B
Berichte / Rapports

IPI – LES, 9 novembre 2017, Genùve

Doris Meyer Debonneville​*

I. Jurisprudence 2017 : TF et TAF, dĂ©veloppements rĂ©cents en droit de marques

Le 9 novembre 2017 s’est tenu, Ă  GenĂšve, le sĂ©minaire annuel organisĂ© conjointement par la License Executive Society Switzerland (LES-CH) et l’Institut FĂ©dĂ©ral de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (IPI) sur la thĂ©matique des « DĂ©veloppements rĂ©cents en droit des marques ».

Me Philippe GilliĂ©ron, avocat et Professeur Ă  l’UniversitĂ© de Lausanne, rapporte une tendance Ă  la baisse des recours portĂ©s devant le TAF, soit 66 en 2016 et 50 en 2017 avec un taux d’admission relativement bas: 27 recours admis pour 38 rejetĂ©s (recours radiĂ©s ou non entrĂ©e en matiĂšre, 11 respectivement 40).

Me GilliĂ©ron a soulignĂ© l’impact que peut avoir le libellĂ© des produits et services et a relevĂ© l’importance que le TF accorde Ă  l’indication gĂ©nĂ©rale (Oberbegriff) puisqu’il a confirmĂ© la pratique selon laquelle il suffit que le motif d’exclusion s’applique Ă  une partie des produits ou des services tombant sous l’indication gĂ©nĂ©rale pour qu’un signe soit exclu de l’enregistrement et ce mĂȘme si, pour certains, l’enregistrement aurait pu ĂȘtre admis au regard de l’art. 2 LPM (ArrĂȘt « Car-Net » – classe 9, 12 et 38 – 4A_618/2016).

Me GilliĂ©ron a rapportĂ© les conclusions de deux arrĂȘts concernant les marques de position, dont l’arrĂȘt « Louboutin » (4A_363/2016 et 4A_389/​2016). Par analogie avec les marques 3D, la position n’est pas considĂ©rĂ©e, en soi, comme un signe distinctif, mais elle doit pouvoir ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme inattendue, originale, ou comme marque imposĂ©e. Dans ces arrĂȘts, le TF a considĂ©rĂ© que cela n’était pas le cas (semelle consistant en un Ă©lĂ©ment fonctionnel Ă©vident d’une chaussure [combinaison d’une couleur dĂ©terminante apposĂ©e sur la semelle de la chaussure n’est pas en soi inhabituel] et positionnement sur lampe de poche guĂšre original).

Me GilliĂ©ron s’est Ă©tonnĂ© de l’absence d’un sondage d’opinion et se demande s’il ne faudrait pas considĂ©rer les cercles concernĂ©s dans chaque cas d’espĂšce. Selon lui, ce n’est pas la position qui devrait revĂȘtir un caractĂšre distinctif mais la combinaison du signe et de la position.

À propos de la marque d’agent (art. 4 LPM), Me GilliĂ©ron estime que c’est avec raison que le Tribunal a rappelĂ© que l’agent a une obligation de loyautĂ© et de fidĂ©litĂ© vis-Ă -vis du titulaire, qui s’oppose Ă  l’appropriation par l’agent de la marque du titulaire et que la dĂ©tention d’une participation minoritaire au sein d’une sociĂ©tĂ© n’entrainait aucune obligation de loyautĂ© et de fidĂ©litĂ© par cette sociĂ©tĂ© qui en ferait un agent susceptible de tomber sous le coup de l’art. 4 LPM lors d’un enregistrement de marque susceptible de lĂ©ser les droits du « titulaire » (4A_489/2016).

Me GilliĂ©ron a ensuite prĂ©sentĂ© une rĂ©trospective des arrĂȘts du Tribunal administratif fĂ©dĂ©ral (TAF).

Il s’est penchĂ© tout d’abord sur l’art. 2 LPM.

Me GilliĂ©ron a exposĂ© un arrĂȘt qu’il considĂšre comme potentiellement important pour les fĂ©dĂ©rations sportives et organisateurs de dits Ă©vĂ©nements, dans lequel il a Ă©tĂ© jugĂ© que le public comprend la dĂ©nomination comme un renvoi Ă  l’équipe, sans s’attendre nĂ©cessairement Ă  ce que lesdits produits soient fabriquĂ©s en Allemagne (B-1428/2016, « Deutscher Fussball-Bund (fig.) ».

Avec l’arrĂȘt « Mindfuck » (B-883/​2016) le TAF a jugĂ© que ce signe Ă©tait propre Ă  heurter les sentiments socio-Ă©thiques, moraux, religieux ou culturels d’une partie de la population (prise en compte des minoritĂ©s).

Dans l’arrĂȘt « Salines Suisses » (B-6082/2015), le TAF a jugĂ© que le monopole Ă©tatique confĂ©rĂ© aux Salines de Bex, que le TAF a estimĂ© connu d’une large partie du public, entraine l’octroi de droits exclusifs et le retrait desdites activitĂ©s Ă  d’autres entreprises et qu’à partir du moment oĂč aucune autre entreprise ne peut conduire des activitĂ©s identiques, il n’existe aucun besoin absolu de libre disposition.

Me GilliĂ©ron a ensuite prĂ©sentĂ© les deux arrĂȘts « Apple / Musiknote » (B-3088/2016) et « iMessage » (B-2592/​2016) dans lesquels le TAF a rappelĂ© le degrĂ© d’attention Ă©levĂ© pour les produits des classes 9, respectivement 9, 38 et 42. Il a jugĂ© que l’icĂŽne (note de musique) en soi et le « i » Ă©taient aisĂ©ment comprĂ©hensibles pour les produits, resp. services enregistrĂ©s. Pour le second cas, malgrĂ© l’absence de force distinctive originale, le TAF a toutefois admis que les chiffres de ventes d’appareils sur lesquels l’application est installĂ©e est suffisant pour admettre le caractĂšre imposĂ© pour certains services de la classe 38.

Toujours pour la marque Apple, « Touch ID » (B-7995/2015), le TAF a rappelĂ© que ce qui est important est la comprĂ©hension par le public suisse (expertise rendue par un expert de langue anglaise peu probant). Philippe GilliĂ©ron estime que la protection de ce type d’icĂŽne est difficile.

Dans deux arrĂȘts « CeramTec » (B-5182/2015 et B-5183/2015), le TAF a jugĂ© la forme, resp. la couleur pas distinctive (la couleur monochrome pour des prothĂšses est usuelle). Le caractĂšre imposĂ© n’avait pas rĂ©ussi Ă  ĂȘtre dĂ©montrĂ©, la preuve reposant sur un sondage menĂ© lors d’une foire de spĂ©cialistes en Allemagne ou seuls 8 sur 111 venaient de Suisse et aucun de Romandie ou du Tessin. Il n’avait pas non plus Ă©tĂ© Ă©tabli que les 99 spĂ©cialistes restants Ă©taient actifs en Suisse.

Me GilliĂ©ron a prĂ©sentĂ© l’arrĂȘt « E-cockpit » (B-5048/2014) dans lequel le TAF a rappelĂ© le degrĂ© Ă©levĂ© d’attention pour les classes 9 et 42 et le degrĂ© d’attention moyen pour les classes 16 et 41, rejetant le recours pour les classes 9 et 42 refusĂ©es Ă  la protection.

Dans l’arrĂȘt « Cosmoparis » (B-7230/​2015), le TAF a confirmĂ© le refus de l’Institut (art. 2 lit. c LPM), l’élĂ©ment « Cosmo » ne parvenant pas Ă  mettre en retrait l’élĂ©ment Paris, ville qui jouit d’une notoriĂ©tĂ© reconnue pour les produits concernĂ©s des classes 18 et 25.

