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Forum – Zur Diskussion / A discuter

Ligue Internationale du droit de la concurrence, congrĂšs 2008 – PrĂ©sentation succincte du rapport suisse et du rapport international

Christophe Rapin/Christophe Pétermann

Inhaltsverzeichnis

I.Situation avant la transposition de l’UCPD

1. Etats membres de l’Union europĂ©enne

2. Suisse

3. Obligation négative

II.L’obligation d’information de la Directive UCPD et sa transposition

III.Les arguments pour et contre une obligation positive d’information

IV.Les propositions de la Ligue

V.Conclusion

Parmi les deux thĂšmes abordĂ©s lors de son congrĂšs de Hambourg, la Ligue Internationale du Droit de la Concurrence a choisi d’aborder une question situĂ©e au confluent de la concurrence dĂ©loyale et de la rĂ©gulation du marchĂ©, Ă  savoir l’obligation positive de fourniture d’informations par les annonceurs. Le rapport international fut l’Ɠuvre de Antonina Bakardjieva Engelbrekt, professeur Ă  l’UniversitĂ© de Stockholm alors que le rapport suisse a Ă©tĂ© conjointement rĂ©digĂ© par les soussignĂ©s. A l’exception de la Suisse, tous les pays ayant soumis un rapport national sur la question posĂ©e sont membres de l’Union EuropĂ©enne. Cette circonstance a permis de mettre en lumiĂšre le contraste entre la situation juridique prĂ©valant dans l’Union EuropĂ©enne depuis l’adoption de la Directive 2005/29/EC du Parlement et du Conseil concernant les pratiques commerciales dĂ©loyales entre entreprises et consommateurs sur le marchĂ© interne («Unfair Commercial Practices Directive», ci-aprĂšs «UCPD») et la situation helvĂ©tique oĂč le texte lĂ©gislatif le plus pertinent s’agissant d’une obligation positive de fourniture d’informations, Ă  savoir la Loi fĂ©dĂ©rale sur l’information des consommatrices et des consommateurs (ci-aprĂšs «LIC») est pour ainsi dire restĂ©e lettre morte. Cela Ă©tant, la mise en Ɠuvre de l’UCPD par les Etats membres prĂ©sente des diffĂ©rences importantes, et conduit parfois Ă  un remaniement en profondeur de la logique qui prĂ©valait en matiĂšre d’obligation d’informations dans la publicitĂ©.

A titre liminaire, le rapporteur international commence par rappeler la diffĂ©rence entre obligation positive et nĂ©gative de fourniture d’informations aux consommateurs, tout en reconnaissant le caractĂšre quelque peu artificiel de la distinction. L’obligation positive exige d’une maniĂšre affirmative la communication d’informations importantes aux consommateurs, tandis que l’obligation nĂ©gative implique gĂ©nĂ©ralement qu’en cas de manquement Ă  fournir des informations importantes, la publicitĂ© pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme trompeuse ou dĂ©loyale. En ce sens, et malgrĂ© l’approche exhaustive de la tromperie par omission de l’UCPD, celle-ci n’impose pas encore une obligation d’information positive.

Dans une premiĂšre partie de sa dĂ©marche, le rapporteur international passe en revue la situation des pays ayant soumis des rapports nationaux, avant la transposition de l’UCPD.

Une obligation positive gĂ©nĂ©rale imposant aux annonceurs de fournir des informations pertinentes aux consommateurs ne se rencontre guĂšre que dans les pays scandinaves. C’est ainsi que la SuĂšde prĂ©voit, par une loi de 1975, une obligation pour les entreprises, dans leur marketing, de fournir des informations revĂȘtant une importance particuliĂšre pour les consommateurs. Cette obligation s’étend Ă  la totalitĂ© du marketing et ne prĂ©voit aucune limitation concernant les produits, circonstances, ou mĂ©dias spĂ©cifiques, mĂȘme si en pratique certaines limitations sont reconnues.

