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Berichte / Rapports

Compte-rendu du sĂ©minaire IPI–LES du 23 novembre 2023 Ă  GenĂšve

Le sĂ©minaire conjoint de l’IPI et du LES-CH sur les «DĂ©veloppements rĂ©cents en droit des marques» cĂ©lĂ©brait sa 20Ăšme édition le 23 novembre 2023 Ă  GenĂšve. Pour cet anniversaire, les organisateurs sont revenus sur les 20 ans d’existence du sĂ©minaire et ont saluĂ© la confiance et l’intĂ©rĂȘt des participants. Le sĂ©minaire s’est ensuite dĂ©roulĂ© selon son format habituel consistant en une prĂ©sentation scientifique, un tour d’horizon de la jurisprudence du Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral et de la jurisprudence de l’Union europĂ©enne, suivis d’une prĂ©sentation des nouveautĂ©s de l’IPI. Ce compte-rendu reprend l’essentiel des points dĂ©veloppĂ©s par les intervenants.

Das gemeinsame Seminar des IGE und des LES-CH ĂŒber die «Neusten Entwicklungen im Markenrecht» feierte am 23. November 2023 in Genf seine zwanzigste Ausgabe. AnlĂ€sslich dieser JubilĂ€umsausgabe blickten die Organisatoren auf die letzten 20 Jahre des Seminars zurĂŒck und lobten das Vertrauen und Interesse der Teilnehmenden. Das Seminar fand in seinem ĂŒblichen Format statt, das aus einer wissenschaftlichen PrĂ€sentation, einem Überblick ĂŒber die Rechtsprechung des Bundesverwaltungsgerichts und die Rechtsprechung der EuropĂ€ischen Union bestand, gefolgt von einer PrĂ€sentation mit Neuigkeiten des IGE. Der nachfolgende Bericht gibt die wesentlichen Punkte wieder, die von den Referenten besprochen wurden.

Ghislain Guigon-Sell,

Ph. D., expert en marques à l’IPI, Berne.

I. Introduction: 20 ans de développements en droit des marques

Le sĂ©minaire conjoint de l’IPI et du LES-CH sur les «DĂ©veloppements rĂ©cents en droit des marques» cĂ©lĂ©brait ses vingt ans le 23 novembre 2023 Ă  GenĂšve. Dans leur mot de bienvenue et d’introduction, les organisateurs, MichĂšle Burnier, membre du ComitĂ© Suisse du LES-CH, et Eric Meier, vice-directeur et chef de la Division Marques & Designs de l’IPI, ont remerciĂ© les participants pour leur confiance et leur intĂ©rĂȘt constant pendant les vingt ans d’existence de ce sĂ©minaire. Ils ont soulignĂ© l’importance de la participation des reprĂ©sentants des tribunaux et de l’EUIPO. MichĂšle Burnier a saluĂ© l’IPI pour se prĂȘter chaque annĂ©e Ă  l’exercice de la rencontre avec ses utilisateurs.

II. Risque de confusion en droit des signes distinctifs – de la notion à l’apprĂ©ciation

Me Maud FragniĂšre, avocate chez Kasser Schlosser Avocats, a ouvert ce sĂ©minaire avec une analyse de l’apprĂ©ciation de la notion de risque de confusion en droit des signes distinctifs fondĂ©e sur la jurisprudence rĂ©cente dans les domaines du droit des marques, des raisons de commerce et de l’application de la loi fĂ©dĂ©rale contre la concurrence dĂ©loyale (LCD).

La notion de risque de confusion, comme l’a rappelé Maud FragniĂšre en dĂ©but d’exposĂ©, est la mĂȘme dans tous les domaines du droit des signes distinctifs (ATF 127 III 160 ss consid. 2a, «Securitas»): un risque de confusion existe lorsque la fonction distinctive du signe antĂ©rieur est atteinte par l’utilisation du signe le plus rĂ©cent. En outre, la doctrine distingue entre le risque de confusion direct, lorsque les destinataires prennent le signe tiers pour le signe protĂ©gĂ©, et le risque de confusion indirect, lorsque les destinataires croient qu’il y a des liens juridiques ou Ă©conomiques (en l’occurrence inexistants) entre l’utilisateur du signe tiers et le titulaire du signe protĂ©gĂ©.

Pour autant, le risque de confusion «ne s’apprĂ©cie pas forcĂ©ment selon les mĂȘmes critĂšres dans les diffĂ©rents domaines du droit» (TF, sic! 2020, 34 consid. 3.1.1, «Arveron SA/Arveyron-RhĂŽne SĂ rl»). Les critĂšres d’apprĂ©ciation sont diffĂ©rents. En droit des marques, le risque de confusion s’apprĂ©cie notamment en fonction du principe de spĂ©cialitĂ©, selon lequel il ne peut y avoir un risque de confusion que si les produits et services revendiquĂ©s sont similaires (sous rĂ©serve de la marque de haute renommĂ©e). En droit des raisons de commerce, la jurisprudence se montre notamment plus stricte lorsque les entreprises ont des activitĂ©s identiques ou similaires, ou qu’elles exercent leurs activitĂ©s dans un pĂ©rimĂštre gĂ©ographique restreint; l’on constate que le risque de confusion est plus facilement admis si les destinataires sont les mĂȘmes (ATF 131 III 572 ss consid. 4.4, «Atlantis/Atlantis»). Enfin, en relation avec la LCD, le risque de confusion peut par exemple dĂ©couler du fait que les entreprises utilisant un signe similaire exercent leurs activitĂ©s dans un pĂ©rimĂštre gĂ©ographique restreint (TF du 13 octobre 2006, 4C.240/2006, «Modissa/Modesa Stoffe + VorhĂ€nge»). L’exposĂ© de Maud FragniĂšre portait sur l’analyse de l’application de ces critĂšres dans la jurisprudence rĂ©cente.

Concernant le risque de confusion entre des signes comprenant un patronyme, Maud FragniĂšre s’est d’abord intĂ©ressĂ©e Ă  l’arrĂȘt du Tribunal fĂ©dĂ©ral (ci-aprĂšs TF) du 1er octobre 2018, 4A_83/2018, «Pachmann RechtsanwĂ€lte AG/Bachmann RechtsanwĂ€lte AG» en droit des raisons de commerce. Dans cet arrĂȘt, tout en reconnaissant la raretĂ© du nom «Pachmann», qui lui confĂšre un caractĂšre distinctif fort, le TF a niĂ© l’existence d’un risque de confusion entre ces deux signes, au motif que la structure «patronyme+avocats+forme sociale» est usuelle pour les Ă©tudes d’avocats et que l’on ne saurait interdire Ă  une personne d’utiliser son nom dans sa raison de commerce. Cette dĂ©cision peut par exemple ĂȘtre comparĂ©e Ă  la dĂ©cision d’opposition de l’IPI no 9245 du 2 avril 2009 «McGREGOR/Mr GREGORY (fig.)» en droit des marques. Dans celle-ci, les parties opposĂ©es revendiquent des produits similaires de la classe 18. Selon l’IPI, les diffĂ©rences entre les deux signes, notamment l’ajout du «Y» final et d’un graphisme, ne sont pas aptes Ă  occulter la prĂ©sence commune du radical «GREGOR», considĂ©rĂ© comme Ă©lĂ©ment essentiel. L’IPI a donc admis le risque de confusion entre ces signes.

Pour apprĂ©cier encore le poids de l’élĂ©ment essentiel en droit des marques, Maud FragniĂšre est revenue sur l’arrĂȘt du Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral (ci-aprĂšs TAF) du 18 mars 2019, B-6783/2017, «UBER/uberall (fig.)». Les deux marques concernĂ©es revendiquent notamment des produits et services partiellement identiques, partiellement similaires des classes 9 et 42. Le TAF, relevant que le signe UBER est intĂ©gralement repris dans le signe attaquĂ© et en compose le dĂ©but, a retenu un risque de confusion. Ainsi, l’ajout d’un Ă©lĂ©ment final diffĂ©rent («all») et l’adjonction d’un Ă©lĂ©ment figuratif n’ont pas Ă©tĂ© jugĂ©s aptes Ă  occulter la reprise intĂ©grale du signe opposant.

