillet 2023, 11% des ordres de dĂ©bit des comptes courants ont Ă©tĂ© donnĂ©s en ligne. Ce chiffre est depuis en constante augmentation et a atteint 27% fin octobre 2023. Eric Meier a donc incitĂ© les participants au sĂ©minaire possĂ©dant un compte courant Ă lâIPI Ă utiliser ce nouveau service, plus convivial et rapide. Toutes les informations relatives au service en ligne «Ordre de dĂ©bit du compte courant» sont disponibles sur le site internet de lâIPI.
Eric Meier sâest alors tournĂ© vers la partie principale de sa prĂ©sentation axĂ©e sur lâĂ©volution de la pratique. En prĂ©ambule, il a rappelĂ© que la stratĂ©gie de lâIPI dans ce domaine est de mettre Ă la disposition des utilisateurs des procĂ©dures qui soient aussi simples, rapides et harmonisĂ©es que possible. Il est important que les entreprises puissent obtenir des dĂ©cisions sur leurs demandes de protection dans les meilleurs dĂ©lais et que celles-ci soient conformes au droit suisse et aussi prĂ©visibles que possible. Bien que les enregistrements Ă©trangers ne lient pas lâIPI, il est dans lâintĂ©rĂȘt des utilisateurs, notamment des entreprises tournĂ©es vers lâexportation, que la pratique de lâIPI soit autant que possible harmonisĂ©e avec celle de lâOffice de lâUnion europĂ©enne pour la propriĂ©tĂ© intellectuelle (EUIPO). Par consĂ©quent, lâIPI tient compte de plusieurs dimensions pour le dĂ©veloppement de la pratique: la jurisprudence du TAF et du TF, le droit de lâUnion europĂ©enne, des critĂšres dâexamen aussi simples que possible et la prĂ©vision des dĂ©cisions. Eric Meier a ensuite illustrĂ© ces dimensions au moyen dâexemples rĂ©cents dâĂ©volutions de la pratique de lâIPI. Ă la suite de ce prĂ©ambule, il est revenu sur trois projets en cours de rĂ©alisation.
Le premier concerne la modification de la pratique en matiĂšre de classification des produits virtuels, des jetons non fongibles (NFT) et des services fournis dans des environnement virtuels. Cette modification fait lâobjet dâun nouveau chapitre des Directives de lâIPI, dont le projet a Ă©tĂ© mis en consultation auprĂšs des milieux intĂ©ressĂ©s. Selon la nouvelle pratique, qui reflĂšte les dĂ©cisions prises lors de la session du ComitĂ© dâexperts de lâUnion de Nice de mai 2023, les produits virtuels tĂ©lĂ©chargeables sont classĂ©s dans la classe 9 et doivent ĂȘtre dĂ©signĂ©s prĂ©cisĂ©ment. En outre, la maniĂšre dont un service est fourni nâa en principe aucune incidence sur sa classification, sauf si cette maniĂšre ou le lieu de sa fourniture (physique ou virtuel) modifie la finalitĂ© ou le rĂ©sultat du service. Quant aux jetons non fongibles (NFT), il ne sâagit pas de produits au sens de la Classification de Nice et ils ne peuvent donc pas ĂȘtre classĂ©s en tant que tel. Ces modifications sont Ă prĂ©sent publiĂ©es dans les Directives de lâIPI en matiĂšre de marques du 1.1.2024, ci-aprĂšs Directives, partie 2, ch. 4.16, disponible sous âčhttps://www.ige.ch/fr/prestations/documents-et-liens/marquesâș.
Le deuxiĂšme projet en cours, sur lequel les milieux intĂ©ressĂ©s seront consultĂ©s, concerne la similaritĂ© entre des produits virtuels et des produits rĂ©els. La question qui se pose, par exemple, est celle de savoir si une chaussure virtuelle tĂ©lĂ©chargeable (en classe 9) est similaire Ă une chaussure rĂ©elle en classe 25. Ă cet Ă©gard, Eric Meier a dâabord mentionnĂ© le projet de Directives de lâEUIPO 2024 (partie C, section 2, chap. 2, ch. 5.9) dans lequel est dressĂ©e une liste de facteurs pertinents pour apprĂ©cier leur similaritĂ©. Puis il a citĂ© la doctrine suisse, et notamment la thĂšse de Doctorat de Sevan Antreasyan selon laquelle le cercle des destinataires pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme semblable et, dans le prolongement de ce critĂšre, ces produits pourraient ĂȘtre reconnus comme complĂ©mentaires.â2 Enfin, il a mentionnĂ© que le 4 septembre 2023, lâIPI a organisĂ© une rencontre avec les milieux intĂ©ressĂ©s au cours de laquelle tous les participants se sont accordĂ©s pour dire que la similaritĂ© entre les biens physiques et les biens virtuels est envisageable selon les critĂšres dâexamen actuels.