Dans l’arrĂȘt « Clos d’ambonnay » (B-5004/2014), le TAF a confirmĂ© qu’il est suffisant pour que l’arrĂȘt « Montparnasse » soit applicable qu’un signe soit enregistrĂ© pour les mĂȘmes produits et services dans l’Etat Ă©tranger dont provient le nom gĂ©ographique pour ne pas tomber sous le coup de l’art. 2 lit. a LPM, indĂ©pendamment de sa force ou son absence de force distinctive. L’enregistrement dans le pays d’origine a pour consĂ©quence que l’usage du signe est rĂ©servĂ© au titulaire, de sorte qu’on ne saurait retenir un besoin de disposition en Suisse.

En relation avec l’art. 3 LPM, plusieurs arrĂȘts concernent le sujet de l’incorporation d’une marque antĂ©rieure dans une marque postĂ©rieure. Dans l’arrĂȘt « Submarine / Mariner » (B-922/​2015), le TAF a retenu la similaritĂ© des termes tant sur le plan visuel, sonore et sĂ©mantique, le risque de confusion rĂ©sultant de la reprise de la marque antĂ©rieure, aucune exception n’étant applicable.

Dans l’arrĂȘt « Sky » et « Sky TV / Skybranding » (B-1251), le TAF a confirmĂ© l’existence d’un risque de confusion rĂ©sultant de la reprise de la marque antĂ©rieure, l’adjonction du terme branding n’étant pas suffisante.

Dans l’arrĂȘt « Croco (fig.) / Miss Croco » (B-2668/2016), le TAF a admis le risque de confusion en raison de la faible importance de l’élĂ©ment figuratif ainsi que de l’adjonction du terme « Miss » pour des produits au sujet desquels le degrĂ© d’attention est rĂ©duit (snacks et sucreries).

Dans l’arrĂȘt « Estrella Galicia (fig.) / Estrella Damm Barcelona (fig.) » (B-5226/2015), le TAF a confirmĂ© la dĂ©cision d’admission de l’opposition Ă©mise par l’Institut. Le TAF a considĂ©rĂ© que l’adjonction des Ă©lĂ©ments « Damm » et « Barcelona » doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme faibles et donc impropres Ă  exclure le risque de confusion rĂ©sultant de la reprise du terme « Estrella ». Me GilliĂ©ron a saluĂ© l’argumentation du TAF en ce que celui-ci a prĂ©cisĂ© qu’il n’est pas besoin de rendre vraisemblable l’usage pour des produits autres que la biĂšre dĂšs lors que la biĂšre est similaire aux autres produits.

Dans l’arrĂȘt « Joy / enjoy » (B-5312/​2015), le TAF a considĂ©rĂ© que l’adjonction de « en », au vu de la reprise de l’élĂ©ment « Joy », n’écarte pas un risque de confusion.

Me GilliĂ©ron a mentionnĂ© l’arrĂȘt « Allianz / Allianz TGA (fig.) » pour les services en classe 37, 42. Le TAF a rappelĂ© que la renommĂ©e de la marque « Allianz » en classe 36 ne lui profite pas pour les services des classes 37 et 42 et que l’élĂ©ment Allianz est en soi faible et que les Ă©lĂ©ments ajoutĂ©s sont suffisants pour exclure le risque de confusion rĂ©sultant de cette reprise.

Dans l’arrĂȘt « Dona Esperanza / ​Alejandro Fernandez, Esperanza » (B-362/2015), le TAF a estimĂ© que nonobstant la reprise de l’élĂ©ment « Esperanza », effets sonores et sens des marques Ă©taient diffĂ©rents (prĂ©sence de l’élĂ©ment « Dona » dans la marque opposante, « Esperanza » complĂ©tant le prĂ©nom fĂ©minin, tandis que la prĂ©sence d’une virgule dans la marque attaquĂ©e en fait un Ă©lĂ©ment sĂ©parĂ©, secondaire aux prĂ©noms et noms qui figurent en dĂ©but).

Dans l’arrĂȘt « Ice watch (fig.) / Nice watch » (B-1481/2015), le TAF a admis le risque de confusion car la structure donnĂ©e aux marques est identique et le traitement graphique du point de la lettre « i » est comparable.

Le TAF a estimĂ© qu’il n’y a de reprise en tant que telle de la marque antĂ©rieure et donc pas de risque de confusion (B-7106/2014, « F1 / Fione [fig.] ») pour les classes 9, 35, et 42 (degrĂ© d’attention relativement Ă©levĂ©. Me GilliĂ©ron considĂšre d’une part que la conjonction de la reprise de la lettre « F », de « one » au milieu duquel se trouve l’élĂ©ment « i » (rappelant le « 1 ») revient Ă  Ă©voquer dans l’esprit du public le signe « F1 » et d’autre part, s’interroge sur l’effet de la force distinctive dont jouit une marque de haute renommĂ©e sur sa propension Ă  renforcer l’association directe dans l’esprit du public Ă  d’autres produits et services.

Dans l’arrĂȘt « V. Green Gold (fig.) / ​Green Gold by Wassner (fig.) » (B-7158/2016), le TAF a rejetĂ© le recours Ă  l’encontre de la dĂ©cision de l’Institut qui a admis partiellement l’opposition pour les mĂ©taux prĂ©cieux et rejetĂ©e pour le surplus. In casu, Green gold est descriptif et ne saurait entraĂźner un risque de confusion. L’interdiction de la reformatio in pejus a empĂȘchĂ© le TAF de rejeter intĂ©gralement l’opposition.

  • – Dans ses conclusions, Me GilliĂ©ron a relevĂ© les trois arrĂȘts importants :

    • – Marque de position : arrĂȘt « Louboutin » (ATF 143 III 127)
    • – B-1428/2016, « Deutscher Fussball Bund (fig.) »
    • – B-5004/2014, « Clos D’ambonnay »

II. DĂ©veloppements rĂ©cents en droit des marques – la perspective du droit de l’UE

Arnaud Folliard-Monguiral, EUIPO, a prĂ©sentĂ© les nouveautĂ©s dans le contexte de la rĂ©forme lĂ©gislative du rĂšglement no 2015/2424 (codifiĂ© par rĂšgl. no 2017/1001), rĂšglement dĂ©lĂ©guĂ© no 2017/1430 et rĂšglement d’exĂ©cution no 2017/1431 Ă  savoir :

  • – Un nouveau type de marque (marque de certification)
  • – De nouveaux types de marques (de position, de motif, de mouvement, multimĂ©dia etc.)
  • – Un nouveau rĂ©gime pour l’interprĂ©tation des intitulĂ©s de classe
  • – De nouveaux motifs absolus de refus
  • – De nouveaux motifs relatifs de refus (ex. AOP/IGP)

Arnaud Folliard-Monguiral, EUIPO a identifiĂ© plusieurs thĂ©matiques :

La premiĂšre concerne l’importance de l’identification de la catĂ©gorie Ă  laquelle appartient la marque. Le choix de la nature de la marque demandĂ©e dĂ©limite le champ de la protection de la marque.

(Trib. UE, 27 juin 2017, aff. T-580/15, « Flamagas, SA / Euipo », « forme d’un briquet », pt 35 / CJUE, 21 janvier 2016, aff. C-170/15 P, « Enercon GmbH / Euipo », pt 29).