Une obligation positive gĂ©nĂ©rale et horizontale existe Ă©galement en NorvĂšge, tandis que l’obligation positive est limitĂ©e aux offres de vente au Danemark, ou Ă  certains aspects des produits liĂ©s Ă  la santĂ© et Ă  la sĂ©curitĂ© en Finlande. On retrouvait Ă©galement des obligations d’information positives gĂ©nĂ©rales et relativement Ă©tendues dans les lois de certains nouveaux Etats membres de l’Union europĂ©enne tels la Hongrie ou la RĂ©publique tchĂšque, mĂȘme si ces obligations sont restĂ©es lettre morte dans ce dernier Etat.

Les droits français et italien contiennent certes une obligation positive, mais limitĂ©e Ă  l’invitation d’achat (offres de vente) et liĂ©e par consĂ©quent au droit contractuel. En outre, ce type d’obligations est imposĂ© aux vendeurs et prestataires de services, et non aux annonceurs et agences publicitaires en gĂ©nĂ©ral. Le droit belge Ă©galement, Ă  la fois par la voie jurisprudentielle et par la loi sur les pratiques commerciales, impose aux professionnels de fournir aux consommateurs des informations dans n’importe quelle publicitĂ© constituant une offre.

En Espagne, la loi sur la protection des consommateurs impose aux nĂ©gociants des obligations exhaustives concernant les informations figurant sur les Ă©tiquettes et l’habillage commercial des produits.

En Suisse, la LIC prĂ©voit que dans la mesure oĂč l’intĂ©rĂȘt des consommateurs le justifie, les caractĂ©ristiques essentielles des biens mis en vente ou dont l’usage est proposĂ© Ă  des tiers, ainsi que les Ă©lĂ©ments essentiels des services dĂ©signĂ©s par le Conseil fĂ©dĂ©ral doivent ĂȘtre indiquĂ©s sous une forme permettant les comparaisons (art. 2 al. 1).

Cette loi, entrĂ©e en vigueur en 1992, n’a pas Ă©tĂ© mise en Ɠuvre comme prĂ©vu: les associations de consommateurs et les organisations Ă©conomiques ne se sont guĂšres entendues sur la liste des biens pour lesquels des indications devaient ĂȘtre fournies et le Conseil fĂ©dĂ©ral n’a fait aucun usage de sa compĂ©tence rĂ©siduelle en la matiĂšre (cf. art. 3 et 4 LIC).

Seuls deux accords portant sur la dĂ©claration des biens et des services ont Ă©tĂ© conclus entre les milieux Ă©conomiques concernĂ©s et les organisations de protection des consommateurs, Ă  savoir un accord ayant pour but d’informer les consommateurs sur la mĂ©thode de production des lĂ©gumes frais et des baies fraĂźches et un autre entre les importateurs automobiles et le Touring Club suisse sur l’utilisation des carburants.

En outre, un projet de révision partielle de la LIC a été abandonné par le Conseil fédéral en date du 21 décembre 2005.

On le voit, l’obligation positive de fourniture d’informations n’est reconnue que de maniĂšre limitĂ©e dans les lĂ©gislations nationales. A l’inverse, la plupart des pays ayant soumis un rapport national connaissent une obligation d’information indirecte nĂ©gative, selon laquelle l’omission de certains types d’informations peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une pratique trompeuse et dĂ©loyale. Cette obligation prend principalement deux formes: (i) d’abord, l’interdiction explicite de la tromperie par omission (ainsi en Allemagne, en Belgique ou en Hongrie), (ii) ensuite l’interdiction implicite de la tromperie par omission, crĂ©ation de la jurisprudence ou de la doctrine (Autriche, Suisse, France et Royaume-Uni).

La Directive UCPD instaure une interdiction gĂ©nĂ©rale des omissions (trompeuses) d’informations importantes pour les consommateurs (art. 7 (1) UCPD) et contient une liste positive Ă©numĂ©rant les informations importantes uniquement dans le cas des invitations Ă  l’achat (art. 7 (4) UCPD).