Maud FragniĂšre s’est ensuite tournĂ©e vers les signes comprenant des acronymes, en commençant par le droit des raisons de commerce et l’arrĂȘt TF du 29 janvier 2019, 4A_541/2018, «SRC WirtschaftsprĂŒfungen GmbH/SRC Consulting GmbH». La sociĂ©tĂ© SRC WirtschaftsprĂŒfungen propose des services financiers et fiduciaires, tandis que la sociĂ©tĂ© SRC Consulting, qui a son siĂšge au mĂȘme lieu, propose notamment des conseils en gestion d’entreprise. Partant de sa jurisprudence selon laquelle un acronyme qui ne peut qu’ĂȘtre Ă©pelĂ© est dotĂ© d’une force distinctive faible, le TF a Ă©cartĂ© tout risque de confusion en dĂ©clarant que la diffĂ©rence entre «WirtschaftsprĂŒfungen» et «Consulting» Ă©tait suffisante. Selon Maud FragniĂšre, le critĂšre de proximitĂ© gĂ©ographique n’a pas Ă©tĂ© correctement appliquĂ© par les juges en l’espĂšce. En effet, ce critĂšre ne vise pas uniquement le risque de confusion pour les clients, mais aussi pour les personnes en recherche d’emploi ou les autoritĂ©s. Tenant compte de l’ensemble de ces cercles, le risque de confusion apparaĂźt pourtant Ă©vident.

Pour rendre compte de l’analyse diffĂ©renciĂ©e dans le domaine des marques, Maud FragniĂšre a alors citĂ© quatre arrĂȘts concernant des signes contenant un acronyme: l’arrĂȘt TF du 27 avril 2018, 4A_617/2017, «GEM/GEM (GenĂšve en marche)», l’arrĂȘt TAF du 26 janvier 2022, B-3264/2020, «EQ/EQART», l’arrĂȘt TAF du 1er fĂ©vrier 2022, B-1306/2021, «YT/EYT (fig.)» et l’arrĂȘt TAF du 17 novembre 2020, B-4311/2018, «DPAM/DMAP». Dans chacune de ces affaires, les produits et/ou services de la marque opposante et de la marque attaquĂ©e sont partiellement ou totalement fortement similaires, partiellement identiques. PremiĂšrement, les titulaires des marques «GEM» et «GEM (GenĂšve en marche)» sont «deux entitĂ©s actives en Suisse romande (en particulier Ă  GenĂšve) dans le mĂȘme domaine, Ă  savoir la politique». Sur cette base, le TF a admis un risque de confusion au motif que «GenĂšve en marche» s’apparente Ă  un slogan, composĂ© de deux Ă©lĂ©ments appartenant au domaine public qui n’influencent en principe pas ou peu l’impression d’ensemble. DeuxiĂšmement, pour les marques «EQ» et «EQART», le TAF, reconnaissant qu’il existe une faible similitude visuelle entre les deux marques, a considĂ©rĂ© qu’elles prĂ©sentent un contenu sĂ©mantique proche pour l’élĂ©ment «E-», qui est courant pour les dĂ©signations de vĂ©hicules motorisĂ©s Ă  propulsion Ă©lectrique. Le TAF a finalement retenu l’existence d’un risque de confusion indirect au motif que «EQ» peut ĂȘtre compris comme le commencement de «EQART». Le TAF a confirmĂ© que la lettre initiale «E-» est courante comme renvoi Ă  la motorisation Ă  propulsion Ă©lectrique dans l’affaire opposant la marque «YT» Ă  la marque «EYT (fig.)». Selon les juges administratifs, il est Ă©vident que «EYT» se dĂ©compose en «E-YT». Dans ce cas, sur le plan sĂ©mantique, la marque attaquĂ©e est perçue comme une variation de la marque opposante, Ă  savoir la forme Ă©lectrique de YT. Il y a donc lieu d’admettre au moins un risque de confusion indirect. Enfin, dans l’arrĂȘt TAF B-4311/2018, le TAF n’a pas estimĂ© que les destinataires du signe «DMAP» dĂ©composeront celui-ci en «D-MAP». Selon le tribunal, «DPAM» et «DMAP» sont donc des signes visuellement trĂšs similaires et il existe un risque de confusion entre eux.

Puis Maud FragniĂšre est revenue sur l’arrĂȘt du TAF du 13 mars 2018, B-684/2017, opposant la marque «QUANTEX» Ă  la marque «Quantum CapitalPartners». Ces deux marques sont enregistrĂ©es pour des services fortement similaires et en partie identiques des classes 35 et 36. Hormis l’élĂ©ment supplĂ©mentaire «CapitalPartners» (jugĂ© accessoire dans l’impression d’ensemble car descriptif), ces signes se distinguent en outre par les terminaisons «-EX», et «-um» Ă  «QUANT-». NĂ©anmoins, le TAF, confirmant la dĂ©cision de l’IPI, a admis un risque de confusion dans cette affaire, compte tenu de l’identitĂ© ou de l’homogĂ©nĂ©itĂ© constatĂ©e des services. Selon Maud FragniĂšre, une dĂ©cision en matiĂšre de raison de commerce aurait abouti Ă  un tout autre rĂ©sultat.

Maud FragniĂšre s’est ensuite penchĂ©e sur la dĂ©cision du TF relative au risque de confusion entre les raisons de commerce «altrimo AG» et «atrimos immobilien gmbh» (TF du 16 juillet 2019, 4A_125/2019). La sociĂ©tĂ© atrimos immobilien gmbh est situĂ©e dans un canton diffĂ©rent mais Ă  trente minutes de voiture de la sociĂ©tĂ© altrimo AG. Elles sont toutes deux actives dans la gestion d’immeubles. Le TF a, dans cette affaire, estimĂ© qu’«altrimo» et «atrimos» sont deux dĂ©signations de fantaisie qui se distinguent considĂ©rablement par leur sonoritĂ© tant en raison des syllabes (al-tri-mo contre a-tri-mos) qu’en raison de l’accentuation (altrĂ­mo ou ĂĄlt rimo contre ĂĄtrimos). De plus, «Atrimos» Ă©voquant la langue grecque, les deux signes suscitent des associations d’idĂ©es trĂšs diffĂ©rentes. Par consĂ©quent, malgrĂ© le mĂȘme nombre de syllabes, le mĂȘme enchaĂźnement de voyelles a-i-o et le mĂȘme secteur d’activitĂ©, le TF a jugĂ© qu’il n’existe pas de risque de confusion entre ces deux raisons de commerce.

Toujours en droit des raisons de commerce, le TF a Ă©galement niĂ© l’existence d’un risque de confusion entre les signes «ARVERON SA» et «Arveyron-RhĂŽne SĂ rl» (TF du 8 aoĂ»t 2019, 4A_167/2019). Les deux entreprises sont pourtant actives dans le domaine immobilier et ont leur siĂšge Ă  GenĂšve. «Arveron» et «Arveyron» Ă©tant en outre similaires visuellement et du point de vue auditif, la discussion doit se concentrer sur l’élĂ©ment additionnel «-RhĂŽne». Pour les juges, puisque cet Ă©lĂ©ment dĂ©signe un fleuve Ă©tendu, il ne sera pas compris comme une indication de la zone gĂ©ographique dans laquelle la sociĂ©tĂ© dĂ©fenderesse serait Ă©tablie ou offrirait ses services. Selon le TF, l’impression globale qui ressort du signe litigieux permet ainsi d’écarter un risque de confusion avec celui de Arveron SA. À cet Ă©gard, Maud FragniĂšre a prĂ©cisĂ© que l’analyse sous l’angle du droit des marques ne conduit pas Ă  un rĂ©sultat diffĂ©rent.

