
JournĂ©e de droit de la propriĂ©tĂ© intellectuelle du 15 fĂ©vrier 2008 organisĂ©e conjointement par Jacques de Werra, Professeur Ă la FacultĂ© de droit de lâUniversitĂ© de GenĂšve, et la plate-forme suisse de lutte contre la contrefaçon et la piraterie STOP A LA PIRATERIE
«La lutte contre la contrefaçon et la piraterie» Ă©tait la thĂ©matique de la journĂ©e de droit de la propriĂ©tĂ© intellectuelle Ă GenĂšve organisĂ©e le 15 fĂ©vrier 2008 conjointement par Jacques de Werra, Professeur Ă la FacultĂ© de droit de lâUniversitĂ© de GenĂšve, et la plate-forme suisse de lutte contre la contrefaçon et la piraterie STOP A LA PIRATERIE. Cette journĂ©e Ă©tait la premiĂšre dâun cycle de confĂ©rences Ă venir sur des problĂ©matiques touchant au droit de la propriĂ©tĂ© intellectuelle. Elle sâest dĂ©roulĂ©e selon une structure tripartite. Le premier volet a montrĂ© que, Ă lâĂ©chelle internationale et europĂ©enne, cette question fait lâobjet dâintenses dĂ©bats politiques et est Ă lâorigine de plusieurs initiatives et textes lĂ©gislatifs. Le deuxiĂšme volet a permis de prĂ©senter, au niveau national, les dĂ©veloppements rĂ©cents en faveur de la lutte contre la contrefaçon et la piraterie. Le troisiĂšme volet, sous forme de table ronde, a permis de discuter lâampleur et la complexitĂ© du phĂ©nomĂšne sur Internet. On retiendra de cette journĂ©e quâune certaine conscience collective du problĂšme sâest dĂ©jĂ dĂ©veloppĂ©e mais quâune lutte efficace suppose de mettre en Ćuvre tous les moyens, dâintervenir Ă tous les Ă©chelons et dâamĂ©liorer la coopĂ©ration entre les secteurs public et privĂ©.
«Der Kampf gegen FĂ€lschung und Piraterie» war das Thema einer Tagung zum geistigen Eigentum, welche am 15. Februar 2008 in Genf stattfand und gemeinsam von Jacques de Werra, Professor an der rechtswissenschaftlichen FakultĂ€t der UniversitĂ€t Genf, und der Plattform STOP PIRACY organisiert wurde. Die Tagung war die erste in einer Reihe von Veranstaltungen, welche zu Problemen des geistigen Eigentums durchgefĂŒhrt werden wird. Die Veranstaltung verlief in drei Teilen. Der erste Teil zeigte, dass die Problematik auf internationaler und europĂ€ischer Ebene Gegenstand intensiver politischer Debatten bildet und mehrere Initiativen und Gesetzgebungsverfahren hervorgebracht hat. Der zweite Teil erlaubte es, die auf nationalem Niveau erfolgten jĂŒngsten Entwicklungen zugunsten des Kampfes gegen FĂ€lschung und Piraterie aufzuzeigen. Im dritten Teil konnten anlĂ€sslich eines GesprĂ€chs am runden Tisch die Herausforderungen und die KomplexitĂ€t des PhĂ€nomens mit Bezug auf das Internet diskutiert werden. Man wird von dieser Tagung mitnehmen, dass sich bereits ein gewisses gemeinsames Problembewusstsein entwickelt hat, aber dass es fĂŒr einen wirksamen Kampf erforderlich ist, sĂ€mtliche Mittel bereitzustellen, auf allen Ebenen zu intervenieren und die Zusammenarbeit zwischen den öffentlichen und privaten Sektoren zu verbessern.
Compte-rendu
«La lutte contre la contrefaçon et la piraterie» Ă©tait la thĂ©matique de la journĂ©e de droit de la propriĂ©tĂ© intellectuelle Ă GenĂšve organisĂ©e le 15 fĂ©vrier 2008 conjointement par Jacques de Werra, Professeur Ă la FacultĂ© de droit de lâUniversitĂ© de GenĂšve, et la plate-forme suisse de lutte contre la contrefaçon et la piraterie STOP A LA PIRATERIE.