L’interdiction des omissions trompeuses s’applique uniquement aux pratiques commerciales employĂ©es par les entreprises vis-Ă -vis des consommateurs, et seules les omissions prĂ©judiciables aux intĂ©rĂȘts Ă©conomiques des consommateurs tombent sous le coup de l’art. 7 UCPD. La notion de «pratique commerciale» est en revanche relativement large, puisqu’elle couvre «toute action, omission, conduite, dĂ©marche ou communication commerciale, y compris la publicitĂ© et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs» (art. 2 (d) UCPD).

L’art. 7 (1) UCPD prĂ©voit ainsi qu’ «une pratique commerciale est rĂ©putĂ©e trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractĂ©ristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisĂ©, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une dĂ©cision commerciale en connaissance de cause et, par consĂ©quent, l’amĂšne ou est susceptible de l’amener Ă  prendre une dĂ©cision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.»

La dĂ©finition des informations importantes est laissĂ©e aux autoritĂ©s des Etats membres, mais il paraĂźt Ă©vident que les informations exigĂ©es par le droit communautaire lui-mĂȘme dans les directives du droit de la consommation figureront au nombre des informations importantes au sens de la Directive UCPD.

La Directive impose ensuite une obligation d’information plus spĂ©cifique dans le cas des communications commerciales constituant une «invitation Ă  l’achat», dĂ©finie comme une communication commerciale indiquant les caractĂ©ristiques du produit et son prix de façon appropriĂ©e en fonction du moyen utilisĂ© pour cette communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat (art. 2 (i) UCPD).

Dans ce cas, les informations suivantes seront considĂ©rĂ©es comme importantes si elles n’apparaissent pas dĂ©jĂ  dans le contexte: les caractĂ©ristiques principales du produit, l’adresse gĂ©ographique et l’identitĂ© du professionnel, le prix toutes taxes comprises, les modalitĂ©s de paiement, de livraison, d’exĂ©cution ou encore l’existence d’un droit de rĂ©tractation ou d’annulation.

Le rapporteur international souligne que dans les pays dotĂ©s d’une obligation d’information positive gĂ©nĂ©rale, la transposition de la Directive a abouti Ă  la suppression de cette obligation. Tel est le cas en SuĂšde ou en Hongrie, par exemple.

On peut relever Ă©galement que, alors que la Directive limite le champ de sa protection aux seuls consommateurs, certains pays (SuĂšde, Autriche) l’ont Ă©tendu aux pratiques commerciales entre entreprises.

Les dĂ©bats ont mis en Ă©vidence des arguments favorables et dĂ©favorables aux obligations positives d’information. S’agissant des arguments favorables, il y a d’abord l’exigence de transparence des marchĂ©s, notamment dans des situations caractĂ©risĂ©es par une incertitude sur les prix et la qualitĂ© des produits, ainsi que par une asymĂ©trie d’information entre les consommateurs et les professionnels. Le rapporteur cite ensuite la protection des intĂ©rĂȘts non Ă©conomiques des consommateurs (santĂ©, sĂ©curitĂ©, protection de l’environnement) qui rejoint ainsi l’intĂ©rĂȘt public gĂ©nĂ©ral. Enfin, dans une perspective certes paternaliste, les obligations d’information ont parfois pour objectif de protĂ©ger les consommateurs contre eux-mĂȘmes; c’est le cas par exemple, pour des produits comme le tabac ou l’alcool dont la publicitĂ© est strictement encadrĂ©e.