Se tournant vers l’application de la LCD, Maud FragniĂšre a Ă©voquĂ© la dĂ©cision du TF du 13 octobre 2006, 4C.240/2006, «Modissa/Modesa Stoffe + VorhĂ€nge». Modissa Ă©tait une boutique de couture bien connue Ă  Zurich, tandis que Modesa Stoffe + VorhĂ€nge Ă©tait une raison sociale inscrite dans une autre ville de Suisse alĂ©manique voulant ouvrir une enseigne Ă  Zurich. Il y avait donc ici un conflit entre droit des raisons sociales et LCD, nĂ©cessitant une balance des intĂ©rĂȘts. Le TF a retenu, qu’étant donnĂ© la similaritĂ© des deux signes («Modissa», «Modesa») et la proximitĂ© des secteurs d’activitĂ© (couture, tissus et textiles), le consommateur moyen, dĂ©terminant, peut croire qu’il existe un lien Ă©conomique entre les parties, de sorte qu’il existe au moins un risque de confusion indirect. C’est donc Ă  juste titre, selon le TF, que l’instance prĂ©cĂ©dente a considĂ©rĂ© que la dĂ©fenderesse avait créé un risque de confusion rĂ©prouvĂ© par le droit de la concurrence (art. 3 let. d LCD), que la demanderesse, s’étant construite une notoriĂ©tĂ© locale avec son magasin sur le territoire de la ville de Zurich, n’a pas Ă  subir.

Il fut encore question de l’ArrĂȘt 4A_630/2018 du 17 juin 2019 concernant le risque de confusion du signe «Swiss Avia Consult SĂ rl» avec la raison de commerce «AVIA SA». Maud FragniĂšre a rappelĂ© l’historique de la jurisprudence pour les cas «AVIA» afin d’expliquer pourquoi le TF, dans cet arrĂȘt, a considĂ©rĂ© que le signe litigieux «avia» revĂȘt un caractĂšre fantaisiste excluant d’emblĂ©e toute discussion sur un Ă©ventuel besoin absolu de libre disposition (pour l’historique: TF du 6 janvier 1980, C.164/1980, «Avio-Leasing AG c/Avia AG et consorts»; TF du 23 avril 1991, 4C.348/1990 «Aviatour AG c/AVIA Mineralöl AG et consorts»; TF, sic! 2000, 399 consid. 2 Ă  5, «Avia AG et consorts c/Aviareps Airline Management GmbH»). Maud FragniĂšre a soulignĂ© que, dans ce dossier, la recourante fait en vain rĂ©fĂ©rence Ă  l’absence de confusions effectives ou concrĂštes entre les raisons sociales, puisque de telles confusions ne sont que des indices d’un risque de confusion (selon les circonstances).

Enfin, Maud FragniĂšre est revenue sur l’arrĂȘt 4A_152/2020 du 26 octobre 2020, «OTTO’S/OTTO» du TF, dans lequel la question Ă©tait de savoir si le suisse Otto’s pouvait valablement s’opposer Ă  la pĂ©nĂ©tration du marchĂ© suisse par l’allemand Otto, sur la base de la LCD (puisque sa marque est postĂ©rieure). Dans sa dĂ©cision, les juges fĂ©dĂ©raux ont reconnu au suisse Otto’s une grande notoriĂ©tĂ© rĂ©gionale, construite sur une position forte sur le marchĂ© suisse. De cette position sur le marchĂ© dĂ©coule un risque de confusion Ă©vident entre les signes Otto’s et Otto, Ă  tout le moins indirect. Maud FragniĂšre n’a alors pas manquĂ© de prĂ©ciser que certains auteurs ont sĂ©vĂšrement critiquĂ© cette dĂ©cision, y voyant le retour du contournement des normes de propriĂ©tĂ© intellectuelle par la LCD.

De son analyse, Maud FragniĂšre a conclu qu’il existe une approche diffĂ©renciĂ©e entre raisons sociales et marques: la marque bĂ©nĂ©ficie d’un champ de protection bien plus large que la raison de commerce, d’oĂč l’importance du dĂ©pĂŽt de marque. Par contre, la raison de commerce n’est pas soumise au principe de spĂ©cialitĂ©, ce qui peut apporter une couverture intĂ©ressante. Il faut, selon Maud FragniĂšre, Ă©galement tenir compte de la LCD qui permet d’obtenir une protection rĂ©gionale absolue pour les enseignes locales qui ont acquis une notoriĂ©tĂ© locale.

III. Jurisprudence du Tribunal administratif fédéral 2022/2023

La parole fut ensuite donnĂ©e à Sabine BĂŒttler, greffiĂšre au TAF, pour la prĂ©sentation des principaux arrĂȘts rendus pendant l’exercice 2022/2023. L’exposĂ© de Sabine BĂŒttler consistait en quatre parties: procĂ©dure, motifs absolus d’exclusion, motifs relatifs d’exclusion, radiation [dĂ©faut d’usage].

1. Procédure

Dans l’arrĂȘt B-4767/2022 du 27 septembre 2023 s’est posĂ©e la question de la validitĂ© des documents prĂ©sentĂ©s par le titulaire d’une marque pour inscrire dans le registre des marques une restriction du droit de disposer. Pour rappel, en vertu de l’art. 30 let. b OPM, «sur prĂ©sentation d’une dĂ©claration du titulaire ou d’un autre document valable, l’IPI enregistre [
] les restrictions au pouvoir de dispositions ordonnĂ©es par des tribunaux ou des autoritĂ©s chargĂ©es de l’exĂ©cution forcĂ©e [
].» Un document est valable lorsqu’il constitue une base sĂ»re pour la tenue du registre. En l’espĂšce, selon le TAF, une simple copie de l’ordonnance de mesures provisoires prise par le tribunal civil allemand ne suffit pas, puisque ce document ne contient aucune disposition concernant la tenue du registre des marques suisses. D’autre part, la recourante ne prĂ©sente aucun titre exĂ©cutoire du tribunal compĂ©tent suisse (art. 40 al. 3 OPM en relation avec art. 53 ss CL).

Par note du 30 avril 2021, l’Allemagne a dĂ©noncĂ© la Convention du 13 avril 1892 entre la Suisse et l’Allemagne concernant la protection rĂ©ciproque des brevets, dessins, modĂšles et marques. Sur ce sujet, Sabine BĂŒttler a citĂ© deux arrĂȘts. PremiĂšrement, dans l’arrĂȘt B-6169/2020 du 2 octobre 2023, «Adventuridge/Adventure (fig.), Adventure Highland Creek (fig.)», le TAF a considĂ©rĂ© que la convention CH-D demeure applicable (consid. 5.2.4), pour autant que la pĂ©riode d’utilisation dĂ©terminante soit antĂ©rieure Ă  la date d’entrĂ©e en vigueur de cette dĂ©nonciation, soit le 31 mai 2022. Ainsi, seuls les moyens de preuve se rapportant Ă  des actes accomplis en Allemagne Ă  partir du 1er juin 2022 ne sont plus pris en compte. DeuxiĂšmement, dans l’arrĂȘt B-1139/2022 du 22 mai 2023, «Hispano Suiza», le TAF a retenu que la Convention CH-D demeure aussi applicable Ă  toute procĂ©dure de radiation pour dĂ©faut d’usage prĂ©vue par les art. 35a-35c LPM (consid. 4.2).