Dans le cadre d’une marque dĂ©posĂ©e en tant que marque tridimensionnelle, le Tribunal a relevĂ© que l’élĂ©ment essentiel est l’élĂ©ment de forme et non l’élĂ©ment verbal. Arnaud Folliard-Monguiral a relevĂ© certains chevauchements entre marque figurative et marque de position. Une marque dĂ©posĂ©e comme marque figurative dont la description est qu’il s’agit d’une marque de position, composĂ©e de deux bandes arquĂ©es au dĂ©veloppement circonfĂ©rentiel substantiellement Ă©gales apposĂ©es sur les francs du pneumatique. Au final, ce qui ressort est que la marque de position se confond avec le produit (ne se dĂ©tache pas des normes du secteur) (Trib. UE, 4 juillet 2017, aff. T-81/16, « Pirelli Tyre SpA / Euipo », « forme d’un pneu », pt 23-24).

Dans l’affaire prĂ©judicielle pendante C-163/16, « Louboutin v. Van Haren Schoenen B.V », dĂ©pĂŽt comme marque figurative avec la description: « la marque consiste en la couleur rouge Pantone 18-1683TP appliquĂ©e sur la semelle d’une chaussure telle que reprĂ©sentĂ©e (le contour de la chaussure ne fait pas partie de la marque mais a pour but de mettre en Ă©vidence l’emplacement de la marque ». Arnaud Folliard-Monguiral estime qu’à supposer que la semelle rouge soit une caractĂ©ristique qui donne sa valeur substantielle au produit, il faudrait l’apprĂ©cier au jour du dĂ©pĂŽt de la marque ; en effet, il ne faudrait pas pĂ©naliser « Louboutin » pour les investissements qu’il a effectuĂ©s pour vendre ses chaussures Ă  € 1000 et plus et le priver du succĂšs qu’il a gĂ©nĂ©rĂ© par la vente de ses chaussures. Le fait que la marque soit aujourd’hui reconnue comme donnant une valeur substantielle, un prestige particulier au produit ne peut pas ĂȘtre retenu contre la marque, si Ă  la date de son dĂ©pĂŽt, ce prestige n’existait pas. Selon lui, on doit faire abstraction des efforts de promotions rĂ©alisĂ©s qui ont contribuĂ© Ă  enrichir la marque.

Arnaud Folliard-Monguiral a exposĂ© ensuite trois types de marques diffĂ©rentes :

Marque individuelle – Marque de garantie – Marque collective

La question sur laquelle s’est penchĂ©e la cour de justice est celle de la fonction essentielle propre Ă  chacune de ses marques.

En ce qui concerne la marque individuelle, dans un arrĂȘt (CJUE, 8 juin 2017, aff. C-689/15, « W. F. Gözze Frottierweberei GmbH / Verein Bremer Baumwollbörse »), la Cour a considĂ©rĂ© que lorsque l’usage d’une marque individuelle, tout en certifiant la composition ou la qualitĂ© des produits ou des services, ne garantit pas aux consommateurs que ces produits ou ces services proviennent d’une entreprise unique sous le contrĂŽle de laquelle ils sont fabriquĂ©s ou fournis et Ă  laquelle, par consĂ©quent, peut ĂȘtre attribuĂ©e la responsabilitĂ© de la qualitĂ© desdits produits ou services, un tel usage n’est pas fait conformĂ©ment Ă  la fonction d’indication d’origine.

Arnaud Folliard-Monguiral a relevĂ© que cela peut conduire Ă  des situations injustes dans la mesure oĂč les marques de garantie ont Ă©tĂ© introduites il y a peu de temps dans certains pays et que les titulaires de ces marques peuvent supporter les consĂ©quences graves d’une catĂ©gorisation de la marque qui ne correspond pas Ă  son usage.

En ce qui concerne la marque collective, Arnaud Folliard-Monguiral a exposĂ© le cas « Darjeeling », opposition entre une marque de produits de lingerie et marque collective dĂ©posĂ©e pour du thĂ© (CJUE, 20 sept. 2017, aff. C-673/15, « The Tea Board / Euipo »). La Cour a jugĂ© que « c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugĂ© que la fonction essentielle d’une marque collective de l’Union europĂ©enne est de distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est le titulaire de ceux d’autres entreprises, et non de distinguer ces produits en fonction de leur origine gĂ©ographique».

Selon Arnaud Folliard-Monguiral, l’origine gĂ©ographique des produits n’est en effet, pas un critĂšre pertinent pour considĂ©rer que les produits seraient similaires.

Ainsi, la fonction essentielle de la marque collective est d’indiquer l’origine commerciale des produits et non de distinguer ces produits en fonction de leur origine gĂ©ographique.

DĂ©termination trĂšs claire de la Cour de Justice : marque individuelle, marque collective : fonction essentielle est la fonction de garantie d’origine / marque de certification a une fonction diffĂ©rente qui est celle de garantie de qualitĂ©.

Arnaud Folliard-Monguiral a Ă©voquĂ© deux problĂ©matiques, la premiĂšre concerne l’effet non rĂ©troactif des arrĂȘts CJUE (19 juin 2012, aff. C-307/10, « Chartered Institute of Patent Attorneys » (IP Translator) et 7 juill. 2005, aff. C-418/02, « Praktiker »), avec la question de l’effet rĂ©troactif de la nouvelle lĂ©gislation (Art. 33(5) et (8) RĂšgl. 2017/1001) ainsi que la problĂ©matique de l’imprĂ©cision du libellĂ© qui joue en dĂ©faveur du titulaire de la marque (Trib. EU, 6 avril 2017, aff. T-39/16, « Nanu-Nana / Euipo » (§ 47-48).

Arnaud Folliard-Monguiral a poursuivi avec un arrĂȘt qui illustre la portĂ©e de protection des marques faibles et la reproduction d’un signe dans une marque plus rĂ©cente (Trib. UE, 27 juin 2017, aff. T-13/15, « Deutsche Post AG / Euipo », « PostModern / Post »). Le tribunal dit qu’il n’y a pas de risque de confusion ([§ 44] [
]) le propre de la « combinaison ludique et ingĂ©nieuse » des mots « post » et « modern » conduit, dans l’évocation du courant stylistique « postmoderne » que permet le jeu de mots « post modern », comme l’a constatĂ© Ă  juste titre la chambre de recours, Ă  un changement de signification desdits mots, le substantif « post » devenant le prĂ©fixe « post » avec une signification diffĂ©rente.

(§ 52) Du fait de sa nature ludique, la marque demandĂ©e, en tant que terme d’ensemble usuel, forme ainsi une unitĂ© logique dans laquelle l’élĂ©ment « post » n’a pas d’autonomie conceptuelle.

La portĂ©e de l’usage de la marque a Ă©tĂ© traitĂ©e dans une affaire d’action en dĂ©chĂ©ance formĂ©e contre une marque de l’Union qui dans les faits est utilisĂ©e uniquement en Italie (Trib. UE, 6 oct. 2017, aff. T-386/16,  «Falegnameria Universo dei F.lli Priarollo Snc / Euipo »).

(§ 46) [
] il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, le marchĂ© des produits ou des services pour lesquels une marque de l’Union a Ă©tĂ© enregistrĂ©e soit, de fait, cantonnĂ© au territoire d’un seul État membre. [
]

(§ 52) Il s’ensuit, au vu de l’ensemble des considĂ©rations qui prĂ©cĂšdent, que la chambre de recours a considĂ©rĂ©, Ă  juste titre, que, premiĂšrement, la documentation produite par la requĂ©rante, pour la pĂ©riode pertinente, ne justifiait un usage de la marque contestĂ©e que pour le seul territoire italien. DeuxiĂšmement, aucun usage hors du territoire italien, pour la pĂ©riode pertinente, n’a Ă©tĂ© documentĂ© par la requĂ©rante, contrairement Ă  ce que laissait entendre la division d’annulation par l’emploi, dans sa dĂ©cision, de l’adverbe « principalement ». TroisiĂšmement, les produits en cause ne prĂ©sentaient aucune spĂ©cificitĂ© territoriale justifiant que leur usage soit limitĂ© au seul territoire italien.

