
Ligue Internationale du droit de la concurrence, congrĂšs 2008 â PrĂ©sentation succincte du rapport suisse et du rapport international
Inhaltsverzeichnis
I.Situation avant la transposition de lâUCPD
1. Etats membres de lâUnion europĂ©enne
2. Suisse
3. Obligation négative
II.Lâobligation dâinformation de la Directive UCPD et sa transposition
III.Les arguments pour et contre une obligation positive dâinformation
IV.Les propositions de la Ligue
V.Conclusion
Parmi les deux thĂšmes abordĂ©s lors de son congrĂšs de Hambourg, la Ligue Internationale du Droit de la Concurrence a choisi dâaborder une question situĂ©e au confluent de la concurrence dĂ©loyale et de la rĂ©gulation du marchĂ©, Ă savoir lâobligation positive de fourniture dâinformations par les annonceurs. Le rapport international fut lâĆuvre de Antonina Bakardjieva Engelbrekt, professeur Ă lâUniversitĂ© de Stockholm alors que le rapport suisse a Ă©tĂ© conjointement rĂ©digĂ© par les soussignĂ©s. A lâexception de la Suisse, tous les pays ayant soumis un rapport national sur la question posĂ©e sont membres de lâUnion EuropĂ©enne. Cette circonstance a permis de mettre en lumiĂšre le contraste entre la situation juridique prĂ©valant dans lâUnion EuropĂ©enne depuis lâadoption de la Directive 2005/29/EC du Parlement et du Conseil concernant les pratiques commerciales dĂ©loyales entre entreprises et consommateurs sur le marchĂ© interne («Unfair Commercial Practices Directive», ci-aprĂšs «UCPD») et la situation helvĂ©tique oĂč le texte lĂ©gislatif le plus pertinent sâagissant dâune obligation positive de fourniture dâinformations, Ă savoir la Loi fĂ©dĂ©rale sur lâinformation des consommatrices et des consommateurs (ci-aprĂšs «LIC») est pour ainsi dire restĂ©e lettre morte. Cela Ă©tant, la mise en Ćuvre de lâUCPD par les Etats membres prĂ©sente des diffĂ©rences importantes, et conduit parfois Ă un remaniement en profondeur de la logique qui prĂ©valait en matiĂšre dâobligation dâinformations dans la publicitĂ©.
A titre liminaire, le rapporteur international commence par rappeler la diffĂ©rence entre obligation positive et nĂ©gative de fourniture dâinformations aux consommateurs, tout en reconnaissant le caractĂšre quelque peu artificiel de la distinction. Lâobligation positive exige dâune maniĂšre affirmative la communication dâinformations importantes aux consommateurs, tandis que lâobligation nĂ©gative implique gĂ©nĂ©ralement quâen cas de manquement Ă fournir des informations importantes, la publicitĂ© pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme trompeuse ou dĂ©loyale. En ce sens, et malgrĂ© lâapproche exhaustive de la tromperie par omission de lâUCPD, celle-ci nâimpose pas encore une obligation dâinformation positive.
Dans une premiĂšre partie de sa dĂ©marche, le rapporteur international passe en revue la situation des pays ayant soumis des rapports nationaux, avant la transposition de lâUCPD.
Une obligation positive gĂ©nĂ©rale imposant aux annonceurs de fournir des informations pertinentes aux consommateurs ne se rencontre guĂšre que dans les pays scandinaves. Câest ainsi que la SuĂšde prĂ©voit, par une loi de 1975, une obligation pour les entreprises, dans leur marketing, de fournir des informations revĂȘtant une importance particuliĂšre pour les consommateurs. Cette obligation sâĂ©tend Ă la totalitĂ© du marketing et ne prĂ©voit aucune limitation concernant les produits, circonstances, ou mĂ©dias spĂ©cifiques, mĂȘme si en pratique certaines limitations sont reconnues.