Sabine BĂŒttler a ensuite saisi l’occasion des arrĂȘts B-4761/2022 et B-4752/2022 du 16 octobre 2023, «Prosegur/Prosegur SocietĂ  di vigilanza (fig.), Prosegur» pour attirer l’attention de l’assistance sur la question de la coordination des procĂ©dures d’opposition et de radiation. Dans cette affaire, il s’agissait de dĂ©terminer si la dĂ©cision de l’IPI de suspendre des procĂ©dures d’opposition jusqu’à droit connu sur la procĂ©dure de radiation parallĂšle Ă©tait conforme au droit. ConformĂ©ment Ă  l’art. 23 al. 4 OPM, l’IPI peut suspendre la procĂ©dure d’opposition lorsque la dĂ©cision concernant l’opposition dĂ©pend de l’issue d’une procĂ©dure de radiation pour dĂ©faut d’usage, d’une procĂ©dure civile ou de toute autre procĂ©dure. Selon l’art. 24d al. 2 OPM, l’IPI peut suspendre la procĂ©dure [de radiation], lorsque la dĂ©cision concernant la radiation dĂ©pend de l’issue d’une procĂ©dure civile ou d’une autre procĂ©dure. Une lecture parallĂšle des art. 23 al. 4 OPM et art. 24d al. 2 OPM indique que le Conseil fĂ©dĂ©ral avait prĂ©vu la suspension de la procĂ©dure d’opposition lorsqu’une procĂ©dure de radiation Ă©tait pendante et non l’inverse. La doctrine plaide pour l’harmonisation des procĂ©dures d’opposition et de radiation devant l’IPI. La jurisprudence du TAF va dans la mĂȘme direction. On peut penser Ă  une forme d’harmonisation consistant en la jonction des causes ou en une autre coordination comme par exemple la suspension d’une procĂ©dure jusqu’à droit connu dans l’autre. En l’espĂšce, compte tenu du large pouvoir d’apprĂ©ciation de l’instance infĂ©rieure (consid. 5.3.2) et du fait que celle-ci agit en accord avec ses Directives (consid. 6.4.2), le mode de coordination choisi par l’IPI est bien conforme au droit (consid. 7).

L’arrĂȘt B-4031/2022 du 9 mai 2023, «Bevpazmi/Bevzimla» fut l’occasion d’un rappel relatif au retrait de la procĂ©dure dĂ©clenchĂ©e par l’opposition. Dans cette affaire, les parties opposĂ©es ont trouvĂ© un accord Ă  l’amiable et la recourante demande que la procĂ©dure de recours devant le TAF soit radiĂ©e faute d’objet. Elle joint Ă  sa demande une copie de l’accord de rĂšglement entre les parties, dans lequel celles-ci conviennent de retirer l’opposition et le recours, et une copie du courrier de l’intimĂ©e adressĂ© Ă  l’IPI, dans lequel celle-ci retire son opposition. Sur cette base, le TAF a admis que toute la procĂ©dure dĂ©clenchĂ©e par l’opposition devient sans objet, que la dĂ©cision de l’IPI devient caduque et que la marque attaquĂ©e reste inscrite au registre des marques. Toutefois, comme l’a utilement rappelé Sabine BĂŒttler, le seul retrait du recours (sans accord sur le retrait de l’opposition), entraĂźne lui l’entrĂ©e en force de la dĂ©cision attaquĂ©e.

2. Motifs absolus d’exclusion

Entre le 1er novembre 2022 et le 31 octobre 2023, le TAF a rendu dix arrĂȘts sur les motifs absolus d’enregistrement de marque. Parmi ceux-ci, Sabine BĂŒttler a d’abord prĂ©sentĂ© l’arrĂȘt B-4137/2021 du 1er fĂ©vrier 2023, «TRUEDEPTH», dans lequel le TAF a non seulement retenu que le signe est laudatif pour divers produits Ă©lectroniques en classe 9 (consid. 6.2), mais aussi que le co-usage actif du mot «depth» par la concurrence dĂ©montre un besoin relatif de libre disposition de cet Ă©lĂ©ment (consid. 6.1.3). Le TF a par la suite confirmĂ© cette dĂ©cision dans son arrĂȘt 4A_178/2023 du 8 aoĂ»t 2023.

Sabine BĂŒttler est ensuite revenue sur l’arrĂȘt B-4493/2022 du 26 juillet 2023, «[Apfel] (fig.)». Ce signe, consistant en une reprĂ©sentation fidĂšle Ă  la nature d’une pomme particuliĂšre en deux dimensions, Ă©tait dĂ©posĂ© pour divers produits en classe 9, dont des enregistrements sonores, vidĂ©os et cinĂ©matographiques ainsi que pour les supports de donnĂ©es correspondants. La question est de savoir si le signe consiste en une rĂ©fĂ©rence visuelle au thĂšme des produits revendiquĂ©s de la classe 9. Dans cet arrĂȘt, le TAF a retenu que les marques pour les produits et services ayant un contenu thĂ©matique doivent ĂȘtre examinĂ©es en tenant compte de l’intĂ©rĂȘt rĂ©el du marchĂ©: notamment il faut tenir compte de l’intĂ©rĂȘt des co-fournisseurs Ă  la fonction d’information sur le contenu (consid. 4.4 et 4.8). Il a Ă©galement considĂ©rĂ© que le signe dĂ©posĂ© n’est pas une rĂ©fĂ©rence typique pour des contenus des produits en cause (consid. 4.8.2). Sur cette base notamment, le TAF a dĂ©cidĂ© qu’en raison de l’absence d’indices d’un large usage exclusivement ou de maniĂšre dĂ©terminante sur les pommes, on ne peut pas dĂ©duire un intĂ©rĂȘt actuel pour le marchĂ© ou un besoin de disponibilitĂ© de la marque. La reprĂ©sentation d’une pomme en relation avec les produits en cause, ne sera pas perçue comme une description directe de leur contenu. Une simple allusion ne suffit pas (consid. 4.9.2). Le TAF a toutefois prĂ©cisĂ© que si cette image Ă©tait utilisĂ©e Ă  titre de marque pour des mĂ©dias traitant thĂ©matiquement de pommes, le signe serait alors utilisĂ© [
] comme une marque figurative tridimensionnelle et perdrait par consĂ©quent sa protection (consid. 4.9.2 in fine).​1

Sabine BĂŒttler s’est alors tournĂ©e vers la question des motifs d’exclusion en lien avec les pictogrammes considĂ©rĂ©e dans l’arrĂȘt B-2418/2022 du 25 octobre 2023, «Stiftung Schweizerische Schule fĂŒr BlindenfĂŒhrhunde Allschwil (fig.)». La marque litigieuse est constituĂ©e d’un Ă©lĂ©ment verbal descriptif et d’une reprĂ©sentation d’un chien avec un harnais considĂ©rĂ©e par le TAF comme «trĂšs stylisĂ©e» (consid. 4.5). Celui-ci dĂ©finit un pictogramme comme une reprĂ©sentation figurative et symbolique ayant gĂ©nĂ©ralement un caractĂšre d’indication ou d’invitation (consid. 4.6). Il a retenu en l’espĂšce que la reprĂ©sentation du chien [
] suit une rĂšgle interne sous-jacente qui n’est pas le fruit du hasard. [
] l’élĂ©ment figuratif est une performance crĂ©ative» (consid. 4.9). Dans l’ensemble, conclut le TAF, l’image abstraite du chien dote le signe de caractĂšre distinctif. À noter qu’à l’issue de la prĂ©sentation de Sabine BĂŒttler, plusieurs participants au sĂ©minaire ont reconnu ne pas ĂȘtre convaincus par cet argument des juges administratifs.

Il fut ensuite question de l’imposition de la marque dans le commerce. Sur ce thĂšme, Sabine BĂŒttler a dans un premier temps prĂ©sentĂ© l’arrĂȘt B-2461/2020 du 12 mai 2023, «Schweizerische Ärztezeitung» dans lequel il s’agissait notamment de dĂ©finir le cercle des destinataires concernĂ©s par les «revues spĂ©cialisĂ©es dans le domaine de la profession de mĂ©decin» en classe 16. AprĂšs avoir rappelĂ© que le produit doit ĂȘtre dĂ©fini objectivement et qu’une limitation thĂ©matique ne change rien Ă  la nature mĂȘme du produit, le TAF a considĂ©rĂ© que les produits pertinents s’adressent non seulement aux mĂ©decins mais aussi au personnel soignant, aux personnes en formation dans le domaine mĂ©dical, ainsi qu’à toute personne intĂ©ressĂ©e (consid. 4.3.6). En l’espĂšce, la question de savoir si la marque s’est imposĂ©e uniquement auprĂšs d’un des cercles concernĂ©s (en l’occurrence, les mĂ©decins) peut rester ouverte, puisque le titulaire doit rendre vraisemblable le fait que la marque s’est imposĂ©e dans tous les cercles de destinataires concernĂ©s (consid. 6.5.).