Arnaud Folliard-Monguiral s’est ensuite penchĂ© sur l’usage sous une forme modifiĂ©e.

Dans un premier cas, le tribunal donne raison Ă  l’utilisateur (usage sur papier en tĂȘte avec adresse et avec un autre Ă©lĂ©ment – pas d’interaction entre les deux) (Trib. UE, 18 juillet 2017, aff. T-110/16, « Savant Systems LLC / ​Euipo » (marque verbale « savant »)

(§ 32) En outre, la reprĂ©sentation de la marque en cause aux cĂŽtĂ©s des sous-marques de l’intervenante ne correspond pas Ă  la situation dans laquelle la marque en cause est utilisĂ©e sous une forme qui diffĂšre de celle sous laquelle celle-ci a Ă©tĂ© enregistrĂ©e, mais bien Ă  la situation oĂč plusieurs signes sont utilisĂ©s simultanĂ©ment sans altĂ©rer le caractĂšre distinctif du signe enregistrĂ©. Ainsi, il est possible que deux ou plusieurs marques fassent l’objet d’un usage conjoint et autonome.

Dans un second cas, le tribunal a estimĂ© qu’il y a une certaine interaction mais l’interaction est minime car « quality » est faiblement distinctif et n’affecte pas le caractĂšre distinctif de la marque (Trib. UE, 28 juin 2017, aff. T-287/15, « Tayto Group / Euipo »).

(§ 34) L’élĂ©ment « quality », qui est situĂ© en dessous de la marque en cause, principalement sous l’élĂ©ment « real », qui est Ă©crit en lettres capitales dans une taille de caractĂšres plus petite que celle de l’élĂ©ment verbal « real » et qui est de couleur bleue, ne revĂȘt, quant Ă  lui, qu’un caractĂšre purement laudatif et est faiblement distinctif, ainsi que la chambre de recours l’a relevĂ© Ă  bon droit. En outre, l’ajout, dans la marque utilisĂ©e, de la stylisation sous forme d’étiquette, dans laquelle tant les Ă©lĂ©ments de la marque en cause que l’élĂ©ment « quality » sont insĂ©rĂ©s, prĂ©sente un caractĂšre purement ornemental, dĂšs lors qu’il est situĂ© en arriĂšre-fond de la marque en cause et occupe de la sorte une position accessoire, ce qui ne lui confĂšre pas de caractĂšre distinctif propre.

Dans un troisiĂšme cas, « Cactus », marque enregistrĂ©e : Ă©lĂ©ment verbal cactus avec Ă©lĂ©ment figuratif cactus. L’usage de l’élĂ©ment figuratif seul ne modifie pas le caractĂšre distinctif de la marque (C-673/15 P & C-676/15P « Cactus »).

Compte tenu de la coĂŻncidence dans le contenu conceptuel du mot et de l’objet qu’il reprĂ©sente, l’usage de l’élĂ©ment figuratif seul suffit. Arnaud Folliard-Monguiral se rĂ©jouit de cette jurisprudence gĂ©nĂ©reuse envers les utilisateurs.

Dans une affaire concernant la question de l’altĂ©ration du caractĂšre distinctif dans le cas d’une marque tridimensionnelle utilisĂ©e avec un Ă©lĂ©ment verbal dessus (Trib. UE, 10 octobre 2017, aff. T-211/14 RENV, « Toni Klement / Euipo »), le tribunal a jugĂ© que l’usage de la marque verbale avec la marque tridimensionnelle ne modifie pas la forme, car il s’agit d’un cas utilisation conjointe et autonome ; on perçoit toujours la marque de forme indĂ©pendamment de la marque qui est accolĂ©e dessus.

Arnaud Folliard-Monguiral a terminĂ© son exposĂ© en Ă©voquant deux affaires de modĂšles (CJUE, 21 septembre 2017, aff. C-361/15P, « Easy Sanitary BV / Euipo »).

L’affaire concerne un drain pour douche composĂ© de deux Ă©lĂ©ments : une cuve et une plaque de recouvrement. Le demandeur en annulation se fondait en particulier sur un catalogue dans lequel on voyait une plaque de recouvrement. La Cour de justice confirme qu’on ne peut pas comparer un produit complexe composĂ© de deux Ă©lĂ©ments, (la cuve et la plaque de recouvrement) avec un seul de ses Ă©lĂ©ments (plaque de recouvrement).

Quid de l’Importance du secteur industriel ? Drain pour douche Ă  usage domestique et cuve d’évacuation Ă  usage industriel. La Cour de Justice dit que cela n’a pas d’importance pour l’examen de la nouveautĂ©. Par le simple fait que le modĂšle antĂ©rieur a Ă©tĂ© divulguĂ© dans un secteur industriel A. on doit considĂ©rer qu’il est Ă©galement valable et opposable au titre de caractĂšre individuel dans un secteur industriel B. mĂȘme si les secteurs industriels sont diffĂ©rents.

III. La procĂ©dure de radiation pour dĂ©faut d’usage et usage partiel

Olivier Veluz, juriste en marque sĂ©nior Ă  l’IPI, a regrettĂ© qu’il n’y ait pas encore eu de dĂ©cisions dans le cadre de cette procĂ©dure de radiation. Un des facteurs de la longueur de la procĂ©dure est l’échange d’écritures double avec des prolongations de dĂ©lai.

Olivier Veluz a tout d’abord prĂ©sentĂ© quelques chiffres. Il y a eu 42 demandes introduites entre le 1er janvier et le 31 octobre 2017, presque autant de marques suisses (26 procĂ©dures) que d’enregistrements internationaux (16 procĂ©dures), dont 19 titulaires sont domiciliĂ©s Ă  l’étranger avec les difficultĂ©s de la notification Ă  l’étranger exposĂ©es plus loin.

Olivier Veluz a ensuite prĂ©sentĂ© les expĂ©riences des notifications Ă  l’étranger notamment en Australie, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Chine, aux États-Unis d’AmĂ©rique et en Belgique.

La notification de l’acte par lequel on invite une personne Ă  dĂ©signer un reprĂ©sentant en Suisse est un acte de puissance publique uniquement si l’État en question tolĂšre l’acte (Convention de La Haye relative Ă  la signification et la notification Ă  l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matiĂšre civile ou commerciale).

Pour presque toutes les procĂ©dures (sauf 2 rĂ©glĂ©es par notification informelle), l’Institut fĂ©dĂ©ral de la propriĂ©tĂ© intellectuelle (IPI) a dĂ» faire appel Ă  la notification formelle. Pour les pays comme la France, les Pays-Bas et les Etats-Unis qui tolĂšrent la notification directe par voie postale, l’IPI a pu faire une notification directe par un courrier recommandĂ© avec accusĂ© de rĂ©ception.

Pour l’Australie et l’Allemagne par exemple, l’IPI a dĂ» faire appel Ă  la notification formelle (Entraide via l’OFJ), procĂ©dure plus longue (ex, Australie : notification formelle: initiĂ©e le 18 avril 2017 ; acte notifiĂ© par l’Australie le 17 juillet 2017 ; rĂ©cĂ©pissĂ© des autoritĂ©s australiennes reçu le 4 septembre 2017).

