Le 8 novembre 2018 s’est tenue la 16e édition du séminaire annuel organisé conjointement par le Licensing Executive Society et l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle, ayant pour thème les « Développements récents en droit des marques ».
Le séminaire a débuté par la présentation d’Agnieszka Taberska, greffière au Tribunal administratif fédéral. Cette dernière a présenté la jurisprudence du TAF en matière de procédure d’enregistrement et d’opposition.
La question des formes et emballages a été traitée par le TAF notamment dans deux arrêts (B-7547/2015, « Flacon de parfum » et B-1722/2016, « Confiserie »). Dans la première décision, le TAF a admis l’appartenance du signe au domaine public, considérant la présence d’une grande diversité de formes. Il est donc nécessaire que ces dernières se distinguent, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Enfin, l’élément bidimensionnel en forme de carré ne confère pas de caractère distinctif au signe. Dans la seconde décision, le signe bidimensionnel est limité à la reproduction simple de l’emballage en question. Le TAF rappelle que l’examen s’opère selon les mêmes critères que les signes tridimensionnels ; en l’espèce, le signe ne se distingue pas assez des formes usuelles des produits de la confiserie (les bords dentelés sont en effet habituels). En outre, l’élément graphique blanc renvoie au lait, qui est relativement banal, car descriptif.
Dans un arrêt B-6304/2016 attaqué devant le TF, le TAF s’est ensuite demandé si l’élément verbal « Apple » renvoyait aux formes usuelles et aux conditionnements des produits et appartenait de ce fait au domaine public. Tel est bien le cas pour des bijoux, jeux, jouets ; le signe a en revanche été admis à l’enregistrement pour d’autres produits (sculptures, médaillons, épingles de cravate), car la forme de la pomme n’est pas usuelle ou caractéristique de ces produits. Cette même question s’est posée dans l’arrêt B-7402/2016, « Knot » : le TAF a estimé que ce signe appartient au vocabulaire de base anglais (nœud, ruban) pour le public cible (composé du grand public) et qu’il ne renvoie pas à une forme (précisément un nœud) ou un conditionnement usuel (savons en cl. 3, étuis pour téléphones portables ou ordinateurs portables, cl. 9), admettant ainsi partiellement le recours. Le TAF a cependant confirmé le refus d’enregistrement de l’IPI pour les autres produits (vêtements, bijoux, chaussures, articles en cuir et en métaux précieux), considérant que le nœud était une forme fréquemment utilisée pour ces derniers (cl. 25) ou qui pouvait l’être (cl. 14 et 18).
Le TAF a également statué sur des recours en matière d’indications de provenance. Dans un arrêt B-8069/2016 « Flame » désignant des informations médicales, il a été jugé que le cercle des consommateurs se compose des professionnels du domaine médical au bénéfice de connaissances accrues de l’anglais. Ainsi, pour des services de la classe 44, l’anglais est la langue dominante dans le domaine de l’industrie pharmaceutique. Ainsi, la compréhension première du signe « Flame » par le public cible provient de cette langue et ne signifie pas « Flamand ». En outre, ce signe désignerait un habitant des Flandres et non un nom géographique. Le signe peut donc être admis à la protection sans limitation géographique à la provenance de Flandre, car il n’y a pas de risque de tromperie relative à l’origine des services. Dans l’arrêt B-4532/2017, « Hamilton », il a été décidé par le TAF que le signe, visant un grand nombre de produits et de services, était compris comme un patronyme (celui du pilote de formule 1 Lewis Hamilton). En outre, les villes citées par l’IPI (notamment au Canada) sont trop petites, ne peuvent pas être |atteintes depuis la Suisse par des liaisons aériennes directes et ne sont pas des lieux touristiques. Le signe n’est donc pas compris comme une indication géographique, mais comme un patronyme. Il n’existe par ailleurs pas de besoin de disposition sur ce signe, qui peut de ce fait être admis à l’enregistrement.