Dans un second temps, il s’est agi du caractĂšre imposĂ© de la marque tridimensionnelle suivante dans l’arrĂȘt B-3904/2021 du 29 aoĂ»t 2023, «[emballage] (3D)»:

Celle-ci Ă©tait dĂ©posĂ©e pour les produits suivants en classe 16: «Papier, carton et produits en ces matiĂšres, non compris dans d’autres classes pour l’emballage industriel de nourriture sous forme liquide et/ou de boissons; conteneurs d’emballage et matiĂšres pour l’emballage en papier ou fait en papier glace avec des matiĂšres plastiques pour l’emballage industriel de nourriture sous forme liquide et/ou de boissons». Les parties se rejoignent pour dire que les produits en question sont destinĂ©s Ă  des experts de l’industrie d’emballage. Dans cette affaire, le TAF a considĂ©rĂ© que, quand bien mĂȘme il n’est pas exclu que la marque «Tetra Pak» se soit imposĂ©e auprĂšs des destinataires finaux pour des emballages en carton destinĂ©s Ă  des aliments liquides et surtout des boissons, cette Ă©ventualitĂ© ne concerne pas une forme spĂ©cifique et ne saurait ĂȘtre Ă©tendue au cercle de spĂ©cialistes ici concernĂ©s (consid. 6.2.4). Le consommateur verra un «Tetra Pak» dans tous les emballages en carton pliĂ© contenant des aliments liquides, mais pas dans une forme en particulier, celle dĂ©posĂ©e ou une autre.

3. Motifs relatifs d’exclusion

Entre le 1er novembre 2022 et le 31 octobre 2023, le TAF a rendu treize arrĂȘts portant sur les motifs relatifs d’exclusion. Sabine BĂŒttler est revenue dans son exposĂ© sur trois arrĂȘts dans lesquels la thĂ©matique du degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© s’est avĂ©rĂ©e centrale.

Elle s’est d’abord intĂ©ressĂ©e Ă  l’arrĂȘt B-4104/2021 du 5 dĂ©cembre 2022, «Capri-Sun/Prisun». Dans celui-ci, le TAF a retenu que les rĂ©sultats du sondage, censĂ©s indiquer un prĂ©tendu degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© de la marque opposante, ne peuvent pas ĂȘtre pris en compte en raison des lacunes techniques dudit sondage. En l’espĂšce, il manque des indications sur la composition du cercle des personnes interrogĂ©es et sur les questions posĂ©es; de plus, le nombre de participants au sondage (500) semble trop faible (consid. 7.4.3.). Les piĂšces produites ne dĂ©montrent pas que la marque opposante possĂšde un degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© (7.4.4).

Sabine BĂŒttler a alors prĂ©sentĂ© l’arrĂȘt B-2729/2019 du 8 fĂ©vrier 2023, «Genius Bar/GeniusAcademy (fig.)» oĂč s’est posĂ©e la question de la relation entre degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© et principe de spĂ©cialitĂ©. En l’espĂšce, la recourante a rendu vraisemblable l’usage, dans ses magasins, du nom «GENIUS BAR» pour un point de service oĂč les clients peuvent bĂ©nĂ©ficier de support technique concernant les produits de la recourante (consid. 7.2.5). Mais les piĂšces prĂ©sentĂ©es ne dĂ©montrent pas l’usage de «GENIUS BAR» directement en lien avec les produits de la classe 9 pour lesquels la marque opposante est dĂ©posĂ©e (consid. 7.2.5). En vertu du principe de spĂ©cialitĂ©, quand bien mĂȘme il s’avĂ©rerait que la marque «GENIUS BAR» est dotĂ©e d’un degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© en Suisse en relation avec d’autres produits et services, elle ne pourrait pas transfĂ©rer ce degrĂ© de connaissance Ă©levĂ© aux produits revendiquĂ©s pour la marque attaquĂ©e [au-delĂ  de la similaritĂ©] (consid. 7.2.6.). DĂšs lors, le TAF a conclu Ă  l’absence de risque de confusion.

4. DĂ©faut d’usage

La derniĂšre partie de l’exposĂ© de Sabine BĂŒttler était consacrĂ©e au dĂ©faut d’usage. Dans l’arrĂȘt B-6169/2020 du 2 octobre 2023, «ADVENTURIDGE/Adventure (fig.), Adventure Highland Creek (fig.)», les juges administratifs ont rappelĂ© le droit suisse concernant la dĂ©claration sur l’honneur: celle-ci est qualifiĂ©e de simple allĂ©gation de partie. NĂ©anmoins, elle doit ĂȘtre prise en compte dans le cadre de la libre apprĂ©ciation des preuves et peut, en combinaison avec d’autres piĂšces, contribuer Ă  rendre vraisemblable l’usage. En l’espĂšce, ni la dĂ©claration sur l’honneur ni un autre document fourni par la plaignante n’indique prĂ©cisĂ©ment les chiffres de ventes ou d’affaires effectivement atteints pour les produits dĂ©signĂ©s sous sa marque (consid. 5.5.5). Dans ces conditions, quand bien mĂȘme la recourante rend vraisemblable une offre en Allemagne, les piĂšces concernant une prĂ©tendue vente ont une valeur probante faible. L’usage sĂ©rieux n’est donc pas rendu vraisemblable.

Enfin, l’arrĂȘt B-1137/2022 du 17 mai 2023, «LA HISPANO-SUIZA» concernait la procĂ©dure de radiation pour dĂ©faut d’usage. Dans cet arrĂȘt le TAF a considĂ©rĂ© que demander la radiation d’une marque «historique» (enregistrĂ©e depuis 1948) n’est pas un abus de droit. En l’espĂšce, les produits concernĂ©s appartiennent au segment du luxe pour lequel l’exigence d’utilisation est moins Ă©tendue que pour les produits de masse. Toutefois, mĂȘme pour les produits de luxe, l’usage de la marque ne peut se limiter Ă  une simple intention d’utilisation (consid. 5.10). Comme l’a justement rappelé Sabine BĂŒttler, selon le TAF, les communiquĂ©s de presse, le messaging sur les rĂ©seaux sociaux et la mise en ligne du site web sont considĂ©rĂ©s comme de simples annonces (consid. 5.11).

IV. Marques, dessins et modùles de l’UE – Jurisprudence 2023

Le sĂ©minaire s’est poursuivi avec le tour d’horizon de la jurisprudence communautaire de 2023 en matiĂšre de marques, dessins et modĂšles prĂ©sentĂ© par Arnaud Folliard-Monguiral, dĂ©partement Affaires juridiques de l’EUIPO. L’exposĂ© d’Arnaud Folliard-Monguiral consistait en trois parties: la premiĂšre relative Ă  l’exercice des droits dans des arrĂȘts rĂ©cents de la cour de justice de l’Union EuropĂ©enne (ci-aprĂšs CJUE), la deuxiĂšme concernant les marques et la troisiĂšme Ă  propos des dessins et modĂšles.