Cette journĂ©e â qui a rassemblĂ© plus de 140 participants â Ă©tait la premiĂšre dâun cycle de confĂ©rences Ă venir sur des problĂ©matiques touchant au droit de la propriĂ©tĂ© intellectuelle et ayant pour but la formation continue et la crĂ©ation dâun forum de discussion sur des thĂšmes liĂ©s Ă la propriĂ©tĂ© intellectuelle. Elle sâest dĂ©roulĂ©e selon une structure tripartite afin dâaborder, dans un premier volet, la problĂ©matique dans sa dimension internationale puis, dans un deuxiĂšme volet, la situation en Suisse avant de terminer par une table ronde au sujet de la contrefaçon et de la piraterie sur Internet.
Dans sa prĂ©sentation sur la «Contrefaçon et piraterie: un Ă©tat des lieux international dans la perspective dâINTERPOL», Aline Plançon, officier de renseignements criminels, Projet sur les droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle, INTERPOL, a tout dâabord expliquĂ© lâampleur de la contrefaçon et de la piraterie aujourdâhui. Celles-ci reprĂ©sentent un phĂ©nomĂšne grandissant, de dimension internationale, qui touche tous les droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle (p. ex. software, piĂšces de voitures, piles, soupes instantanĂ©es) et qui est souvent liĂ© Ă la criminalitĂ© organisĂ©e.
Aline Plançon a ensuite prĂ©sentĂ© les diffĂ©rentes stratĂ©gies pour lutter contre ce phĂ©nomĂšne mises en Ćuvre par INTERPOL. Celle-ci a ainsi dĂ©veloppĂ© une base de donnĂ©es internationale sur les atteintes Ă la propriĂ©tĂ© intellectuelle, afin de mettre Ă disposition des utilisateurs autorisĂ©s des informations sur des personnes, des affaires, des itinĂ©raires de trafics et des modes opĂ©ratoires et ainsi aider aux enquĂȘtes sur les atteintes Ă la propriĂ©tĂ© intellectuelle commises partout dans le monde.
INTERPOL a Ă©galement créé le groupe dâaction IIPCAG (Interpol Intellectual Property Crime Action Group) impliquant la police, les douanes, les industriels et les organisations internationales qui a pour but de sensibiliser Ă cette menace les dĂ©cisionnaires et le public en apportant un appui en matiĂšre de promotion et de formation ainsi que sur le plan opĂ©rationnel. Dans ce cadre, elle organise des stages de formation pour les policiers du monde entier et coordonne partout dans le monde des actions contre le crime transnational de propriĂ©tĂ© intellectuelle. A titre dâexemple, Aline Plançon a prĂ©sentĂ© lâopĂ©ration Jupiter dans la zone trifrontiĂšre entre le Paraguay, le BrĂ©sil et le PĂ©rou Ă lâoccasion de laquelle des produits dâune valeur de plusieurs millions de dollars ont Ă©tĂ© saisis ainsi quâune action en Asie du sud-Est Ă lâoccasion de laquelle une chaĂźne distribution de contrefaçons anti-malaria situĂ©e en Birmanie a Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©e. Elle a par ailleurs observĂ© que, dans certains pays, INTERPOL est confrontĂ© Ă des problĂšmes de corruption et au manque dâorganisation des autoritĂ©s locales.
Dans sa prĂ©sentation sur «les activitĂ©s de lâOrganisation mondiale de la propriĂ©tĂ© intellectuelle (OMPI) dans la lutte contre contrefaçon et la piraterie», Heike Wollgast, conseillĂšre juridique, Division de lâapplication des droits Ă lâOMPI, a expliquĂ© que, dans le contexte de la lutte contre la contrefaçon et la piraterie, cette organisation joue un rĂŽle important en tant que forum de nĂ©gociations et de discussions politiques.
La lutte contre la contrefaçon et la piraterie fait aujourdâhui lâobjet dâintenses dĂ©bats politiques qui touchent des intĂ©rĂȘts trĂšs divergents en fonction des pays et des titulaires (p. ex. industrie pharmaceutique, musicale) et occupe diffĂ©rentes instances au sein de lâOMPI. CrĂ©e en 2002, le ComitĂ© consultatif sur lâapplication des droits (ACE) permet aux Etats membres dâĂ©changer leurs points de vue et expĂ©riences au sujet de la problĂ©matique, fournit aux Etats membres, sur demande, une assistance technique et juridique en faveur de la crĂ©ation et du dĂ©veloppement de mĂ©canismes efficaces en matiĂšre de lutte contre la contrefaçon et la piraterie et coordonne les activitĂ©s de lâOMPI qui ont trait Ă lâapplication des droits.