Une obligation positive gĂ©nĂ©rale et horizontale existe Ă©galement en NorvĂšge, tandis que lâobligation positive est limitĂ©e aux offres de vente au Danemark, ou Ă certains aspects des produits liĂ©s Ă la santĂ© et Ă la sĂ©curitĂ© en Finlande. On retrouvait Ă©galement des obligations dâinformation positives gĂ©nĂ©rales et relativement Ă©tendues dans les lois de certains nouveaux Etats membres de lâUnion europĂ©enne tels la Hongrie ou la RĂ©publique tchĂšque, mĂȘme si ces obligations sont restĂ©es lettre morte dans ce dernier Etat.
Les droits français et italien contiennent certes une obligation positive, mais limitĂ©e Ă lâinvitation dâachat (offres de vente) et liĂ©e par consĂ©quent au droit contractuel. En outre, ce type dâobligations est imposĂ© aux vendeurs et prestataires de services, et non aux annonceurs et agences publicitaires en gĂ©nĂ©ral. Le droit belge Ă©galement, Ă la fois par la voie jurisprudentielle et par la loi sur les pratiques commerciales, impose aux professionnels de fournir aux consommateurs des informations dans nâimporte quelle publicitĂ© constituant une offre.
En Espagne, la loi sur la protection des consommateurs impose aux nĂ©gociants des obligations exhaustives concernant les informations figurant sur les Ă©tiquettes et lâhabillage commercial des produits.
En Suisse, la LIC prĂ©voit que dans la mesure oĂč lâintĂ©rĂȘt des consommateurs le justifie, les caractĂ©ristiques essentielles des biens mis en vente ou dont lâusage est proposĂ© Ă des tiers, ainsi que les Ă©lĂ©ments essentiels des services dĂ©signĂ©s par le Conseil fĂ©dĂ©ral doivent ĂȘtre indiquĂ©s sous une forme permettant les comparaisons (art. 2 al. 1).
Cette loi, entrĂ©e en vigueur en 1992, nâa pas Ă©tĂ© mise en Ćuvre comme prĂ©vu: les associations de consommateurs et les organisations Ă©conomiques ne se sont guĂšres entendues sur la liste des biens pour lesquels des indications devaient ĂȘtre fournies et le Conseil fĂ©dĂ©ral nâa fait aucun usage de sa compĂ©tence rĂ©siduelle en la matiĂšre (cf. art. 3 et 4 LIC).
Seuls deux accords portant sur la dĂ©claration des biens et des services ont Ă©tĂ© conclus entre les milieux Ă©conomiques concernĂ©s et les organisations de protection des consommateurs, Ă savoir un accord ayant pour but dâinformer les consommateurs sur la mĂ©thode de production des lĂ©gumes frais et des baies fraĂźches et un autre entre les importateurs automobiles et le Touring Club suisse sur lâutilisation des carburants.
En outre, un projet de révision partielle de la LIC a été abandonné par le Conseil fédéral en date du 21 décembre 2005.
On le voit, lâobligation positive de fourniture dâinformations nâest reconnue que de maniĂšre limitĂ©e dans les lĂ©gislations nationales. A lâinverse, la plupart des pays ayant soumis un rapport national connaissent une obligation dâinformation indirecte nĂ©gative, selon laquelle lâomission de certains types dâinformations peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une pratique trompeuse et dĂ©loyale. Cette obligation prend principalement deux formes: (i) dâabord, lâinterdiction explicite de la tromperie par omission (ainsi en Allemagne, en Belgique ou en Hongrie), (ii) ensuite lâinterdiction implicite de la tromperie par omission, crĂ©ation de la jurisprudence ou de la doctrine (Autriche, Suisse, France et Royaume-Uni).
La Directive UCPD instaure une interdiction gĂ©nĂ©rale des omissions (trompeuses) dâinformations importantes pour les consommateurs (art. 7 (1) UCPD) et contient une liste positive Ă©numĂ©rant les informations importantes uniquement dans le cas des invitations Ă lâachat (art. 7 (4) UCPD).