1. Exercice des droits (CJUE)

Arnaud Folliard-Monguiral est, dans un premier temps, revenu sur l’arrĂȘt C-148/21 du 28 dĂ©cembre 2022, «Christian Louboutin/Amazon» concernant deux recours de Christian Louboutin qui soutenait qu’Amazon a fait illĂ©galement usage d’un signe identique Ă  la marque dont il est titulaire pour des produits identiques. Une place de marchĂ© «hybride» comme Amazon qui regroupe des annonces Ă©manant d’elle-mĂȘme et de vendeurs tiers est susceptible de faire un acte «d’usage» de la marque identifiant les produits de ce tiers, pour sa propre communication commerciale. En l’espĂšce, la CJUE a considĂ©rĂ© que l’apprĂ©ciation globale des circonstances pertinentes, y compris la perception des utilisateurs, repose notamment sur le mode de prĂ©sentation des annonces et le niveau d’intĂ©gration des services entourant la vente. La Cour prĂ©cise toutefois que la nature uniforme des opĂ©rations commerciales d’Amazon lui donne l’apparence d’un vendeur ou distributeur aux yeux du public, par opposition Ă  un «opĂ©rateur indĂ©pendant» du vendeur tiers.

Dans l’arrĂȘt C-104/22 du 27 avril 2023, «LĂ€nnen MCE Oy/Berky GmbH», la CJUE a opĂ©rĂ© une distinction entre, d’une part, le rĂ©fĂ©rencement payant d’une annonce publicitaire par un moteur de recherche dont le domaine de premier niveau correspond Ă  celui d’un territoire national et, d’autre part, le seul rĂ©fĂ©rencement de photographies par des balises mĂ©ta correspondant Ă  la marque protĂ©gĂ©e. Dans le premier cas, le rĂ©fĂ©rencement cible le territoire national pertinent rendant le tribunal de cet État compĂ©tent au titre du territoire sur lequel le fait de contrefaçon a Ă©tĂ© commis. Ceci n’est pas le cas pour le second type de rĂ©fĂ©rencement, en particulier si ces photographies sont publiĂ©es sur un site avec un domaine de premier niveau gĂ©nĂ©rique.

L’arrĂȘt C-655/21 du 19 octobre 2023, «G. ST. T./Rayonna prokurata Burgas» posait la question de la possibilitĂ© d’une peine plancher, automatique et incompressible en cas de rĂ©cidive d’acte de contrefaçon de marque. La CJUE a retenu qu’une telle peine plancher ne rĂ©pond pas au principe de proportionnalitĂ©, garanti par la Charte des droits fondamentaux de l’Union, dĂšs lors qu’une telle peine ne peut pas ĂȘtre modulĂ©e selon la gravitĂ© de l’infraction.

Dans l’arrĂȘt C-832/21 du 7 septembre 2023, «Beverage CityGmbH/Advance Magazine publishers Inc.», prĂ©sentĂ© ensuite par Arnaud Folliard-Monguiral, il Ă©tait question de la compĂ©tence internationale s’étendant Ă  l’ensemble de l’Union des tribunaux nationaux. En l’occurrence, en vertu de cette compĂ©tence, un tiers domiciliĂ© en Pologne, distributeur exclusif des produits du dĂ©fendeur principal, domiciliĂ© en Allemagne, peut ĂȘtre assignĂ© en justice devant un tribunal allemand pour des faits commis en Pologne. La CJUE a Ă©galement rappelĂ© dans cet arrĂȘt que la qualitĂ© de codĂ©fendeur ne dĂ©pend pas d’un lien structurel ou organisationnel vis-Ă -vis du dĂ©fendeur principal.

Finalement, dans l’arrĂȘt C-654/21 du 8 juin 2023, «LM/KP», la CJUE a estimĂ© qu’une action reconventionnelle en nullitĂ© de l’UE peut concerner un ensemble de produits et services plus large que celui invoquĂ© lors de l’action principale en contrefaçon.

2. Marques

Arnaud Folliard-Monguiral a ensuite prĂ©sentĂ© trois recours contre des dĂ©cisions des chambres de recours de l’EUIPO concernant les motifs absolus d’exclusion d’enregistrement. Le premier, l’arrĂȘt T-2/21 du 24 mai 2023, «Emmentaler Switzerland/EUIPO» concernait la marque collective. Par exception, les signes dĂ©signant la provenance gĂ©ographique de produits peuvent ĂȘtre enregistrĂ©s Ă  titre de marque collective. Mais, le Tribunal, suivant l’EUIPO, a retenu qu’en raison de son emploi gĂ©nĂ©rique dans l’UE et de la normalisation de ses caractĂ©ristiques, l’appellation «Emmentaler» se rĂ©fĂšre Ă  un type de fromage, non Ă  une provenance gĂ©ographique. Ainsi l’exception susmentionnĂ©e ne s’applique pas en l’espĂšce.

Dans l’arrĂȘt T-10/22 du 5 juillet 2023, «Wajos GmbH/EUIPO», le Tribunal a jugĂ© que le fait que les caractĂ©ristiques essentielles d’une forme ont, outre une fonction fonctionnelle, une fonction ornementale, n’est pas pertinent et ne constitue pas une caractĂ©ristique non-fonctionnelle supplĂ©mentaire.

Finalement, dans l’arrĂȘt T-415/22 du 11 octobre 2023, «RĂ©publique de Chypre/EUIPO» il s’agissait de dĂ©terminer comment la notion de risque de confusion doit ĂȘtre comprise et apprĂ©ciĂ©e en relation avec des marques de certification. À cet Ă©gard, le Tribunal a d’abord relevĂ© que cette notion doit ĂȘtre adaptĂ©e Ă  la fonction essentielle des marques de certification. Notamment, un tel risque est Ă©tabli lorsque le public croit Ă  tort que les produits visĂ©s par la marque de certification antĂ©rieure et ceux visĂ©s par la marque demandĂ©e proviennent tous de personnes autorisĂ©es par le titulaire Ă  utiliser ladite marque de certification. Cependant, l’examen du risque de confusion sur la certification est soumis aux mĂȘmes critĂšres que ceux applicables aux marques individuelles, y compris l’impact du caractĂšre distinctif de la marque antĂ©rieure sur sa portĂ©e de protection.

3. Dessins et modÚles

Dans la derniĂšre partie de son exposĂ© consacrĂ©e au thĂšme des dessins et modĂšles, Arnaud Folliard-Monguiral a d’abord prĂ©sentĂ© l’arrĂȘt T-505/21 du 29 mars 2023, «installations pour la distribution de fluides» dans lequel le tribunal de l’UE a rappelĂ© que les caractĂ©ristiques usuelles (par exemple, la surface lisse des ballons) et imperceptibles d’un dessin ne traduisent pas un «choix spĂ©cifique» du crĂ©ateur (§ 33-35, 47). En l’espĂšce, le titulaire du dessin n’a pas dĂ©montrĂ© que des considĂ©rations autres que fonctionnelles jouent nĂ©cessairement un rĂŽle dans la conception d’un jouet (§ 61). En consĂ©quence, le tribunal a rejetĂ© le recours et, ainsi, accueilli la demande en nullitĂ© du dessin ou modĂšle litigieux.

Arnaud FOLLIARD-MONGUIRAL s’est ensuite tournĂ© vers l’arrĂȘt T-231/21 du 19 octobre 2022, «Poteau» concernant le dessin ou modĂšle ci-dessous:

Sur cette affaire trĂšs intĂ©ressante, Arnaud Folliard-Monguiral a soulignĂ© que le dessin ou modĂšle en question pouvait certes sembler entiĂšrement fonctionnel. Cependant, le tribunal a considĂ©rĂ© en l’espĂšce qu’«il existe des circonstances objectives, notamment les avis d’experts, l’existence de modĂšles alternatifs et le fait que le produit concernĂ© soit visible par le public et de grande taille, qui montrent que des considĂ©rations esthĂ©tiques ont Ă©tĂ© prises en compte par le crĂ©ateur pour deux caractĂ©ristiques de l’apparence du produit». DĂšs lors le tribunal a rejetĂ© la demande en nullitĂ© du dessin ou modĂšle contestĂ©.