OrganisĂ© conjointement par lâOrganisation mondiale des douanes (OMD), Interpol et lâOMPI, le CongrĂšs mondial sur la lutte contre la contrefaçon et le piratage rĂ©unit un partenariat public-privĂ© avec des reprĂ©sentants de gouvernements, dâentreprises et dâorganismes chargĂ©s de lâapplication des droits. Le premier CongrĂšs tenu Ă Bruxelles en 2004 avait pour objectif de faire figurer la lutte contre la contrefaçon et la piraterie parmi les principales prĂ©occupations du monde politique et des affaires et de faire des propositions pour une lutte efficace, telles que lĂ©gislation, coopĂ©ration, Ă©change dâinformations et sensibilisation. Le dernier congrĂšs mondial tenu Ă DubaĂŻ en fĂ©vrier 2008 sâest concentrĂ© principalement sur les risques quâentraĂźnent les contrefaçons pour la santĂ© et la sĂ©curitĂ© des consommateurs.
LâOMPI coopĂšre avec lâOrganisation mondiale de la santĂ© (OMS) dans le cadre du programme IM-PACT (International Medical Products Anti-Counterfeiting Taskforce). Ce dernier fait intervenir des reprĂ©sentants dâorganismes nationaux, dâorganisations intergouvernementales et non gouvernementales et dâassociations professionnelles et a pour but dâexplorer de nouveaux mĂ©canismes permettant de renforcer lâaction internationale contre les mĂ©dicaments contrefaits. En dĂ©cembre 2007 ont Ă©tĂ© adoptĂ©s des «Principes» de lĂ©gislation pouvant servir de modĂšle pour les pays intĂ©ressĂ©s, prĂ©voyant une sĂ©rie de dĂ©finitions et dâobligations des gouvernements. La prochaine Ă©tape attendue pour 2008 sera lâadoption de ces principes par les Etats membres de lâOMS.
Enfin, Heike Wollgast a indiquĂ© que, en 2007, plusieurs Etats, dont le Canada, lâUnion europĂ©enne, le Japon, la CorĂ©e, le Mexique, la Nouvelle ZĂ©lande, la Suisse et les Etats-Unis se sont regroupĂ©s pour nĂ©gocier lâadoption dâun traitĂ© multilatĂ©ral de lutte contre la contre façon (TraitĂ© ACTA: Anti-Counterfeiting Trade Agreement), basĂ© sur les meilleures pratiques de certaines lĂ©gislations nationales. Le chemin menant Ă lâadoption de ce traitĂ© par la communautĂ© internationale est cependant encore long.
Dans sa prĂ©sentation sur «les moyens de faire respecter les droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle selon lâAccord ADPIC», Wolf Meier-Ewert, conseiller juridique, Division de la propriĂ©tĂ© intellectuelle Ă lâOMC, sâest dâabord attachĂ© Ă prĂ©senter la partie III de lâAccord sur les aspects des droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle qui touchent au commerce (Accord ADPIC), avant de traiter des mĂ©canismes de mise en Ćuvre de ces droits.
La partie III de lâAccord ADPIC contient des dispositions relatives aux procĂ©dures et mesures correctives civiles et administratives (rĂšgles concernant lâobtention de preuves, injonctions, dommages-intĂ©rĂȘts et autres sanctions) et des mesures provisoires qui couvrent tous les types dâatteintes aux droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle. Elle prĂ©voit Ă©galement des mesures Ă la frontiĂšre et des procĂ©dures pĂ©nales qui sâappliquent spĂ©cifiquement aux actes de contrefaçon et de piraterie. Les mesures Ă la frontiĂšre permettent Ă un titulaire de demander aux douanes de suspendre la mise en libre circulation des marchandises prĂ©tendues contrefaisantes. Elles ne concernent que lâimportation de produits contrefaits, mĂȘme si les Etats membres peuvent, sâils le souhaitent, les Ă©tendre Ă©galement Ă lâexportation de produits, ce qui rĂ©duirait certainement de 80% la contrefaçon et la piraterie (celles-ci transitant dans 4â5 ports avant dâĂȘtre mises sur le marchĂ©). LâAccord ADPIC oblige en outre les Etats membres Ă considĂ©rer les actes dĂ©libĂ©rĂ©s de contrefaçon ou de piratage commis Ă une Ă©chelle commerciale comme des infractions pĂ©nales. Wolf Meier-Ewert a observĂ© que la directive 2004/48/CE de lâUnion europĂ©enne en porte lâĂ©cho avec la notion dâ«échelle commerciale» qui permet de caractĂ©riser certaines atteintes.