Olivier Veluz a abordĂ© deux questions de procĂ©dures :

1. La suspension de la procédure

Selon l’art. 23 al. 4 OPM, l’IPI peut suspendre la procĂ©dure d’opposition lorsque la dĂ©cision concernant l’opposition dĂ©pend de l’issue d’une procĂ©dure de radiation pour dĂ©faut d’usage, d’une procĂ©dure civile ou de toute autre procĂ©dure.

Dans une dĂ©cision incidente du TAF (B-3788/2017 du 30 aoĂ»t 2017), celui-ci a rejetĂ© la demande de suspension de la procĂ©dure de recours suite au dĂ©pĂŽt d’une demande de radiation pour dĂ©faut d’usage. Le TAF a estimĂ© que la procĂ©dure de radiation avait un objet diffĂ©rent de celui de la procĂ©dure d’opposition et que la demande de radiation ne concernait qu’une partie des produits et services et que cela n’avait aucune incidence sur la procĂ©dure de radiation. Le TAF considĂšre cette dĂ©cision comme un « Einzelfall »

Dans un cas similaire, Olivier Veluz prĂ©cise que l’IPI suspendrait une telle procĂ©dure, mĂȘme en cas de demande de radiation partielle : elle aura toujours une incidence sur le champ de protection sur la marque opposante et Ă©galement sur le risque de confusion puisqu’il dĂ©pend du degrĂ© de similaritĂ© des produits et services.

2. La vraisemblance du dĂ©faut d’usage

Olivier Veluz a prĂ©sentĂ© les moyens de preuve dĂ©jĂ  reçus dans les procĂ©dures en cours :

  • – Rapport de recherches d’usage (pĂ©riode de recherches Ă©tendue)
  • – Extrait de recherches Google (ponctuelles ou avec archives Internet (Wayback Machine))
  • – Extrait du registre du commerce (la faillite du titulaire n’est qu’un indice du non-usage et non une vraisemblance du non-usage)

Olivier Veluz a citĂ© l’arrĂȘt « Bentley » important pour la question du dĂ©faut d’usage (TC-FR (102 2015 287) du 22 aoĂ»t 2017) dans lequel le tribunal fribourgeois a considĂ©rĂ© que le dĂ©faut d’usage constatĂ© par l’IPI dans une dĂ©cision sur opposition permet de rendre vraisemblable le dĂ©faut d’usage dans une procĂ©dure civile en nullitĂ© confrontant les mĂȘmes parties (consid. 3.2). Selon Olivier Veluz, l’IPI ne devrait pas arriver Ă  une conclusion diffĂ©rente dans une procĂ©dure de radiation.

3. Usage partiel

Olivier Veluz a rappelĂ© qu’Eric Meier dans les Ă©ditions prĂ©cĂ©dentes avait indiquĂ© que l’IPI avait une pratique diffĂ©rente du TAF en la matiĂšre. Lors des workshops, l’IPI avait informĂ© les participants que l’IPI avait dĂ©cidĂ© de changer de pratique. Olivier Veluz profite de ce sĂ©minaire pour expliquer quelles Ă©taient les bases de rĂ©flexion pour le dĂ©veloppement de cette nouvelle pratique Ă  l’aide de 5 exemples.

Le thĂšme de l’usage partiel sera abordĂ© en 4 points :

  • –  La problĂ©matique
  • – Raisonnement en deux Ă©tapes
  • – Raisons de la nouvelle pratique
  • – Solution minimale Ă©tendue de l’IPI

a) Problématique

Olivier Veluz a rappelĂ© la teneur de l’art. 11 LPM concernant l’usage de la marque : la protection est accordĂ©e pour autant que la marque soit utilisĂ©e en relation avec les produits ou les services enregistrĂ©s.

1er exemple : dans le cadre d’une marque enregistrĂ©e pour une catĂ©gorie trĂšs large (cl. 19: MatĂ©riaux Ă  bĂątir non mĂ©talliques).

Usage rendu vraisemblable pour des Parquets à lames larges (Landhausdielen). Quel est l’effet de cet usage partiel.

b) Raisonnement en deux étapes

1Ăšre étape : est-ce que l’usage de la marque est couvert par ce qui figure au registre.

Dans l’exemple concernant la dĂ©cision no 14159, « Yo / Yoka », Cl. 32: BiĂšres ; eaux minĂ©rales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons de fruits et jus de fruits; sirops et autres prĂ©parations pour faire des boissons.

Usage rendu vraisemblable pour des Sirops de fruits avec différents arÎmes et sirops sans autres précisions.

2Ăšme étape : dans ce cas, l’IPI est arrivĂ© Ă  la conclusion que l’usage est couvert uniquement pour les sirops et autres prĂ©parations pour faire des boissons (par la question de la subsomption). En effet, un sirop n’est pas quelque chose que l’on consomme tel quel mais qui sert Ă  prĂ©parer une boisson.

Qu’en est-il de l’effet de l’usage partiel lorsque l’on est en prĂ©sence d’une liste qui comprend beaucoup de produits. Oliviez Veluz a prĂ©sentĂ© les trois solutions possibles Ă  savoir la solution minimale, (usage rendu vraisemblable uniquement pour les Parquets Ă  lames larges (qui Ă©tait la pratique de l’IPI jusqu’au 31 dĂ©cembre 2016), la solution maximale, l’usage pour un simple produit permet de valider l’usage pour toute l’indication gĂ©nĂ©rale (Ă  savoir MatĂ©riaux Ă  bĂątir non mĂ©talliques), ou alors une solution intermĂ©diaire, la solution minimale Ă©tendue. Dans le cadre de la solution intermĂ©diaire, Ă  savoir la solution minimale Ă©tendue, Olivier Veluz identifie trois approches possibles :

Pratique du TAF (Jurisprudence « Gadovist » (B-5871/2011), qui correspond Ă  la doctrine majoritaire (Marbach / Volken / Wang), l’usage valide le droit Ă  la marque pour l’indication gĂ©nĂ©rale lorsque :

  • – usage futur prĂ©sumĂ© et attendu par les destinataires
  • – usage prototypique pour l’indication gĂ©nĂ©rale
  • – indication gĂ©nĂ©rale dĂ©finie de maniĂšre Ă©troite et prĂ©cise
  • – assortiment courant d’un « fournisseur » (Anbieter) typique de la branche.

Pratique allemande Jurisprudence « Cynaretten » (BPatG 25 W (pat) 52/02) et « Culinaria » (BGH I ZR 85/11), l’usage valide le droit Ă  la marque pour des produits relevant de la « mĂȘme » catĂ©gorie de produits ou services (aus dem « gleichen » Bereich).

CatĂ©gorie de produits et services qui concordent quant Ă  leurs propriĂ©tĂ©s, ainsi qu’à leur but et Ă  leur destination.

Pratique EUIPO / T-UE Jurisprudence « Aladin » (T-UE T-126/03) et « Respicur » (T-UE T-256/04), l’usage pour un produit spĂ©cifique appartenant Ă  une catĂ©gorie plus large de produits valide le droit Ă  la marque pour la sous-catĂ©gorie autonome à laquelle ce produit spĂ©cifique appartient, les sous-catĂ©gories autonomes Ă©tant dĂ©finies au regard de la finalité et de la destination des produits.