Taberska a également évoqué l’arrêt B-446/2017 relatif au signe « ADB (fig.) », que l’IPI a refusé de protéger au motif que le sigle ADB (Asian Development Bank) était protégé par la loi fédérale concernant la protection des noms et emblèmes de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations intergouvernementales. Il est à noter qu’une marque antérieure avait été radiée par la recourante. Le TAF a ajouté que le droit de poursuivre l’usage antérieur du signe, invoqué par la recourante, ne primait pas celui des organisations internationales. En outre, la recourante aurait pu faire prolonger sa première marque, ce qu’elle n’a pas fait. Un recours a été formé devant le TF et ce dernier a confirmé la décision du TAF par arrêt du 3 janvier 2019 (4A_489/2018).
Dans un arrêt B-850/2016, « Swiss Military », la Confédération suisse a fait enregistrer le signe « Swiss Military » pour des montres (MS 640 600). Une opposition a été formée par le titulaire d’une marque antérieure identique (MS 426 567) ; le défaut d’usage a alors été invoqué par l’opposante. L’IPI a admis la vraisemblance de l’usage et l’opposition, considérant que l’usage ne devait pas nécessairement être conforme au droit pour être admis. Sur recours, le TAF estime que le signe litigieux est protégé par la LPAP, de sorte que son usage est illicite et ne peut être pris en considération. En outre, il ne peut y avoir de changement de signification (secondary meaning) sur la base de pièces servant uniquement à prouver (ou à rendre vraisemblable) l’usage d’un signe pour les produits. Par ailleurs, la question de l’usage de la marque vaut inter partes et non erga omnes, de sorte que l’illicéité de la marque n’est pas pertinente. À ce titre, le TAF a rappelé que la péremption du droit d’agir était un moyen de droit civil qui n’était pas invocable dans une procédure d’opposition. Le TAF a admis l’usage de la marque, tout en jugeant que l’illicéité de la marque devait être pris en considération dans l’examen du champ de protection de la marque opposante. Ce dernier étant nul en raison de l’illicéité de la marque, celle-ci a été enregistrée à titre purement théorique. En d’autres termes, le monopole du droit à la marque n’est pas un droit acquis ; il n’y a donc pas d’atteinte à la garantie de la propriété en cas de radiation d’une marque.
Dans un arrêt B-2791/2016, le TAF a également estimé que le signe « WingTsun » (désignant des vêtements, articles de sport, activités sportives), qui décrit un style d’arts martiaux chinois, n’était pas perçu comme tel par la majorité des consommateurs, mais qu’il y avait un besoin de disponibilité pour les autres fournisseurs pour ce signe ; il ne s’agit certes pas d’un signe descriptif d’un sport de combat aux yeux de la majorité des consommateurs (à savoir du grand public), mais le signe ne permet aucune alternative pour les concurrents et ne constitue pas de monopole de droit ni de fait (contrairement au signe « Royal Bank of Scotland »). L’enregistrement a de ce fait été refusé.
Le signe « Norma » (fig.) a été accepté à l’enregistrement (arrêt B-2102/2016), l’élément graphique influençant de manière essentielle l’impression d’ensemble et conférant au signe un certain caractère distinctif. En effet, ce signe est compris comme « norme » en italien et comme un prénom féminin ; il y a par ailleurs une attente du consommateur relative aux normes pour les produits (cf. ATAF B-2687/2011, « Norma »). En revanche, la combinaison de couleurs (blanc, orange, rouge et jaune) permet d’admettre le caractère distinctif du signe.
Dans un arrêt B-3706/2016, « Pupa » (cosmétiques, sacs, vêtements) « c. Fashionpupa » (cosmétiques, vente par correspondance, soins de beauté), le TAF a relevé que la marque antérieure « Pupa » était faiblement distinctive et avait été enregistrée comme marque imposée en 2014 (après avoir été refusée en 2008). De manière générale, une marque imposée reste valable jusqu’à vraisemblance (en procédure d’opposition) du contraire. Il n’est donc pas nécessaire de prouver l’imposition lors de chaque litige (in casu : défaut postérieur d’imposition du signe pas rendu vraisemblable par la défenderesse). Le champ de protection d’une telle marque n’a pas à être démontré dans chaque procédure d’opposition (charge cependant à la partie défenderesse de prouver la non-imposition). Il n’y a pas de règle générale : il faut examiner la question au cas par cas. En l’espèce, le champ de protection de la marque antérieure est normal, car il n’y a pas de preuve que la marque est très connue. Le recours a donc été partiellement admis. Sur question, Taberska précise qu’une marque imposée peut avoir un champ de protection faible ; cela dépend du cas concret. Il y a par ailleurs des nuances dans la faiblesse d’une marque, respectivement la force distinctive d’une marque.