La mise en Ćuvre de lâAccord ADPIC est renforcĂ©e grĂące au mĂ©canisme de lâart. 63 de lâAccord ADPIC qui oblige les Etats membres Ă communiquer au Conseil des ADPIC leurs lois et rĂšglementations se rapportant Ă lâAccord ADPIC et qui leur permet de poser des questions sur la lĂ©gislation dâun pays visĂ©. La mise en Ćuvre de lâAccord ADPIC est Ă©galement assurĂ©e grĂące au mĂ©canisme de rĂšglement des diffĂ©rends qui permet Ă un Etat membre de rĂ©gler un litige avec un autre Etat membre. Ainsi, le 10 avril 2007, les Ătats-Unis ont demandĂ© lâouverture de consultations avec la Chine au sujet de certaines mesures relatives Ă la protection et au respect des droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle en Chine. Le cas nâa toujours pas Ă©tĂ© rĂ©solu et est censĂ© lâĂȘtre le courant de lâannĂ©e 2008.
Dans sa prĂ©sentation sur «les moyens de lutte contre la contrefaçon et la piraterie dans lâUnion europĂ©enne», Alain Strowel, professeur aux FacultĂ©s Universitaires de Saint-Louis (Bruxelles) et Ă lâUniversitĂ© de LiĂšge, avocat Ă Bruxelles, a ensuite prĂ©sentĂ© les diffĂ©rents instruments communautaires relatifs Ă la contrefaçon et la piraterie, soit la Directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle, le RĂšglement des douanes et la Proposition de directive relative aux mesures pĂ©nales visant Ă assurer le respect des droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle.
A titre prĂ©liminaire, Alain Strowel a relevĂ© un changement de prioritĂ© au niveau international et europĂ©en. La communautĂ© internationale et europĂ©enne se prĂ©occupe dĂ©sormais beaucoup de la question du respect des droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle, alors quâhistoriquement elle se concentrait essentiellement sur des questions de droit matĂ©riel.
La Directive 2004/48/CE a Ă©tĂ© adoptĂ©e afin de combattre la contrefaçon et la piraterie et dâharmoniser les procĂ©dures et sanctions civiles nationales en cas dâatteintes aux droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle. Alors quâelle ne couvrait initialement que les actes de contrefaçon et de piraterie, elle sâĂ©tend finalement Ă toutes les atteintes aux droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle, autrement dit tant aux violations graves, quâaux violations courantes dans la vie des affaires. On peut dĂšs lors se demander si lâobjectif fixĂ© est finalement atteint. Lâapproche gĂ©nĂ©rale de la directive est de prĂ©voir un instrument «ADPICplus», basĂ© sur les meilleurs pratiques des Etats de lâUnion (p. ex. saisiecontrefaçon). On peut se demander si lâavantage de la directive par rapport Ă lâAccord ADPIC ne consiste pas simplement dans la possibilitĂ© de poser des questions prĂ©judicielles Ă la CJCE, lesquelles permettront une interprĂ©tation uniforme et donc une certaine harmonisation. Certaines mesures ne couvrent que les atteintes commises Ă lâĂ©chelle commerciale (art. 6.2, 8.1, 9.2). Cette notion est large mais exclut en tous les cas les utilisateurs privĂ©s de bonne foi.
Le RĂšglement (CE) n° 1383/2003, visant Ă interdire lâimportation, lâexportation et la rĂ©exportation de contrefaçons, permet aux autoritĂ©s douaniĂšres de saisir, de dĂ©truire ou de retirer du marchĂ© des produits prĂ©sumĂ©s contrefaits et sâapplique Ă toutes les marchandises de contrefaçon, aux marchandises pirates et Ă celles qui portent atteinte aux droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle (art. 2). La saisie douaniĂšre se fait soit sur lâinitiative des douanes elles-mĂȘmes (ex officio), soit sur requĂȘte du titulaire de droit ou toute personne intĂ©ressĂ©e.
La Proposition de directive relative aux mesures pĂ©nales visant Ă assurer le respect des droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle fixe un niveau minimum de sanctions pĂ©nales encourues par les auteurs dâinfractions de contrefaçon et de piraterie. Elle couvre les atteintes les plus graves, soit les atteintes intentionnelles Ă un droit de propriĂ©tĂ© intellectuelle dĂšs lors que celles-ci sont commises Ă une Ă©chelle commerciale, y compris la tentative, la complicitĂ© et lâincitation. Alain Strowel a observĂ© que lâaboutissement de ce projet est incertain, la question de la compĂ©tence de lâUnion europĂ©enne de lĂ©gifĂ©rer en matiĂšre pĂ©nale Ă©tant encore controversĂ©e.