Dans l’arrĂȘt C-472/21 du 16 fĂ©vrier 2023, «Monz Handelsgesellschaft International», la CJUE est revenue sur la notion d’«usage normal» au cours duquel la visibilitĂ© d’une piĂšce de produit complexe est apprĂ©ciĂ©e. «L’usage normal» doit couvrir les actes qui se rapportent Ă  l’utilisation principale d’un produit ainsi que d’autres actes pouvant raisonnablement ĂȘtre accomplis lors d’une telle utilisation et qui sont habituels du point de vue de l’utilisateur final. De tels actes comprennent notamment ceux qui peuvent ĂȘtre accomplis avant ou aprĂšs que le produit a rempli sa fonction principale, tels que le stockage et le transport de celui-ci, Ă  l’exception de l’entretien, du service et de la rĂ©paration (§ 51-55).

Enfin, dans l’arrĂȘt T-617/21 du 22 mars 2023, «Chalumeaux Ă  souder (partie de –)», le tribunal a retenu qu’un consommable, en l’occurrence une Ă©lectrode pour un chalumeau Ă  souder, n’était pas une piĂšce de ce produit complexe. Le tribunal a motivĂ© cette dĂ©cision par l’absence de lien solide et durable avec le produit complexe, la vente sĂ©parĂ©e du chalumeau, l’achat et le remplacement rĂ©gulier de l’électrode et son caractĂšre interchangeable.

En conclusion de sa prĂ©sentation, Arnaud Folliard-Monguiral a annoncĂ© la rĂ©forme prochaine du droit europĂ©en des dessins ou modĂšles par l’adoption d’un rĂšglement et d’une directive attendus pour juin 2024. Cette rĂ©forme concernera la reprĂ©sentation (3D, mouvements, etc.) des dessins et modĂšles, la notion de produit (dĂ©matĂ©rialisĂ©e), la clause de rĂ©paration, la limitation au droit exclusif, le transit et l’alignement des dispositions procĂ©durales sur le rĂ©gime de la marque de l’Union europĂ©enne (EUTM).

V. NouveautĂ©s de l’IPI

Il fut alors temps pour Eric Meier, vice-directeur et chef de la Division Marques & Designs de l’IPI, de prĂ©senter les nouveautĂ©s de l’IPI relatives au dĂ©lai de traitement des demandes, Ă  la digitalisation, Ă  l’évolution de la pratique en matiĂšre de marque et Ă  la future procĂ©dure simplifiĂ©e de destruction des petits envois contenant des contrefaçons.

Eric Meier a dans un premier temps donnĂ© des informations sur le projet relatif Ă  la rĂ©duction de la durĂ©e de traitement des demandes en matiĂšre de marques. L’IPI travaille depuis 2019 Ă  la rĂ©duction des dĂ©lais dans l’examen des marques. Le but est d’offrir aux utilisateurs une durĂ©e de traitement des demandes aussi courte que possible, tout en maintenant la qualitĂ© du travail. Au cours des derniers mois, l’IPI a mis l’accent sur le traitement des rĂ©ponses Ă  la suite d’une prise de position du dĂ©posant aprĂšs une notification de refus. Ce dĂ©lai est de maximum 4 mois depuis mi-2022. Graphique Ă  l’appui, Eric Meier a aussi mis en Ă©vidence la rĂ©duction considĂ©rable des dĂ©lais de premier examen: de 15 semaines en juillet 2022 Ă  8 semaines au 4Ăšme trimestre 2023. Le traitement de ces dossiers s’effectue de maniĂšre mĂ©thodique selon une approche «premier arrivĂ©, premier servi». La prioritĂ© actuelle porte sur les dĂ©lais de premier examen pour les enregistrements internationaux dĂ©signant la Suisse. Dans les autres domaines, notamment dans la procĂ©dure d’opposition, les dĂ©lais de traitement sont trĂšs courts. Eric Meier a indiquĂ© que l’IPI consultera les milieux intĂ©ressĂ©s Ă  la rĂ©union annuelle de printemps avec les reprĂ©sentants des associations de la propriĂ©tĂ© intellectuelle Ă  l’IPI Ă  propos de la question de savoir jusqu’oĂč ces dĂ©lais doivent ĂȘtre rĂ©duits. La dĂ©finition et la gestion des dĂ©lais de traitement des demandes doivent prendre en compte les inĂ©vitables variations du nombre de demandes d’enregistrement soumises Ă  l’IPI. Eric Meier a montrĂ© que les variations les plus importantes sont celles constatĂ©es avant et aprĂšs la pandĂ©mie de COVID-19.

En matiĂšre de digitalisation, Eric Meier a rappelĂ© que l’IPI vise Ă  mettre en place des interfaces clients entiĂšrement numĂ©riques pour tous les titres de protection. Dans cette optique, l’IPI a franchi une nouvelle Ă©tape mi-2023 avec le dĂ©ploiement de nouvelles bases de donnĂ©es pour les brevets, designs et certificats complĂ©mentaires de protection. Celles-ci sont d’utilisation plus aisĂ©e que Swissreg tout en Ă©tant aussi complĂštes que ce dernier. Si Swissreg demeure Ă  ce jour l’organe officiel de publication, l’IPI travaille Ă  son remplacement, en intĂ©grant celui-ci dans la nouvelle plate-forme contenant les diffĂ©rentes bases de donnĂ©es. Comme annoncĂ© dans sa Newsletter 2023/06-1 Marques et Designs, l’IPI a parallĂšlement Ă©tendu les services Ă©lectroniques existant pour les marques aux autres titres de protection dans trois domaines: la modification du registre en ligne, la communication Ă©lectronique des Ă©crits de l’IPI et le compte utilisateur. MĂȘme si les modifications de registre en ligne peuvent ĂȘtre saisies en tant que visiteur, le compte utilisateur prĂ©sente plusieurs avantages pour les titulaires de marques et leur mandataire: notamment, la consultation en tout temps des requĂȘtes, la possibilitĂ© de demander des modifications du registre pour plusieurs titres ou demandes simultanĂ©ment et la rĂ©duction, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, du nombre de documents justificatifs Ă  fournir. L’IPI a Ă©galement introduit un nouveau service permettant de donner l’ordre de dĂ©bit d’un compte courant en ligne (informations disponibles sur la page «Compte d’utilisateur pour les services en ligne» du site internet de l’IPI). Ce service prĂ©sente de nombreux avantages pour les utilisateurs. Lors de son lancement public en juillet 2023, 11% des ordres de dĂ©bit des comptes courants ont Ă©tĂ© donnĂ©s en ligne. Ce chiffre est depuis en constante augmentation et a atteint 27% fin octobre 2023. Eric Meier a donc incitĂ© les participants au sĂ©minaire possĂ©dant un compte courant Ă  l’IPI Ă  utiliser ce nouveau service, plus convivial et rapide. Toutes les informations relatives au service en ligne «Ordre de dĂ©bit du compte courant» sont disponibles sur le site internet de l’IPI.

Eric Meier s’est alors tournĂ© vers la partie principale de sa prĂ©sentation axĂ©e sur l’évolution de la pratique. En prĂ©ambule, il a rappelĂ© que la stratĂ©gie de l’IPI dans ce domaine est de mettre Ă  la disposition des utilisateurs des procĂ©dures qui soient aussi simples, rapides et harmonisĂ©es que possible. Il est important que les entreprises puissent obtenir des dĂ©cisions sur leurs demandes de protection dans les meilleurs dĂ©lais et que celles-ci soient conformes au droit suisse et aussi prĂ©visibles que possible. Bien que les enregistrements Ă©trangers ne lient pas l’IPI, il est dans l’intĂ©rĂȘt des utilisateurs, notamment des entreprises tournĂ©es vers l’exportation, que la pratique de l’IPI soit autant que possible harmonisĂ©e avec celle de l’Office de l’Union europĂ©enne pour la propriĂ©tĂ© intellectuelle (EUIPO). Par consĂ©quent, l’IPI tient compte de plusieurs dimensions pour le dĂ©veloppement de la pratique: la jurisprudence du TAF et du TF, le droit de l’Union europĂ©enne, des critĂšres d’examen aussi simples que possible et la prĂ©vision des dĂ©cisions. Eric Meier a ensuite illustrĂ© ces dimensions au moyen d’exemples rĂ©cents d’évolutions de la pratique de l’IPI. À la suite de ce prĂ©ambule, il est revenu sur trois projets en cours de rĂ©alisation.