Lâinterdiction des omissions trompeuses sâapplique uniquement aux pratiques commerciales employĂ©es par les entreprises vis-Ă -vis des consommateurs, et seules les omissions prĂ©judiciables aux intĂ©rĂȘts Ă©conomiques des consommateurs tombent sous le coup de lâart. 7 UCPD. La notion de «pratique commerciale» est en revanche relativement large, puisquâelle couvre «toute action, omission, conduite, dĂ©marche ou communication commerciale, y compris la publicitĂ© et le marketing, de la part dâun professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture dâun produit aux consommateurs» (art. 2 (d) UCPD).
Lâart. 7 (1) UCPD prĂ©voit ainsi quâ «une pratique commerciale est rĂ©putĂ©e trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractĂ©ristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisĂ©, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une dĂ©cision commerciale en connaissance de cause et, par consĂ©quent, lâamĂšne ou est susceptible de lâamener Ă prendre une dĂ©cision commerciale quâil nâaurait pas prise autrement.»
La dĂ©finition des informations importantes est laissĂ©e aux autoritĂ©s des Etats membres, mais il paraĂźt Ă©vident que les informations exigĂ©es par le droit communautaire lui-mĂȘme dans les directives du droit de la consommation figureront au nombre des informations importantes au sens de la Directive UCPD.
La Directive impose ensuite une obligation dâinformation plus spĂ©cifique dans le cas des communications commerciales constituant une «invitation Ă lâachat», dĂ©finie comme une communication commerciale indiquant les caractĂ©ristiques du produit et son prix de façon appropriĂ©e en fonction du moyen utilisĂ© pour cette communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat (art. 2 (i) UCPD).
Dans ce cas, les informations suivantes seront considĂ©rĂ©es comme importantes si elles nâapparaissent pas dĂ©jĂ dans le contexte: les caractĂ©ristiques principales du produit, lâadresse gĂ©ographique et lâidentitĂ© du professionnel, le prix toutes taxes comprises, les modalitĂ©s de paiement, de livraison, dâexĂ©cution ou encore lâexistence dâun droit de rĂ©tractation ou dâannulation.
Le rapporteur international souligne que dans les pays dotĂ©s dâune obligation dâinformation positive gĂ©nĂ©rale, la transposition de la Directive a abouti Ă la suppression de cette obligation. Tel est le cas en SuĂšde ou en Hongrie, par exemple.
On peut relever Ă©galement que, alors que la Directive limite le champ de sa protection aux seuls consommateurs, certains pays (SuĂšde, Autriche) lâont Ă©tendu aux pratiques commerciales entre entreprises.
Les dĂ©bats ont mis en Ă©vidence des arguments favorables et dĂ©favorables aux obligations positives dâinformation. Sâagissant des arguments favorables, il y a dâabord lâexigence de transparence des marchĂ©s, notamment dans des situations caractĂ©risĂ©es par une incertitude sur les prix et la qualitĂ© des produits, ainsi que par une asymĂ©trie dâinformation entre les consommateurs et les professionnels. Le rapporteur cite ensuite la protection des intĂ©rĂȘts non Ă©conomiques des consommateurs (santĂ©, sĂ©curitĂ©, protection de lâenvironnement) qui rejoint ainsi lâintĂ©rĂȘt public gĂ©nĂ©ral. Enfin, dans une perspective certes paternaliste, les obligations dâinformation ont parfois pour objectif de protĂ©ger les consommateurs contre eux-mĂȘmes; câest le cas par exemple, pour des produits comme le tabac ou lâalcool dont la publicitĂ© est strictement encadrĂ©e.