Daniel Kraus, chef de la formation et de la coopĂ©ration technique, Institut FĂ©dĂ©ral de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle, prĂ©sident du groupe de travail formation de STOP A LA PIRATERIE, a entamĂ© le deuxiĂšme volet de la journĂ©e avec une prĂ©sentation sur les «Droit et politique suisses en matiĂšre de lutte contre la contrefaçon et la piraterie». Il a tout dâabord prĂ©sentĂ© les tĂąches de lâInstitut FĂ©dĂ©ral de la PropriĂ©tĂ© Intellectuelle (IPI) et rappelĂ© que la contrefaçon et la piraterie sont en augmentation constante, ont des rĂ©percussions importantes sur le plan Ă©conomique et social, concernent tous les secteurs et reprĂ©sentent une menace sur la santĂ© et la sĂ©curitĂ© des consommateurs.
Daniel Kraus sâest ensuite concentrĂ© sur les moyens de combattre ce phĂ©nomĂšne. Un cadre institutionnel adĂ©quat est nĂ©cessaire. LâIPI, point de contact national dans la lutte contre la contrefaçon et la piraterie, a la responsabilitĂ© dâĂ©laborer de nouvelles lois et de coordonner des mesures politiques dans ce domaine. A lâĂ©chelle internationale, il reprĂ©sente les intĂ©rĂȘts suisses concernant la mise en Ćuvre des droits, coordonne et Ă©change des informations avec dâautres pays. Ce cadre est Ă©galement assurĂ© par les autres instances actives dans la lutte contre la contrefaçon et la piraterie, telles que les douanes, Swissmedic et les tribunaux.
Il faut Ă©galement un cadre lĂ©gal adĂ©quat. En Suisse, les violations de droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle peuvent faire lâobjet de sanctions pĂ©nales lorsquâelles sont commises par mĂ©tier. Lorsquâune demande dâintervention est dĂ©posĂ©e, la douane peut procĂ©der Ă des rĂ©tentions de produits prĂ©sumĂ©s contrefaits, y compris de produits commandĂ©s sur internet par des particuliers. A lâavenir, les mesures pĂ©nales seront plus sĂ©vĂšres, les mesures Ă la frontiĂšre concerneront non seulement lâimportation et lâexportation mais Ă©galement le transit, la saisie concernera Ă©galement les importations pour usage privĂ©, les procĂ©dures de destruction seront simplifiĂ©es et le titulaire aura le droit de demander lâenvoi dâĂ©chantillons pour analyse.
Il faut enfin une coopĂ©ration efficace entre les secteurs public et privĂ©. LâIPI a créé en juillet 2005, en collaboration avec lâOrgane suisse de la Chambre de commerce internationale (ICC Switzerland), la «Plateforme suisse de lutte contre la contrefaçon et la piraterie», un partenariat public-privĂ© constituĂ© dâinstitutions publiques (autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales et cantonales) et de groupes privĂ©s. Elle a pour mission de lutter activement contre la contrefaçon et le piratage en sensibilisant le public et en renforçant la coordination et la coopĂ©ration entre les secteurs public et privĂ© ainsi quâau sein de ces secteurs. FormĂ©e de plusieurs groupes de travail (groupe de projets ambassades, formations, opĂ©rations publiques, extranet), elle rĂ©alise des campagnes de sensibilisation (p. ex. site internet, campagnes dans les gares, aĂ©roports, t-shirt) et de formation Ă diffĂ©rentes institutions (administration, autoritĂ©s judiciaires).
Dans sa prĂ©sentation sur «le rĂŽle des douanes dans la lutte contre la contrefaçon et la piraterie», Jean-Claude Fleury, expert Ă la Direction gĂ©nĂ©rale des douanes, Administration fĂ©dĂ©rale des douanes (AFD), a tout dâabord soulignĂ© que les marchandises portant sur des droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle ne concernent quâune partie des activitĂ©s de lâAFD, celle-ci contrĂŽlant un volume important de marchandises.