Le troisiĂšme projet Ă©voquĂ© par Eric Meier concerne les signes renvoyant au contenu thĂ©matique des produits ou des services concernĂ©s. Dans son arrĂȘt B-4493/2022 du 26 juillet 2023, «[Apfel] (fig.)», le TAF a confirmĂ© sa jurisprudence selon laquelle lâexamen de tels signes est soumis Ă des critĂšres dâexamen particuliers, non applicables aux &cbr;autres motifs de refus (consid. 4.4; voir Ă©galement dans un autre contexte, TF 4A_492/2022, consid. 4.2.1, «(fig.)»; TF 4A_178/2023, consid. 6.4.3, «Truedepth»).â3 Face Ă cette jurisprudence, lâIPI a dĂ©cidĂ© de revoir sa pratique actuelle selon laquelle les indications qui se rĂ©duisent Ă une dĂ©signation neutre du thĂšme possible des produits ou des services concernĂ©s sont refusĂ©es Ă lâenregistrement (cf. Newsletter 2023/07-09 Marques et Designs du 28 septembre 2023, disponible sous âčwww.ige.ch/de/newsletter-2023/07-09-marques-et-designsâș, consultĂ© le 26 fĂ©vrier 2024). LâarrĂȘt [Apfel] du TAF porte sur une marque figurative et, selon cet arrĂȘt, un tel signe doit ĂȘtre «typique» pour ĂȘtre refusĂ©. Le TAF indique clairement au consid. 4.8. comment apprĂ©cier cette notion pour de tels signes: pour ĂȘtre considĂ©rĂ© comme «typique», le signe doit faire lâobjet dâun large usage auprĂšs dâautres fournisseurs en tant que renvoi au mĂȘme contenu thĂ©matique. Eric Meier a soulignĂ© Ă ce propos quâil faut garder Ă lâesprit que trĂšs peu de cas sont concernĂ©s et quâune marque figurative comprendra trĂšs souvent des Ă©lĂ©ments stylistiques confĂ©rant au signe dans son ensemble un caractĂšre distinctif suffisant et permettant dâexclure tout besoin de disponibilitĂ©. La question se pose par ailleurs de dĂ©terminer si le critĂšre de la typicitĂ© est aussi valable pour les marques verbales. Ă cet Ă©gard, Eric Meier a rappelĂ© que le TAF se rĂ©fĂšre plusieurs fois Ă sa jurisprudence relative Ă des marques verbales ou combinĂ©es dans laquelle il nâest pas fait appel au critĂšre de la typicitĂ© (not. TAF B-7663/2016, «Super Wochenende [fig.]»; B-1759/2007, «Pirates of the Caribbean»). Lâanalyse en cours a donc deux objectifs. PremiĂšrement, assouplir la pratique pour ne plus refuser un signe au seul motif quâil peut renvoyer Ă un thĂšme possible. DeuxiĂšmement, prĂ©ciser les critĂšres dâexamen pour les marques figuratives et verbales, en sâorientant sur la pratique de lâEUIPO et en tenant compte du cadre donnĂ© par le TAF. Les milieux intĂ©ressĂ©s seront aussi consultĂ©s Ă ce sujet.
Eric Meier a terminĂ© sa prĂ©sentation en offrant aux participants des informations rĂ©centes sur la future procĂ©dure simplifiĂ©e de destruction de petits envois contenant des contrefaçons, proposĂ©e dans un projet de loi fĂ©dĂ©rale en cours dâexamen devant le parlement au moment du sĂ©minaire. Toutes les informations relatives Ă cette loi sont disponibles sur la page «Instauration dâune procĂ©dure simplifiĂ©e de destruction de petits envois contenant des contrefaçons» sur le site internet de lâIPI.
En conclusion de son exposĂ©, Eric Meier a invitĂ© tous les participants Ă sâabonner Ă la Newsletter Marques et Designs de lâIPI pour ĂȘtre informĂ©s rĂ©guliĂšrement sur les nouveautĂ©s de lâIPI: âčwww.ige.ch/fr/prestations/informations/newslettersâș, consultĂ© le 26 fĂ©vrier 2024.
Fussnoten:
1 |
Concernant cet arrĂȘt, voir Ă©galement ci-dessous le compte-rendu de la prĂ©sentation dâEric Meier relatif Ă lâĂ©volution de la pratique de lâIPI. |
2 |
S. Antreasyan, RĂ©seaux sociaux et mondes virtuels: contrat dâutilisation et aspects de propriĂ©tĂ© intellectuelle, 2016, 193 s. |
3 |
Concernant lâarrĂȘt [Apfel], voir Ă©galement ci-dessus le compte-rendu de la prĂ©sentation de SABINE BĂTTLER, chapitre III.2. |