La nouvelle pratique de l’IPI est due Ă  l’introduction au 1er janvier 2017 de la nouvelle procĂ©dure de radiation pour dĂ©faut d’usage: l’usage partiel a un effet direct sur le registre, et la question de l’usage partiel ne peut pas ĂȘtre laissĂ© ouverte. L’IPI a ainsi choisi de dĂ©velopper une pratique qui tient compte des solutions EUIPO/T-UE et des tribunaux allemands, Ă  savoir une solution minimale Ă©tendue (TAF B-6249/2014, consid. 4.6, « Campagnolo (fig.) / F.LLI Campagnolo (fig.) » : approche du TAF correspond Ă  la solution minimale Ă©tendue du droit allemand).

La casuistique est Ă©tablie depuis 2003 et implique une meilleure prĂ©visibilitĂ© des dĂ©cisions ainsi qu’une « harmonisation » des pratiques des membres de l’Union europĂ©enne. Oliviez Veluz prĂ©cise que dans la mesure oĂč ces cas s’apparentent Ă  des case law, qui dĂ©pendent de ce qui est inscrit au registre, pour quels produits la marque est utilisĂ©e et les conclusions des parties, tous les cas de figure ne sont pas couverts par la jurisprudence UE, il faudra voir l’évolution de la pratique de l’IPI ainsi que la jurisprudence du TAF et TF.

Ainsi, l’IPI va dorĂ©navant procĂ©der Ă  cette analyse dans chaque cas. A certaines conditions, l’usage pour un produit spĂ©cifique valide le droit Ă  la marque pour l’indication gĂ©nĂ©rale qui l’englobe. L’IPI n’utilise pas les critĂšres de la similaritĂ© des produits et services de l’art. 3 al. 1 let. b et c LPM, qui sont trop vastes, l’IPI n’utilise pas non plus le critĂšre de leur lieu de fabrication ou de distribution habituel, qui est plutĂŽt un critĂšre de la similaritĂ© des produits.

Olivier Veluz a prĂ©cisĂ© ce qu’était une Indication formulĂ©e en des termes larges et sous-catĂ©gories : elle recouvre une indication/catĂ©gorie qui regroupe une vaste gamme de produits ou services ou qui comprend des produits ou services par nature diffĂ©rents. Ainsi, le droit Ă  la marque ne peut s’étendre qu’à des produits ou services suffisamment diffĂ©renciĂ©s pour pouvoir constituer des catĂ©gories ou sous-catĂ©gories de produits ou services cohĂ©rentes, ces catĂ©gories ne pouvant ĂȘtre divisĂ©es sans arbitraire (Directives IPI, Partie 5, ch. 5.4.5.2).

L’IPI procĂšde Ă  l’analyse selon le schĂ©ma suivant : Ă  certaines conditions, l’usage pour un produit spĂ©cifique valide le droit Ă  la marque pour l’indication gĂ©nĂ©rale qu’il englobe.

Tout d’abord, l’IPI fait la subsomption : on a comme rĂ©sultat de la subsomption une catĂ©gorie formulĂ©e en des termes plus ou moins large. Si elle est suffisamment cohĂ©rente pour former un tout, (pas de subdivision possible), l’effet de l’usage partiel est Ă©tendu Ă  cette catĂ©gorie gĂ©nĂ©rale. En revanche, si une sous catĂ©gorisation est possible, on la dĂ©finit avec une mini-Subsomption et on examine sous quelle catĂ©gorie le produit tombe et on va vĂ©rifier si cette sous-catĂ©gorie est suffisamment cohĂ©rente ou non et ainsi de suite.

Olivier Veluz a indiqué quels sont les critÚres pour délimiter les sous-catégories.

Produits ou services qui concordent d’un point de vue objectif quant Ă  leurs propriĂ©tĂ©s, leur finalité et leur destination (Directives, Partie 6, ch. 5.4.5.2). Ce sont des critĂšres primordiaux, car le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra rĂ©pondre Ă  ses besoins spĂ©cifiques, ils sont essentiels dans l’orientation du choix du consommateur, appliquĂ©s prĂ©alablement Ă  tout achat (T-UE 256/04 § 29, « Respicur »)

Les critĂšres de la propriĂ©tĂ©, de la finalitĂ© et de la destination peuvent ĂȘtre dĂ©finis par les questions suivantes : À quoi sert le produit ou le service ? Et pourquoi ou dans quel but le produit ou le service est-il acheté en principe du point de vue de son destinataire final?

Olivier Veluz a fourni quelques exemples :

  • – MĂ©dicaments Ă  base de tamsulosine utilisĂ©s dans le traitement des symptĂŽmes de l’hyperplasie bĂ©nigne de la prostate → mĂ©dicaments dans le domaine de l’urologie (TAF B-2678/2012, « Omix / ​Onyx Pharmaceuticals »)
  • – CD et DVD enregistrĂ©s → supports enregistrĂ©s (Chambre de recours EUIPO R 1932/2014-2, « Celluloid Records / Celluloid »)
  • – DĂ©cision d’opposition n° 14159 « Yo / Yoka » :

    Marque enregistrĂ©e en cl. 32 : BiĂšres; eaux minĂ©rales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres prĂ©parations pour faire des boissons.

    Usage rendu vraisemblable pour : Sirops de fruits avec diffĂ©rents arĂŽmes et sirops sans autres prĂ©cisions.

    Effet de l’usage partiel: Sirops et autres prĂ©parations pour faire des boissons.

  • – DĂ©cision d’opposition n° 14368 « bianca / biancaluna »

    Marque enregistrĂ©e en cl. 25 : VĂȘtements.

    Usage rendu vraisemblable pour : VĂȘtements pour femme, Ă  savoir pantalons, chemisiers, vestes, t-shirts, blazers et jupes et Ă©charpes.

    Effet de l’usage partiel : VĂȘtements de dessus pour femme et Ă©charpes.

    Ceci correspond Ă  la jurisprudence europĂ©enne (T-UE T-392/04, « Manou / Manu Manu Manu », T-UE T 336/16, « Versace » : vĂȘtements de luxe ≠ sous-catĂ©gorie autonome

  • – DĂ©cision d’opposition no 13 680,« Paradix / Rouge du Paradis »

    Marque enregistrĂ©e en cl. 33 : Alcools et eaux-de-vie, liqueurs, spiritueux et apĂ©ritifs divers.

    Usage rendu vraisemblable pour : Eaux-de-vie de vin bĂ©nĂ©ficiant de l’AOC Cognac.

    Effet de l’usage partiel : Eaux-de-vie de vin, brandy, eau-de-vie de marc de raisin et eau-de-vie de raisin sec.

    Origine gĂ©ographique ≠ critĂšre pertinent (cf. Ă©g. T-UE T-489/13 « Villa Alberi (fig.) / V Viña Alberdi »)

    L’IPI s’est servi de la lĂ©gislation suisse qui prĂ©voit des catĂ©gories trĂšs spĂ©cifiques.

  • – DĂ©cision d’opposition no 14384 « tilo / Tilag »

    Marque enregistrĂ©e en cl. 19 : MatĂ©riaux Ă  bĂątir non mĂ©talliques.

    Usage rendu vraisemblable pour : Parquet à lames larges.

    Effet de l’usage partiel: RevĂȘtement de sol d’intĂ©rieur en bois.

  • – DĂ©cision d’opposition n° 14138 « IPAD / MI PAD »

    Marque enregistrĂ©e en cl. 9 : Ordinateurs, matĂ©riel informatique (
)

    Usage rendu vraisemblable pour : Tablettes informatiques.

    Effet de l’usage partiel : Ordinateurs portables.