Jean-Claude Fleury a ensuite expliquĂ© le fonctionnement des demandes dâintervention (saisie de marchandises), notamment sous lâangle des nouveautĂ©s introduites par la rĂ©vision de la LBI. Il existe deux modes opĂ©ratoires pour saisir des marchandises Ă la douane. Lorsque le titulaire dĂ©pose une demande dâintervention, la douane retient obligatoirement la marchandise, et lorsque la douane soupçonne certains biens dâĂȘtre contrefaits, elle les saisit puis recherche le titulaire pour lâen avertir. Cela illustre le fait que la question de la mise en Ćuvre des droits de propriĂ©tĂ© intellectuelle dĂ©pend beaucoup de la volontĂ© des titulaires.
La demande dâintervention doit contenir plusieurs Ă©lĂ©ments, notamment prĂ©senter des indices sĂ©rieux permettant de soupçonner le commerce de produits contrefaits, et ĂȘtre assortie du paiement dâune taxe. Lorsquâune demande est acceptĂ©e, elle est centralisĂ©e via un intranet, ce qui permet dâavertir tous les bureaux instantanĂ©ment. Avant de retenir la marchandise prĂ©sumĂ©e contrefaite (pendant 10 ou 20 jours), lâAFD contrĂŽle la validitĂ© des demandes dâintervention, notamment sâil existe des doutes sĂ©rieux quant au caractĂšre contrefaisant de la marchandise. Parfois, elle assortit la demande dâune garantie de sĂ»retĂ© afin de rĂ©parer le dommage subi par le propriĂ©taire de la marchandise en raison dâune saisie infondĂ©e. A titre dâexemple, Jean-Claude Fleury a prĂ©sentĂ© le cas dâune saisie de chaussures, sâavĂ©rant finalement infondĂ©e, qui a anĂ©anti les efforts de marketing du propriĂ©taire, la marchandise devant ĂȘtre Ă©coulĂ©e rapidement et ayant fait lâobjet dâune importante campagne publicitaire.
La modification de la LBI, adoptĂ©e le 22 juin 2007 par les Chambres fĂ©dĂ©rales et entrĂ©e en vigueur le 1er juillet de cette annĂ©e, introduit certaines nouveautĂ©s. A lâavenir, les produits brevetĂ©s pourront Ă©galement faire lâobjet de rĂ©tention douaniĂšre. Dans une demande dâintervention, le titulaire pourra faire une dĂ©claration de responsabilitĂ©, Ă la place du versement de sĂ»retĂ©s dont le montant peut ĂȘtre Ă©levĂ© et dissuasif. La rĂ©tention de produits contrefaits pourra sâĂ©tendre aux produits issus du trafic touristique (LPM, LDes). Par ailleurs, le titulaire pourra demander lâenvoi dâĂ©chantillons au lieu dâexaminer sur place les marchandises retenues.
Dans sa prĂ©sentation sur «Les nouvelles dispositions du droit suisse dans la lutte contre la contrefaçon et la piraterie dans lâoptique du praticien», Michel Muhlstein, avocat au barreau de GenĂšve, sâest attachĂ© Ă prĂ©senter les diffĂ©rents moyens de lutte contre la contrefaçon et la piraterie prĂ©vus par le droit suisse.
Il a tout dâabord observĂ© que, en droit suisse, une contrefaçon est dĂ©finie comme tout produit (tant lâimitation Nachahmung, que la copie servile Nachmachung) ou toute activitĂ© (importation, fabrication) rĂ©sultant de la violation dâun droit de propriĂ©tĂ© intellectuelle. La loi suisse introduira prochainement (FF 2006 1, en principe dĂšs le 1er juillet 2008) plusieurs nouveautĂ©s relatives aux moyens de lutte contre la contrefaçon, consistant principalement Ă empĂȘcher les contrefaçons de pĂ©nĂ©trer le territoire suisse, Ă permettre la saisie et la destruction des contrefaçons en Suisse, Ă punir lâauteur des actes illicites et Ă permettre lâindemnisation du lĂ©sĂ©. Les nouveautĂ©s permettront de lutter plus efficacement contre lâimportation capillaire de produit contrefaits. En effet, souvent, les contrefaçons parviennent en Suisse en petite quantitĂ© dans les bagages de voyageurs (importation capillaire) et non plus seulement par le biais de grandes livraisons.
Les nouveautĂ©s lĂ©gislatives concernent tout dâabord lâintervention des douanes. Le licenciĂ© exclusif pourra requĂ©rir lâintervention des douanes (art. 71.1 et 55.4 LPM). Les mesures douaniĂšres, telles que la rĂ©tention de marchandises, concerneront Ă©galement le transit (art. 13.2 let. d et 71.1 LPM), mĂȘme si jusquâĂ prĂ©sent la douane le faisait dĂ©jĂ officieusement. Le titulaire aura la possibilitĂ© dâobtenir Ă ses frais la remise dâĂ©chantillon, alors que jusquâĂ prĂ©sent il devait envoyer un expert sur place (art. 75a LBI). Michel Muhlstein regrette que lâAFD nâait pas dâobligation dâenvoyer des photographies numĂ©riques de la marchandise saisie car cela permettrait souvent au requĂ©rant de se dĂ©terminer sans devoir se dĂ©placer.