Parmi les arguments dĂ©favorables, le coĂ»t des obligations d’information pour l’industrie se prĂ©sente immĂ©diatement Ă  l’esprit, mais parfois c’est la dĂ©fense des consommateurs eux-mĂȘmes qui motive l’opposition aux obligations de fourniture d’informations. Une quantitĂ© excessive d’informations peut ainsi aboutir au rĂ©sultat contraire Ă  celui qui Ă©tait recherchĂ©, en rĂ©duisant la transparence au lieu de l’amĂ©liorer et en compliquant la tĂąche des consommateurs. Il faut Ă©galement relever qu’une transparence accrue sur les prix par exemple peut favoriser les comportements cartellaires.

Sur la base du rapport international, la Ligue a formulé un certain nombre de propositions, dont les principales sont reprises ci-aprÚs:

  • – La Ligue soutient, sur le principe, les mesures de nature Ă  promouvoir une communication commerciale transparente, tout en soulignant la nĂ©cessitĂ© de faire coĂŻncider de telles mesures avec les principes de libertĂ© de la communication et de concurrence non faussĂ©e.

    Le choix de la forme, du contenu et du support de la communication commerciale devrait, pour l’essentiel, appartenir aux annonceurs.

  • – Des obligations d’information positives devraient ĂȘtre imposĂ©es aux annonceurs uniquement dans des cas soigneusement sĂ©lectionnĂ©s, en prĂ©sence d’asymĂ©tries d’information caractĂ©risĂ©es, et lorsque l’information additionnelle peut ĂȘtre efficacement comprise et utilisĂ©e par les consommateurs.
  • – Afin de dĂ©terminer quelles informations doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme «substantielles» au sens de la Directive, les enseignements de la thĂ©orie Ă©conomique, relatifs par exemple Ă  l’importance du type de produit, de sa valeur ou de la frĂ©quence de son achat, Ă  sa notoriĂ©tĂ© et Ă  la situation concurrentielle sur le marchĂ© pertinent, pourraient ĂȘtre pris en considĂ©ration.

    Il ne paraĂźt ni nĂ©cessaire, ni rĂ©aliste que le niveau des obligations d’information soit le mĂȘme quel que soit le produit et quelles que soient les circonstances.

  • – La Ligue considĂšre que le concept d’«invitation Ă  l’achat» ne devrait pas s’appliquer Ă  n’importe quelle communication commerciale contenant le prix et les caractĂ©ristiques du produit, mais seulement Ă  celles qui permettent en outre au consommateur de procĂ©der Ă  un achat immĂ©diat.
  • – La Ligue considĂšre que les obligations d’information devraient ĂȘtre limitĂ©es aux relations entreprises/consommateurs.

Sur le thĂšme de l’obligation positive de fourniture d’informations, la contribution de la Suisse reste modeste, dans la mesure oĂč le droit suisse contient essentiellement des obligations positives spĂ©cifiques qui sont dispersĂ©es dans un grand nombre de lois et d’ordonnances.

La principale discussion rĂ©cente sur le sujet de l’obligation positive de dĂ©livrance d’informations aux consommateurs a eu lieu au moment de la rĂ©vision avortĂ©e de la LIC en 2004–2005.

Le projet de rĂ©vision de la LIC devait Ă©dicter des prescriptions minimales en matiĂšre de dĂ©claration, s’appliquant en principe Ă  toute offre de biens et de services. Les dispositions des lois sectorielles sur certains biens ou services demeuraient cependant rĂ©servĂ©es.

Le projet contenait le principe général selon lequel quiconque offre à titre professionnel des biens ou des services à ses clients (privés) doit dans tous les cas donner des informations objectives, conformes à la vérité et aisément compréhensibles sur son offre.

Il faut relever que le concept utilisĂ© dans la LIC est celui de «dĂ©claration», qui va au-delĂ  de la publicitĂ© et comprend Ă©galement l’information figurant sur le produit lui-mĂȘme, sur l’emballage ou sur les documents d’accompagnement (prospectus, mode d’emploi).

Il reste Ă  voir si l’évolution europĂ©enne rĂ©cente issue de la Directive UCPD va rĂ©activer ce projet.