    Peut-on faire des sous-catĂ©gories pour les ordinateurs portables ? Si on regarde la rĂ©alitĂ© du marchĂ©, ce n’est pas justifiĂ© de faire des sous-catĂ©gories.

    = prise en compte de ce qui existe sur le marché (ultra-portable)

    ≠ crĂ©er des sous-catĂ©gories artificielles (cf. Ă©g. Chambre de recours EUIPO R 1010/2016-4, « VIETA »)

Olivier Veluz a conclu en prĂ©cisant que depuis le 1er janvier 2017, l’IPI a rendu environ une quinzaine de dĂ©cisions et le critĂšre de l’usage partiel figure maintenant dans l’aide Ă  l’examen.

IV. Le procĂšs civil en propriĂ©tĂ© intellectuelle : quelques questions procĂ©durales

Selon Me Michele Burnier il existe des dispositions dans le CPC (intĂ©rĂȘts dignes de protection des parties [art. 156 et 163 al. 2 CPC]), dans la PA (intĂ©rĂȘts privĂ©s importants [art. 27 al. 1 let. b et 27 al. 2 PA] et prise en considĂ©ration des piĂšces tenues secrĂštes [art. 28 PA] ainsi que dans les lois spĂ©ciales, dans la LBI (sauvegarde du secret de fabrication ou d’affaires [art. 68 LBI], et mesures provisionnelles [art. 77 al. 1 let. b et al. 3 LBI].

Me Burnier renvoie pour la dĂ©finition du secret Ă  la publication de Me Schlosser. La notion de secret est une disposition large qui englobe aussi les droits de la personnalitĂ©, des parties et des tiers. Elle retient la dĂ©finition du Tribunal FĂ©dĂ©ral :

« Constitue un secret, au sens de ces dispositions, toute connaissance particuliĂšre qui n’est pas de notoriĂ©tĂ© publique, qui n’est pas facilement accessible, dont un fabricant ou un commerçant a un intĂ©rĂȘt lĂ©gitime Ă  conserver l’exclusivitĂ© et qu’en fait il n’entend pas divulguer. [
] Par secrets de fabrication, on entend les recettes et moyens de fabrication qui ne sont pas publics et qui revĂȘtent une grande valeur pour le fabricant; par secrets commerciaux, on entend la connaissance de sources d’achat et de ravitaillement, et celles relatives Ă  l’organisation, la calculation du prix, la publicitĂ© et la production ». ATF 103 IV 283; cf. Ă©galement TF 2C_1009/2014 et une dĂ©finition plus restrictive en droit du travail « Pour ĂȘtre qualifiĂ©es de secrets d’affaires ou de fabrication, les connaissances acquises au sein de l’entreprise doivent toucher Ă  des questions techniques, organisationnelles ou financiĂšres, qui sont spĂ©cifiques et que celle-ci veut garder secrĂštes; il ne peut s’agir de connaissances qui peuvent ĂȘtre acquises dans toutes les entreprises de la mĂȘme branche ».

C’est une notion qui est subjective au domaine en question, notamment dans le monde du droit du travail.

Parmi les diverses mesures de sauvegarde visant Ă  sauvegarder les secrets, on peut citer notamment le caviardage des documents, la consultation au greffe et l’interdiction de lever des copies, l’interdiction Ă  une partie de participer Ă  l’audition d’un tĂ©moin, l’engagement Ă©crit de garder le secret sous la menace de la peine prĂ©vue Ă  l’art. 292 CP. Dans la pratique en ce qui concerne le caviardage, Michele Burnier prĂ©conise d’envoyer deux exemplaires au juge dont un seul est caviardĂ© afin que le juge ait les informations nĂ©cessaires.

Dans la mesure oĂč la sauvegarde d’un secret limite le droit d’ĂȘtre entendu, le secret est Ă  interprĂ©ter restrictivement, la vraisemblance de l’existence d’un secret devrait suffire selon la doctrine. Un recours au TF est possible contre une ordonnance de preuves rendue par le juge, s’il y a un risque de prĂ©judice irrĂ©parable.

Me Burnier a soulignĂ© que les mesures de sauvegarde prĂ©conisĂ©es sont similaires (TF 1A.241/2003, 5A_361/2010 et TAF A-1936/2006 (rĂ©sumĂ© de rapports), anonymisation (VPB 67 (2003) N 59), mais que la jurisprudence semble exiger un intĂ©rĂȘt prĂ©pondĂ©rant (ĂŒberwiegend) plutĂŽt qu’un intĂ©rĂȘt important (wesentlich) à garder le secret (27 PA).

Disposition dans les lois spĂ©ciales :

Art. 36 al. 3 OPM : Lorsqu’un document justificatif contient des secrets de fabrication ou d’affaires, il est, sur demande, classĂ© Ă  part. Ce fait est mentionnĂ© dans le dossier.

Art. 65 LBI et 89 al. 2 OBI

Art 65 : AprĂšs la publication de la demande de brevet, toute personne peut consulter le dossier. Le Conseil fĂ©dĂ©ral ne peut limiter ce droit de consultation que lorsque des secrets de fabrication ou d’affaires ou d’autres intĂ©rĂȘts prĂ©pondĂ©rants s’y opposent.

Art. 89 al. 2 : Celui qui joint aux piĂšces un titre probant et dĂ©clare que celui-ci divulgue des secrets de fabrication ou d’affaires peut demander qu’il soit classĂ© Ă  part. L’existence de tels titres est mentionnĂ©e dans le dossier. Art. 27 al. 2 LDes et 22 al. 2 ODes.

Art. 27 al. 2 : Le dossier des designs enregistrĂ©s peut Ă©galement ĂȘtre consultĂ©. Le Conseil fĂ©dĂ©ral ne peut restreindre le droit Ă  la consultation du dossier qu’à la condition que le secret de fabrication ou d’affaires ou d’autres intĂ©rĂȘts prĂ©pondĂ©rants s’y opposent.

Art. 22 al. 2 : Les titres probants contenant des secrets de fabrication ou d’affaires ainsi que d’autres informations, Ă  la non-divulgation desquels le dĂ©posant a un intĂ©rĂȘt lĂ©gitime, sont classĂ©s Ă  part sur requĂȘte. Ce classement Ă  part est mentionnĂ© dans le dossier.

Me Burnier a enfin posĂ© la question de l’applicabilitĂ© future de la LPD rĂ©visĂ©e et son incidence sur le droit de la consultation ainsi que de l’applicabilitĂ© de la Ltrans avant de passer la parole Ă  Me Schlosser qui a passĂ© en revue la question de la formulation des conclusions au travers de plusieurs arrĂȘts. Il a soulignĂ© l’importance de ces conclusions qui doivent ĂȘtre suffisamment prĂ©cises.

Le TAF a prĂ©cisĂ© que les conclusions en interdiction doivent dĂ©crire avec prĂ©cision le comportement dont le demandeur sollicite l’interdiction. La partie visĂ©e doit comprendre ce qu’elle n’est plus en droit de faire et les autoritĂ©s d’exĂ©cution ou les autoritĂ©s pĂ©nales doivent savoir quels actes elles doivent empĂȘcher ou assortir de sanctions (ATF 131 III 70 consid. 3.3, « Sammelhefter »).

Sont irrecevables (le cas Ă©chĂ©ant partiellement) les conclusions comprenant les Ă©lĂ©ments suivants car elles ne sont pas suffisamment prĂ©cises : « et toute autre dĂ©nomination susceptible de crĂ©er un risque de confusion avec le signe Y », « seule ou avec des adjonctions dĂ©pourvues de force distinctive », « utiliser Ă  titre de signe distinctif » (CR PI, art. 55 LPM N 5 ; SHK MSchG, art. 55 N 37).