Les nouveautĂ©s concernent Ă©galement la destruction des marchandises. Selon la situation actuelle (trafic postal), la douane envoie une mise en demeure au destinataire pour obtenir son accord Ă la destruction mais, souvent, le destinataire nâest pas atteignable (absence, adresse inexistante) ou sâoppose Ă la destruction. A lâavenir, lorsque le destinataire ou possesseur ne sâoppose pas expressĂ©ment Ă la destruction, son approbation sera rĂ©putĂ©e acquise (art. 72d al. 2 LPM). LâAFD pourra Ă©galement prĂ©lever et conserver des Ă©chantillons en tant que moyens de preuve (art. 72e LPM). Les objets importĂ©s violant la LBI pourront Ă©galement faire lâobjet de rĂ©tention douaniĂšre (art. 86a ss LBI).
Michel Muhlstein a Ă©galement rendu le public attentif aux nouveautĂ©s relatives Ă lâusage privĂ©. Lâachat dâune contrefaçon pour usage privĂ© est actuellement licite (voir p.ex. ATF 114 IV 6, «Rolex», lâachat dâune fausse montre Rolex) sauf si le produit est ensuite «offert» Ă un tiers (voir ACJ «Birkin» in sic! 2000, 107). A lâavenir, le titulaire pourra interdire lâimportation, lâexportation ou le transit, de produits de fabrication industrielle, effectuĂ©s Ă des fins privĂ©es (art. 13 al. 2bis LPM). Les produits de «fabrication industrielle» sont dĂ©finis comme tous les produits fabriquĂ©s en grande quantitĂ© et Ă des fins industrielles (FF 2006 1, 124). A lâavenir, le dĂ©fendeur pourra ĂȘtre contraint dâindiquer la quantitĂ© des objets qui se trouve en sa possession et de dĂ©signer les destinataires et la quantitĂ© des objets qui ont Ă©tĂ© remis Ă des acheteurs commerciaux (art. 62, al. 1 let. c LDA, art. 55, al. 1 let. c LPM).
Le troisiĂšme et dernier volet de la journĂ©e a eu lieu sous forme de table ronde «sur la contrefaçon et la piraterie sur Internet», rĂ©unissant plusieurs acteurs des milieux concernĂ©s. La vente de produits contrefaits et piratĂ©s sur Internet est en augmentation constante et permet aux contrefacteurs dâopĂ©rer dans le monde entier, en profitant notamment de lâabsence de barriĂšre Ă lâentrĂ©e, dâune visibilitĂ© Ă faible coĂ»t, de lâanonymat et dâune localisation Ă©phĂ©mĂšre.
Matthias Stacchetti, avocat, chef de la Division pĂ©nale, Swissmedic, Institut suisse des produits thĂ©rapeutiques, a prĂ©sentĂ© les notions essentielles concernant les produits thĂ©rapeutiques et les tĂąches principales de Swissmedic, avant dâexpliquer que celle-ci interdit en principe la vente de mĂ©dicaments par internet, en raison du manque de contrĂŽle et du danger pour la santĂ© du consommateur. Les contrefaçons de mĂ©dicaments couvrent tant la fabrication, le commerce illĂ©gal de mĂ©dicaments que les violations des lois de propriĂ©tĂ© intellectuelle et les infractions au sens du droit pĂ©nal et peuvent faire lâobjet de procĂ©dures administratives (art. 66 ss LPTh, p. ex. mesures provisoires, blocage dâadresses internet) et de procĂ©dures pĂ©nales (art. 86 ss LPTh, p.ex. peines dâemprisonnement ou pĂ©cuniaires, confiscation).