Dans un arrêt B-7768/2015, « Capsa / Cupsy (fig.) », pour des cafetières et du café, le TAF a nié le risque de confusion, car « Capsa » fait allusion à une capsule (très descriptif pour du café). Le champ de protection de cette marque est donc faible et les éléments figuratifs de la marque adverse suffisent à nier le risque de confusion. En outre, le TAF a estimé que la vente de plus de 150 000 capsules Capsa hors du groupe |de sociétés de l’opposante permettait d’admettre la vraisemblance de l’usage de la marque. Enfin, toujours s’agissant de l’usage, le café en capsules est en l’espèce l’« Oberbegriff », de sorte que l’usage pour le café en capsules vaut usage pour tout l’« Oberbegriff » (à savoir « Kaffee, Tee, Kakao, Zucker, Kaffee-Ersatzmittel, Kaffeegetränke »).
Après l’étude des principaux arrêts rendus par le TAF, M. Eric Meier, vice-directeur et chef de la division des marques à l’IPI, a présenté les changements des directives en matière de marques à compter du 1er janvier 2019 : évolution de la pratique, expériences faites depuis l’entrée en vigueur des modifications législatives le 1er janvier 2017 (projet Swissness) et prise en compte de la jurisprudence.
Eric Meier fournit tout d’abord quelques données chiffrées : augmentation du nombre de demandes de marques suisses de 5 % depuis plusieurs mois (niveau comparable à 2007/2008) et de 60 % en 20 ans. Le nombre des enregistrements internationaux désignant la Suisse augmente aussi. S’agissant des radiations pour défaut d’usage, 84 demandes ont été déposées et 35 décisions rendues (28 formelles, 7 matérielles) depuis le 1er janvier 2017. La longueur de l’instruction est causée par la notification des décisions à l’étranger et la pratique de l’IPI en matière de délais.
Le projet des directives révisées vise à actualiser les directives (pratique IPI et jurisprudence TAF et TF) et à les comparer à celles de l’EUIPO (y a-t-il des différences justifiées avec les directives de l’IPI ? une harmonisation est-elle envisageable et opportune ?). Des précisions et des modifications de la pratique de l’IPI seront également intégrées. S’agissant de la partie générale, les délais accordés aux parties dans la procédure d’opposition et la procédure de radiation pour défaut d’usage seront réduits de deux à un mois (dans des cas particuliers, p. ex. lorsqu’il est difficile d’obtenir des preuves d’usage parce que le titulaire est à l’étranger, une troisième prolongation de délai sera accordée sans l’accord de la partie adverse).
Par ailleurs, les directives reprendront le changement de pratique communiqué en avril 2018 par newsletter : la réduction du nombre d’échange d’écritures dans la procédure d’enregistrement des marques suisses. L’IPI n’octroie le droit de s’exprimer qu’une fois sur les motifs de refus invoqués par rapport à une demande d’enregistrement de marque suisse ; deux seuls cas justifient une exception : la qualité de la première notification de l’IPI est insuffisante ou le déposant fait valoir de nouveaux motifs pertinents ou moyens de preuve ou modifie sa demande (signe, liste des produits/services, invocation de l’imposition du signe) et l’IPI estime qu’il faut refuser l’enregistrement. Cette pratique ne vaut pas pour les enregistrements internationaux pour des motifs d’efficacité et de ressources humaines. La première notification de refus reste simple et peu argumentée et il est toujours possible de contacter l’examinateur pour discuter du cas d’espèce.