Parmi les arguments dĂ©favorables, le coĂ»t des obligations dâinformation pour lâindustrie se prĂ©sente immĂ©diatement Ă lâesprit, mais parfois câest la dĂ©fense des consommateurs eux-mĂȘmes qui motive lâopposition aux obligations de fourniture dâinformations. Une quantitĂ© excessive dâinformations peut ainsi aboutir au rĂ©sultat contraire Ă celui qui Ă©tait recherchĂ©, en rĂ©duisant la transparence au lieu de lâamĂ©liorer et en compliquant la tĂąche des consommateurs. Il faut Ă©galement relever quâune transparence accrue sur les prix par exemple peut favoriser les comportements cartellaires.
Sur la base du rapport international, la Ligue a formulé un certain nombre de propositions, dont les principales sont reprises ci-aprÚs:
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â La Ligue soutient, sur le principe, les mesures de nature Ă promouvoir une communication commerciale transparente, tout en soulignant la nĂ©cessitĂ© de faire coĂŻncider de telles mesures avec les principes de libertĂ© de la communication et de concurrence non faussĂ©e.Le choix de la forme, du contenu et du support de la communication commerciale devrait, pour lâessentiel, appartenir aux annonceurs.
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â Des obligations dâinformation positives devraient ĂȘtre imposĂ©es aux annonceurs uniquement dans des cas soigneusement sĂ©lectionnĂ©s, en prĂ©sence dâasymĂ©tries dâinformation caractĂ©risĂ©es, et lorsque lâinformation additionnelle peut ĂȘtre efficacement comprise et utilisĂ©e par les consommateurs.
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â Afin de dĂ©terminer quelles informations doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme «substantielles» au sens de la Directive, les enseignements de la thĂ©orie Ă©conomique, relatifs par exemple Ă lâimportance du type de produit, de sa valeur ou de la frĂ©quence de son achat, Ă sa notoriĂ©tĂ© et Ă la situation concurrentielle sur le marchĂ© pertinent, pourraient ĂȘtre pris en considĂ©ration.Il ne paraĂźt ni nĂ©cessaire, ni rĂ©aliste que le niveau des obligations dâinformation soit le mĂȘme quel que soit le produit et quelles que soient les circonstances.
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â La Ligue considĂšre que le concept dâ«invitation Ă lâachat» ne devrait pas sâappliquer Ă nâimporte quelle communication commerciale contenant le prix et les caractĂ©ristiques du produit, mais seulement Ă celles qui permettent en outre au consommateur de procĂ©der Ă un achat immĂ©diat.
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â La Ligue considĂšre que les obligations dâinformation devraient ĂȘtre limitĂ©es aux relations entreprises/consommateurs.
Sur le thĂšme de lâobligation positive de fourniture dâinformations, la contribution de la Suisse reste modeste, dans la mesure oĂč le droit suisse contient essentiellement des obligations positives spĂ©cifiques qui sont dispersĂ©es dans un grand nombre de lois et dâordonnances.
La principale discussion rĂ©cente sur le sujet de lâobligation positive de dĂ©livrance dâinformations aux consommateurs a eu lieu au moment de la rĂ©vision avortĂ©e de la LIC en 2004â2005.
Le projet de rĂ©vision de la LIC devait Ă©dicter des prescriptions minimales en matiĂšre de dĂ©claration, sâappliquant en principe Ă toute offre de biens et de services. Les dispositions des lois sectorielles sur certains biens ou services demeuraient cependant rĂ©servĂ©es.
Le projet contenait le principe général selon lequel quiconque offre à titre professionnel des biens ou des services à ses clients (privés) doit dans tous les cas donner des informations objectives, conformes à la vérité et aisément compréhensibles sur son offre.
Il faut relever que le concept utilisĂ© dans la LIC est celui de «dĂ©claration», qui va au-delĂ de la publicitĂ© et comprend Ă©galement lâinformation figurant sur le produit lui-mĂȘme, sur lâemballage ou sur les documents dâaccompagnement (prospectus, mode dâemploi).
Il reste Ă voir si lâĂ©volution europĂ©enne rĂ©cente issue de la Directive UCPD va rĂ©activer ce projet.