Karin Schwab, Head of IP and Litigation, Europe, eBay Inc, a expliquĂ© que eBay doit surveiller un volume important de marchandises qui ne concernent pas uniquement les contrefaçons (p. ex. armes, produits dangereux). Selon la directive europĂ©enne sur le commerce Ă©lectronique, les hĂ©bergeurs nâont pas dâobligation lĂ©gale de faire un suivi de leur site. Cependant, eBay a intĂ©rĂȘt Ă lutter contre la contrefaçon et la piraterie car celles-ci ont des rĂ©percussions nĂ©gatives sur elle, telles que la perte de confiance des acheteurs et des vendeurs. Elle essaie dâempĂȘcher les contrefaçons dâĂȘtre offertes sur son site, grĂące Ă des filtres numĂ©riques (en recherchant les contrefaçons avec des mot-clĂ©s, tels que «copie»), aux photographies des produits et aux notifications qui permettent aux acheteurs de prĂ©venir eBay de la prĂ©sence de contrefaçons sur le site. Karin Schwab conclut quâil est essentiel que les titulaires travaillent ensemble pour lutter contre la contrefaçon.
Carole Aubert, responsable de la Cellule Internet, FĂ©dĂ©ration de lâindustrie horlogĂšre, a prĂ©sentĂ© ladite cellule. Celle-ci, créée en 2004 par la FĂ©dĂ©ration suisse de lâindustrie horlogĂšre et reprĂ©sentant 17 marques, a pour but de lutter contre la contrefaçon horlogĂšre sur internet. Elle surveille ainsi les forums, les blogs et les groupes de discussion et intervient auprĂšs des intermĂ©diaires techniques (hĂ©bergeurs, moteurs de recherche, annonceurs, organismes de cartes de crĂ©dit, transporteurs). Elle a actuellement le projet de crĂ©er une base de donnĂ©es qui vise Ă dĂ©tecter automatiquement la contrefaçon sur internet, en regroupant et recoupant toutes les informations pour extraire celles qui sont pertinentes. La vente sur Internet est un problĂšme complexe qui concerne plusieurs intermĂ©diaires (acheteur, vendeur, organisme de crĂ©dit). Selon Carole Aubert, pour lutter contre la contrefaçon et la piraterie, il convient de sensibiliser lâacheteur en ligne, de crĂ©er une responsabilitĂ© juridique des diffĂ©rents acteurs, de coordonner le public et le privĂ© et enfin de renforcer un front commun lĂ©gislatif et politique (europĂ©en, international).
La table ronde a Ă©tĂ© suivie dâun dĂ©bat, Ă lâoccasion duquel les intervenants ont observĂ© que la vente de contrefaçons sur Internet passe par trois Ă©tapes: celle de fabrication, de dĂ©matĂ©rialisation (mise en ligne) et enfin de matĂ©rialisation (envoi du colis postal). Afin de lutter efficacement contre ce phĂ©nomĂšne, il faudrait agir Ă la source, autrement dire faire cesser la fabrication et lâexportation de contrefaçons. Cela Ă©tant difficilement envisageable dans la mesure oĂč les Etats surveillent lâimportation, non lâexportation, il convient de mettre en Ćuvre tous les moyens pour empĂȘcher la contrefaçon dâentrer sur le marchĂ© et la dĂ©truire. En somme, il faudrait intervenir Ă tous les Ă©chelons. Cependant, il faut reconnaĂźtre que la contrefaçon profite chaque fois de nouveaux moyens et de nouvelles techniques et que son combat semble ĂȘtre infini.
Conclusion
Cette confĂ©rence a Ă©tĂ© lâoccasion de faire le point sur la question brĂ»lante de la lutte contre la contrefaçon et la piraterie. Le premier volet de cette confĂ©rence a montrĂ© que, au niveau international et europĂ©en, cette question fait lâobjet dâintenses dĂ©bats politiques et est Ă lâorigine de plusieurs textes lĂ©gislatifs (Accord ADPIC, Directive 2004/48/CE, RĂšglement 1382/2003) et de diffĂ©rentes initiatives (CongrĂšs mondial sur la lutte contre la contrefaçon et le piratage, IMPACT). Le deuxiĂšme volet a permis de prĂ©senter, au niveau national, les dĂ©veloppements rĂ©cents en faveur de la lutte contre la contrefaçon et la piraterie, tels que le renforcement du cadre lĂ©gislatif (modification des lois de propriĂ©tĂ© intellectuelle) et lâamĂ©lioration de la coopĂ©ration entre les secteurs public et privĂ© (partenariats public-privĂ© tels que Stop Ă la Piraterie). Cependant, il a Ă©galement mis en Ă©vidence le fait que la lutte contre la contrefaçon et la piraterie ne peut ĂȘtre efficace que si les titulaires des droits sont actifs (recherchent les produits contrefaits, font des demandes dâintervention auprĂšs des douanes, coopĂšrent avec les autoritĂ©s et les institutions).