S’agissant de la procédure d’enregistrement, plus spécifiquement de la liste des produits et des services, l’IPI prendra en compte le numéro de la classe pour les services également et refusera les références à d’autres classes qui évitent de décrire dans la liste de quels produits il s’agit. Cela permettra une harmonisation avec la pratique de l’OMPI et de l’EUIPO. Dans l’examen matériel des marques, l’IPI ne modifie pas ses directives s’agissant des indications verbales relatives à la forme ou au conditionnement et des désignations de couleurs jusqu’à droit jugé par le TF.
L’IPI relève l’absence de jurisprudence en Suisse relative à la combinaison de lettres avec des éléments verbaux descriptifs. Il rappelle qu’il faut prendre en compte l’impression d’ensemble de façon similaire à la pratique évoquée dans l’arrêt TAF B-2768/2013, consid. 3.2, « SC Studio Coletti (fig.) ». Ainsi, il est prévu de refuser, comme en droit communautaire, ces combinaisons lorsque la suite de lettres est uniquement comprise comme un acronyme des éléments verbaux. Le chapitre 8 relatif aux indications de provenance a été retravaillé pour tenir compte de l’évolution de la jurisprudence et l’IPI sera moins sévère dans certains domaines. L’absence de réputation ne constitue plus une condition pour admettre une exception à la règle d’expérience (cf. notamment l’arrêt TAF B-1428/2016 consid. 62, « Deutscher Fussball-Bund [fig.]) ») ; par ailleurs, une limitation étroite est uniquement nécessaire pour les indications géographiques protégées par une législation spéciale ou un accord international. Pour ce qui est des noms géographiques inconnus, les directives vont préciser les critères et intégrer la jurisprudence récente.
En matière d’opposition, un schéma relatif à l’usage partiel (usage démontré pour un ou quelques produits ou services enregistrés) sera ajouté. Pour ce qui est de la procédure de radiation pour défaut d’usage, les directives préciseront les moyens de preuve à disposition des parties, à savoir rapports de recherches d’usage établi par une société tierce, confirmation de l’usage par une association faitière, extrait du registre du commerce (en lien avec d’autres moyens de preuve) et extrait de recherches sur internet. M. Meier renvoie aux premières décisions matérielles sur le site de l’IPI (notamment la décision nº 100 028), mais il relève qu’elles ne sont pas encore intégrées dans l’aide électronique à l’examen.
Ces directives révisées sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019 et sont applicables à toutes les procédures pendantes.
Arnaud Folliard-Monguiral, chef d’équipe « Contentieux PI » au sein du département des affaires juridiques de l’EUIPO, expose les arrêts topiques en matière de marques et de dessins et modèles de la Cour de justice et du Tribunal de l’Union européenne.
Sur motifs absolus de nullité, Folliard-Monguiral expose tout d’abord l’arrêt C-371/18, « Sky plc v Skykick UK Limited » (affaire pendante) relatif à l’exigence de clarté et de précision du libellé. Une action reconventionnelle a été déposée pour faire constater la nullité des marques de « Sky plc » en raison de la supposée imprécision du libellé de certains produits/services. Il a été jugé que « matériel pour les artistes » était trop imprécis (Trib. UE T-533/17, « Nuuna / Nanu-Nana », par. 58 ss) ; qu’en est-il du terme « logiciel » ? Il serait vraisemblablement accepté, car il s’agit d’une unité de nature pour les produits en question (malgré les destinations et les applications diverses des logiciels). Toujours dans cette décision, faut-il considérer qu’un dépôt de marque sans volonté de l’utiliser constitue un dépôt de mauvaise foi ? En outre, en cas de mauvaise foi admise, la marque doit-elle être annulée pour tous les produits/services ou seulement pour certains d’entre eux ?