Dans l’arrĂȘt TF, 5A_658/2014, « Carl Hirschmann », le tribunal a estimĂ© que « si le litige porte sur l’interdiction de communications futures, on ne peut exiger du demandeur qu’il formule des conclusions dans lesquelles il anticipe et prĂ©cise jusque dans les moindres dĂ©tails le texte par lequel l’entreprise de mĂ©dias menace de porter atteinte Ă  sa personnalité ».

Me Burnier s’est ensuite penchĂ©e sur la lĂ©gitimation active et passive dans les groupes de sociĂ©tĂ©s. Elle a rappelĂ© que la lĂ©gitimation active et passive (ou respectivement la qualitĂ© pour agir) dĂ©pend toujours de la nature et de l’objet de l’action intentĂ©e et que les dispositions des lois spĂ©ciales (LPM, LBI, LDes, LDA) prĂ©voient plusieurs types d’actions (en interdiction, en cessation, en fourniture de renseignements, rĂ©paratrices, en nullitĂ©, en confiscation, en cession) pour lesquelles la lĂ©gitimation peut considĂ©rablement varier.

En ce qui concerne la lĂ©gitimation en procĂ©dure d’opposition, Me Burnier a Ă©voquĂ© une dĂ©cision (TAF B-6608/​2009) selon laquelle dans le cadre d’un usage au sein d’un groupe de sociĂ©tĂ©s, l’opposition est irrecevable car la licence a Ă©tĂ© octroyĂ©e aprĂšs le terme du dĂ©lai d’opposition (Ă©galement TAF B-5165/​2011). Par ailleurs, la « lĂ©gitimation active » est une condition de recevabilitĂ© qui, si elle fait dĂ©faut Ă  l’échĂ©ance du dĂ©lai d’opposition, conduit Ă  « l’irrecevabilitĂ© de l’opposition ».

Dans le cadre de la procĂ©dure administrative d’invalidation, la lĂ©gitimation active est donnĂ©e Ă  toute personne qui peut dĂ©poser auprĂšs de l’IPI une demande de radiation de la marque pour dĂ©faut d’usage au sens de l’art. 12 al. 1 LPM ; il n’est pas nĂ©cessaire de justifier d’un intĂ©rĂȘt particulier. La lĂ©gitimation active en procĂ©dure civile varie en fonction de la nature de l’action. Dans le cadre de l’action en constatation (ATF 136 III 102, « Yello »), le TF a prĂ©cisĂ© que la constatation du demandeur ne doit pas ĂȘtre restreinte aux mĂȘmes classes de produits ou de services que celles pour lesquelles le demandeur a fait inscrire un signe dans le registre des marques. Dans un arrĂȘt du TF (sic! 2017, 311), il a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ© dans le cadre de la lĂ©gitimation passive de l’action en exĂ©cution que l’utilisation d’une marque protĂ©gĂ©e par un tiers ne signifie pas que celle-ci se fait avec le consentement du titulaire, mĂȘme si le tiers est membre du mĂȘme groupe de sociĂ©tĂ©.

V. L’expertise privĂ©e

Me Schlosser a ensuite prĂ©sentĂ© plusieurs arrĂȘts concernant l’expertise privĂ©e, qui est un moyen de preuve admissible en procĂ©dure administrative. Toutefois, la valeur probante est en gĂ©nĂ©ral moindre que celle d’une expertise judiciaire. En effet, dans une expertise privĂ©e, la partie soumet Ă  l’expert une prĂ©sentation subjective des faits litigieux et l’expert ne s’expose pas Ă  des sanctions pĂ©nales. En ce qui concerne la force probante d’un sondage d’opinion, il dĂ©pend avant tout de la formulation des questions (TAF, B-5169/2011, 17 fĂ©vrier 2012, consid. 5.3, « Oktoberfest-Bier »).

Avant l’entrĂ©e en vigueur du CPC en 2011, l’expertise privĂ©e Ă©tait un moyen de preuve admissible (SG, AG, AI). Dans un arrĂȘt, le TF a estimĂ© qu’en favorisant une expertise privĂ©e par rapport Ă  l’autre, le juge s’est fondĂ© sur une simple allĂ©gation de partie dans une matiĂšre faisant appel Ă  des connaissances techniques spĂ©cialisĂ©es (ATF 132 III 83 consid. 3.5). Aujourd’hui, le CPC ne mentionne pas l’expertise privĂ©e parmi les moyens de preuve (art. 168 al. 1). Dans son message du 28 juin 2006, le Conseil fĂ©dĂ©ral a indiquĂ© que l’expertise privĂ© n’est pas un moyen de preuve, mais reste admissible, en tant qu’allĂ©gations d’une partie, aux conditions de recevabilitĂ© de celle-ci.

Pour certains auteurs, l’expertise privĂ©e devrait ĂȘtre admise comme moyen de preuve, dont la valeur probante serait apprĂ©ciĂ©e librement par le juge (cf. art. 157 CPC) (F. Trezzini / ​F. Bohnet, RSPC 2017, 367 ss ; D. RĂŒetschi, in : FS Meisser, spĂ©c. 14). TF, 4A_128/2012, « Vogue »). Ralph Schlosser souligne qu’en matiĂšre de PI, pour les sondages d’opinion l’expert a une crĂ©dibilitĂ© et on peut y attacher une certaine importance.

Me Schlosser a fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’arrĂȘt Vogue (TF, 4A_128/2012) qui mentionne « C’est Ă  juste titre que l’autoritĂ© cantonale s’est rĂ©fĂ©rĂ©e, Ă  titre d’indices, Ă  une enquĂȘte dĂ©moscopique rĂ©alisĂ©e Ă  la requĂȘte des demanderesses, la mĂ©thodologie suivie par l’institut de sondage n’ayant pas Ă©tĂ© remise en cause ». Dans l’arrĂȘt « Smarties » (ATF 131 III consid. 7.2), le TF admet que l’imposition puisse ĂȘtre dĂ©montrĂ©e moyennant un sondage pour autant que celui-ci soit concluant par rapport aux personnes interrogĂ©es et Ă  la mĂ©thode employĂ©e.

Il est recommandĂ© toutefois de produire le rapport d’expertise privĂ©e et de le citer de maniĂšre dĂ©taillĂ©e dans l’écriture, de requĂ©rir l’audition de l’auteur du rapport en qualitĂ© d’expert-tĂ©moin et de requĂ©rir subsidiairement une expertise judiciaire (SHK MSchG-Kaiser / RĂŒetschi, Beweisrecht N 28).

Me Schlosser a conclu avec un arrĂȘt tout rĂ©cent pour illustrer la pratique nuancĂ©e en matiĂšre de droit des marques dans le cadre d’une action en nullitĂ© de marque pour dĂ©faut d’usage (TF, 4A_299/2017, « Abanka / ​Abanca ») « les expertises privĂ©es peuvent, avec d’autres indices, fournir la preuve d’un fait. Cela est d’autant plus vrai lorsque le fait doit ĂȘtre simplement rendu vraisemblable » (consid. 4.1). Ainsi, le dĂ©faut d’usage est rendu vraisemblable par un rapport de recherche, mais aussi par la preuve de l’absence de filiale et de personnel en Suisse et l’interrogatoire de la dĂ©fenderesse dont est rĂ©sultĂ© le constat d’absence de rĂ©clame en Suisse.

Fussnoten:
*

Lic. jur. LL.M en droit europĂ©en, Juriste auprĂšs de l’institut FĂ©dĂ©ral de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (IPI).