Le premier concerne la modification de la pratique en matiĂšre de classification des produits virtuels, des jetons non fongibles (NFT) et des services fournis dans des environnement virtuels. Cette modification fait l’objet d’un nouveau chapitre des Directives de l’IPI, dont le projet a Ă©tĂ© mis en consultation auprĂšs des milieux intĂ©ressĂ©s. Selon la nouvelle pratique, qui reflĂšte les dĂ©cisions prises lors de la session du ComitĂ© d’experts de l’Union de Nice de mai 2023, les produits virtuels tĂ©lĂ©chargeables sont classĂ©s dans la classe 9 et doivent ĂȘtre dĂ©signĂ©s prĂ©cisĂ©ment. En outre, la maniĂšre dont un service est fourni n’a en principe aucune incidence sur sa classification, sauf si cette maniĂšre ou le lieu de sa fourniture (physique ou virtuel) modifie la finalitĂ© ou le rĂ©sultat du service. Quant aux jetons non fongibles (NFT), il ne s’agit pas de produits au sens de la Classification de Nice et ils ne peuvent donc pas ĂȘtre classĂ©s en tant que tel. Ces modifications sont Ă  prĂ©sent publiĂ©es dans les Directives de l’IPI en matiĂšre de marques du 1.1.2024, ci-aprĂšs Directives, partie 2, ch. 4.16, disponible sous â€čhttps://www.ige.ch/fr/prestations/documents-et-liens/marquesâ€ș.

Le deuxiĂšme projet en cours, sur lequel les milieux intĂ©ressĂ©s seront consultĂ©s, concerne la similaritĂ© entre des produits virtuels et des produits rĂ©els. La question qui se pose, par exemple, est celle de savoir si une chaussure virtuelle tĂ©lĂ©chargeable (en classe 9) est similaire Ă  une chaussure rĂ©elle en classe 25. À cet Ă©gard, Eric Meier a d’abord mentionnĂ© le projet de Directives de l’EUIPO 2024 (partie C, section 2, chap. 2, ch. 5.9) dans lequel est dressĂ©e une liste de facteurs pertinents pour apprĂ©cier leur similaritĂ©. Puis il a citĂ© la doctrine suisse, et notamment la thĂšse de Doctorat de Sevan Antreasyan selon laquelle le cercle des destinataires pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme semblable et, dans le prolongement de ce critĂšre, ces produits pourraient ĂȘtre reconnus comme complĂ©mentaires.​2 Enfin, il a mentionnĂ© que le 4 septembre 2023, l’IPI a organisĂ© une rencontre avec les milieux intĂ©ressĂ©s au cours de laquelle tous les participants se sont accordĂ©s pour dire que la similaritĂ© entre les biens physiques et les biens virtuels est envisageable selon les critĂšres d’examen actuels.

Le troisiĂšme projet Ă©voquĂ© par Eric Meier concerne les signes renvoyant au contenu thĂ©matique des produits ou des services concernĂ©s. Dans son arrĂȘt B-4493/2022 du 26 juillet 2023, «[Apfel] (fig.)», le TAF a confirmĂ© sa jurisprudence selon laquelle l’examen de tels signes est soumis Ă  des critĂšres d’examen particuliers, non applicables aux &cbr;autres motifs de refus (consid. 4.4; voir Ă©galement dans un autre contexte, TF 4A_492/2022, consid. 4.2.1, «(fig.)»; TF 4A_178/2023, consid. 6.4.3, «Truedepth»).​3 Face Ă  cette jurisprudence, l’IPI a dĂ©cidĂ© de revoir sa pratique actuelle selon laquelle les indications qui se rĂ©duisent Ă  une dĂ©signation neutre du thĂšme possible des produits ou des services concernĂ©s sont refusĂ©es Ă  l’enregistrement (cf. Newsletter 2023/07-09 Marques et Designs du 28 septembre 2023, disponible sous â€čwww.ige.ch/de/newsletter-2023/07-09-marques-et-designsâ€ș, consultĂ© le 26 fĂ©vrier 2024). L’arrĂȘt [Apfel] du TAF porte sur une marque figurative et, selon cet arrĂȘt, un tel signe doit ĂȘtre «typique» pour ĂȘtre refusĂ©. Le TAF indique clairement au consid. 4.8. comment apprĂ©cier cette notion pour de tels signes: pour ĂȘtre considĂ©rĂ© comme «typique», le signe doit faire l’objet d’un large usage auprĂšs d’autres fournisseurs en tant que renvoi au mĂȘme contenu thĂ©matique. Eric Meier a soulignĂ© Ă  ce propos qu’il faut garder Ă  l’esprit que trĂšs peu de cas sont concernĂ©s et qu’une marque figurative comprendra trĂšs souvent des Ă©lĂ©ments stylistiques confĂ©rant au signe dans son ensemble un caractĂšre distinctif suffisant et permettant d’exclure tout besoin de disponibilitĂ©. La question se pose par ailleurs de dĂ©terminer si le critĂšre de la typicitĂ© est aussi valable pour les marques verbales. À cet Ă©gard, Eric Meier a rappelĂ© que le TAF se rĂ©fĂšre plusieurs fois Ă  sa jurisprudence relative Ă  des marques verbales ou combinĂ©es dans laquelle il n’est pas fait appel au critĂšre de la typicitĂ© (not. TAF B-7663/2016, «Super Wochenende [fig.]»; B-1759/2007, «Pirates of the Caribbean»). L’analyse en cours a donc deux objectifs. PremiĂšrement, assouplir la pratique pour ne plus refuser un signe au seul motif qu’il peut renvoyer Ă  un thĂšme possible. DeuxiĂšmement, prĂ©ciser les critĂšres d’examen pour les marques figuratives et verbales, en s’orientant sur la pratique de l’EUIPO et en tenant compte du cadre donnĂ© par le TAF. Les milieux intĂ©ressĂ©s seront aussi consultĂ©s Ă  ce sujet.

Eric Meier a terminĂ© sa prĂ©sentation en offrant aux participants des informations rĂ©centes sur la future procĂ©dure simplifiĂ©e de destruction de petits envois contenant des contrefaçons, proposĂ©e dans un projet de loi fĂ©dĂ©rale en cours d’examen devant le parlement au moment du sĂ©minaire. Toutes les informations relatives Ă  cette loi sont disponibles sur la page «Instauration d’une procĂ©dure simplifiĂ©e de destruction de petits envois contenant des contrefaçons» sur le site internet de l’IPI.

En conclusion de son exposĂ©, Eric Meier a invitĂ© tous les participants Ă  s’abonner Ă  la Newsletter Marques et Designs de l’IPI pour ĂȘtre informĂ©s rĂ©guliĂšrement sur les nouveautĂ©s de l’IPI: â€čwww.ige.ch/fr/prestations/informations/newslettersâ€ș, consultĂ© le 26 fĂ©vrier 2024.

Fussnoten:

1

Concernant cet arrĂȘt, voir Ă©galement ci-dessous le compte-rendu de la prĂ©sentation d’Eric Meier relatif Ă  l’évolution de la pratique de l’IPI.

2

S. Antreasyan, RĂ©seaux sociaux et mondes virtuels: contrat d’utilisation et aspects de propriĂ©tĂ© intellectuelle, 2016, 193 s.

3

Concernant l’arrĂȘt [Apfel], voir Ă©galement ci-dessus le compte-rendu de la prĂ©sentation de SABINE BÜTTLER, chapitre III.2.