S’agissant à présent des signes descriptifs, la Cour de justice a considéré dans l’arrêt C-488/16 « Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise e.V. » (« Neuschwanstein ») que le terme « Neuschwanstein » n’était pas un lieu géographique, quoique géographiquement localisable, et que ce lieu de vente n’était pas susceptible de désigner des caractéristiques, qualités ou particularités propres liées à l’origine géographique des produits, telles qu’un artisanat, une tradition ou un climat qui caractérisent un lieu déterminé. Dans l’arrêt T-869/16, « Swissgear », le Tribunal a rappelé qu’il n’existait pas de tradition helvétique en matière de véhicules ; le nom du pays indique en soi la provenance géographique de manière générale pour l’ensemble des produits en cause et, en particulier, pour les différentes catégories de produits en cause relevant des classes 9, 12, 14, 16, 18 et 25. Il est renvoyé à l’arrêt T-71/17, « France.com (fig.) » pour le surplus.
Tout comme en Suisse, la Cour de justice a eu à juger le cas de la semelle rouge déposée à titre de marque par « Louboutin » (C-163/16). Selon la Cour, le signe n’est pas constitué par la forme de la chaussure, même s’il est spatialement limité ; le motif de refus (la forme donne sa valeur substantielle au produit) n’est pas retenu. En outre, à la date de dépôt, la couleur n’était pas le motif de refus du signe à titre de marque ; ce serait peut-être le cas aujourd’hui.
Un arrêt a été rendu en matière d’ordre public : dans la décision T-1/17 « La Mafia Se sienta a la mesa », il a été jugé que l’EUIPO n’a pas à donner de sceau de légitimité à des activités illicites telles que celles pratiquées par la mafia. Il n’y a pas de monopole octroyé sur des activités illicites et contraires à l’ordre public. S’agissant de la preuve de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage (marque imposée) (C-84-85/17 et C-95/17, « Kit Kat »), la marque « Kit Kat » n’est pas distinctive en Europe. L’acquisition du caractère distinctif doit se faire dans tous les États de l’Europe, ce qui peut être réalisé dans des marchés régionaux à établir par le déposant.
En matière de risque de confusion, l’arrêt T-238/17, « Gugler (fig.) / Gugler » France rappelle que l’existence de liens économiques entre les parties fait obstacle au risque de confusion. Dans la décision T-825/16, « Pallas Halloumi (fig.) / Halloumi » (conflit entre marque individuelle et marque antérieure de certification), il a été jugé que la fonction essentielle de la marque de certification est de garantir que les produits/services bénéficient de la certification (ce qui est sans pertinence dans le risque de confusion, qui ne concerne que l’origine économique). La marque de certification est par ailleurs considérée comme une marque individuelle dans l’examen du risque de confusion. Encore faut-il déterminer s’il s’agit d’une marque ou d’une IGP.
Dans l’arrêt T-807/16, « N & nf Trading / nf Environnement » (conflit avec une marque individuelle antérieure utilisée comme marque de certification), la renommée n’a pas été acquise conformément à la fonction essentielle d’indication d’origine que la marque remplit. Ce genre de marques est susceptible d’être révoqué pour défaut d’usage en l’absence d’indication d’origine de la marque.
Dans un dernier temps, Yaniv Benhamou, avocat, chargé de cours (IP / IT) à l’Université de Genève, et Sevan Antreasyan, avocat, ont proposé un éclairage innovant en matière de protection de marques utilisées en lien avec les services en ligne (p. ex. applications mobiles, réseaux sociaux), dont les questions d’usage et de violation, et en lien avec de nouveaux biens numériques (p. ex. ICO), dont le recours aux marques de garantie et aux marques collectives.
La présentation porte sur la notion de biens numériques, à savoir tout code numérique pouvant être représenté graphiquement par les sens, les stickers (emojis) des opérateurs réseau, les hashtags (souvent combinés à une |marque ou un slogan) ou encore les monnaies virtuelles (bitcoin, ethereum, monnaie virtuelle de Facebook). Il faut distinguer la plateforme d’échanges (qui fournit le service) des monnaies virtuelles elles-mêmes (téléchargeables et contrôlées de manière centralisée, qui sont des produits, ou non téléchargeables, comme les bitcoins ou les ethereums, dont on peut se demander s’il s’agit de produits ou de services : cl. 9, 36 ou 42 ?). Les certifications ou labels de qualité proposés par des prestataires doivent être pris en compte. Il peut s’agit p. ex. du label de l’IAPP (International Association of Privacy Professionals) ; l’on peut imaginer de nombreuses normes standards permettant de certifier la qualité des produits/services.
S’agissant des marques individuelles, des guidelines (celles de Google par exemple) contiennent des interdictions de violer les droits immatériels (notamment les marques) de tiers. Une brève recherche permet de constater que, sur 910 marques enregistrées, les classes pertinentes sont, dans l’ordre décroissant, les cl. 9, 41, 35 et 42 (source : OMPI). En Suisse, il faut procéder à une revendication précise des produits en classe 9 (cf. arrêt européen « Sky »). Le terme « logiciels » seul suffit, mais les « biens numériques » devraient être considérés comme insuffisamment précis. Il faudrait dès lors préciser la liste afin d’y ajouter la nature des biens numériques (par exemple emojis, stickers, vêtements, etc.) ainsi que le contexte dans lequel ceux-ci seraient utilisés (p. ex. réseau social, monde virtuel, service de messagerie). Si le bien n’est pas téléchargeable, il s’agirait de services de mise à disposition de biens numériques sur une plateforme (cl. 41 ou 42). Des exemples se trouvent dans les arrêts TAF B-3088/2016, « (fig.) », et B-6304/2016, « Apple ».
S’agissant de l’usage, conformément à l’art. 11 LPM, le TAF considère que la mise à disposition gratuite n’implique pas une absence d’usage ; la contrepartie est l’attention des utilisateurs et les données partagées par ces derniers pour que Facebook puisse générer du revenu (contrepartie financière indirecte). Il faut prendre en compte le business model applicable aux réseaux sociaux en général et pas celui de Facebook spécifiquement (ATAF B-681/2016, « Facebook / Stressbook »).
En matière de marques de garantie et marques collectives, il est possible de protéger des labels de qualité ou de contrôle sur lesquels un prestataire de services en ligne se base (p. ex. plateforme de crowdfunding, réseau social). Les labels sont conventionnels ou obligatoires (évocation des qualités des plateformes d’e-commerce, p. ex. eBay). Des contrats de licence sont également envisageables. Les intervenants sont le rédacteur de la norme, le service d’accréditation qui valide le label (p. ex. SAS en Suisse), le certificateur accrédité (pour « auditer » les utilisateurs du label et vérifier qu’ils le respectent) et l’utilisateur certifié du label. Cela vaut également en matière de protection des données (cf. p. ex. la CNIL en France ou les études d’avocats ou les assurances qui proposent des formations de data protection officer).
Les marques sont intéressantes pour le crowdfunding, les plateformes d’échanges de monnaies virtuelles. Il faut cependant tenir compte de certaines difficultés : les marques doivent toujours avoir une fonction distinctive (ATF 137 III 77, consid. 3.4, « étoiles » ; ATF 131 III 495, consid. 4, « Felsenkeller », selon lequel les exigences sont moindres que pour les marques individuelles, mais sans définir le terme « moindre »). Le règlement d’usage doit être remis à l’IPI et approuvé par ce dernier lors du dépôt et à chaque modification ultérieure (ce qui est fréquent en matière numérique). Est-il possible de se référer à des normes techniques externes dynamiques ? Il faut également faire attention au droit de la concurrence selon les critères choisis pour l’utilisation de la marque (p. ex. abus de position dominante en cas d’imposition d’une banque dépositaire déterminée).
En outre, une marque individuelle ne remplit pas sa fonction d’origine si elle est simplement utilisée comme un label de qualité (arrêt C-689/15, « Gözze », par. 46), car elle se limite à garantir des caractéristiques spécifiques ; il faut en conséquence faire enregistrer une marque de certification (UE) ou de garantie (Suisse). En Suisse, il est envisageable de déposer une marque individuelle et de la remettre en licence à un utilisateur ou « auditeur ».
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Avocat, Genève. |