Le 4 novembre 2021 s’est tenu, à Genève, le 18ème séminaire sur les «Développements récents en droit des marques» organisé conjointement par l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) et la License Executive Society Switzerland (LES-CH). La matière était particulièrement riche pour cette édition du séminaire puisqu’il s’agissait de revenir sur les développements des deux années écoulées, l’édition 2020 n’ayant pu se tenir en raison de la situation sanitaire.
Am 4. November 2021 fand in Genf das 18. Seminar zum Thema «Aktuelle Entwicklungen im Markenrecht» statt, das vom Eidgenössischen Institut für Geistiges Eigentum (IGE) und der License Executive Society Switzerland (LES-CH) gemeinsam organisiert wurde. Das Material für diese Ausgabe des Seminars war besonders umfangreich, da es sich um einen Rückblick auf die Entwicklungen der letzten zwei Jahre handelte. Im Jahr 2020 konnte das Seminar aufgrund der gesundheitlichen Situation nicht durchgeführt werden.
Ghislain Guigon-Sell, Ph. D. (Oxford-Genève), Examinateur de marques à l’IPI, Berne.
Le séminaire s’est ouvert sur une présentation par Me Alain Alberini, Ph. D. (Unil), avocat en l’étude sigma legal et chargé d’enseignement en propriété intellectuelle (UniNe). Celui-ci a saisi l’occasion du récent arrêt «Nitro/Nitro Circus» du Tribunal de commerce de Berne du 17.2.2021 (sic! 2021) pour soulever la problématique de la protection contre l’usage de la marque par des tiers conférée par la Loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM, RS 232.11) et d’autres sources du droit, en particulier la Loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD, RS 241).
La première partie de l’exposé de Me Alain Alberini avait pour objectif de définir avec précision le champ des usages auxquels s’appliquent le droit absolu conféré par l’art. 13 LPM, lequel prévoit, explicitement ou implicitement, trois conditions: usage d’un signe dont la protection est exclue en vertu de l’art. 3 al. 1 LPM, usage dans les affaires (art. 13 al. 2 LPM) et usage à titre de signe distinctif (art. 13 al. 1 LPM). En partant de l’hypothèse, développée plus loin dans son exposé, selon laquelle la notion d’usage à titre de signe distinctif est une notion plus fine, au champ d’application moins étendu, que celle d’usage dans les affaires, Me Alain Alberini a défendu la thèse que le droit absolu conféré par l’art. 13 LPM est limité aux usages de la marque d’autrui à titre de signe distinctif; d’autres usages dans les affaires de la marque du titulaire par un tiers, notamment les usages à titres informatif et décoratif échappent eux au droit absolu découlant de l’art. 13 LPM. Au moyen d’une analyse téléologique du droit des marques, le conférencier a souligné que la notion d’usage de la marque à titre de signe distinctif était à comprendre comme s’appliquant aux usages de la marque par un tiers en tant que signe distinctif pour désigner ses propres prestations (FF 1991 I 1, 18). À l’appui de sa thèse, le conférencier est d’abord revenu sur l’ATF 113 III 77 «Têtes de lecture», consid. 6.b.c.c., dans lequel le Tribunal fédéral a jugé que l’indication «remplacement pour Philips no …» ne constitue pas un emploi illicite de la marque «Philips» au motif qu’elle ne fait pas usage de ladite marque pour désigner les têtes de lecture ou aiguille du tiers (ATF publié dans RSPI 1987 p. 67, 75). L’arrêt «WIR» est encore plus clair en ceci qu’il distingue entre (a) un usage de la marque «WIR», à savoir «WIR-Börse», protégé par l’art. 13 al. 2 let. c LPM au motif qu’il sera perçu comme désignant les prestations du tiers et (b) des usages de cette marque qui échappent à la protection du droit absolu, à savoir «WIR-Guthaben» et «WIR-Kauf», au motif que ceux-ci sont perçus comme renvoyant aux services du titulaire de la marque (ATF 126 III 322 consid. 3.b). Plus récemment, les juges de Mon-Repos ont, dans l’arrêt «VW/Audi», également précisé que le droit du titulaire de la marque n’est pas violé lorsqu’un tiers utilise cette marque dans des publicités qui se rapportent clairement à ses propres prestations (ATF 128 III 146; confirmé dans l’arrêt du TF 4A_95/2019 du 15.07.2019 consid. 2.2.1 «VW-Land Toggenburg»). Cet arrêt souligne également, comme l’a relevé le conférencier, que l’usage à titre de signe distinctif doit être apprécié à la lumière de l’impression d’ensemble. Pour Me Alain Alberini, il y a donc bien, selon la jurisprudence, des usages dans les affaires qui échappent au droit absolu de l’art. 13 LPM, à savoir des usages à titres décoratif et informatif. Avant de décrire plus avant ces usages, le conférencier a effectué une comparaison avec le droit des marques de l’Union européenne qui, selon lui, offre une protection plus étendue et moins nuancée que le droit suisse contre l’usage d’une marque par des tiers dans les affaires. Il a dans ce contexte évoqué d’abord les art. 10 et 14 des Directives (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres puis la jurisprudence communautaire (notamment les arrêts «Arsenal» (CJCE C-206/01), «O2» (CJCE C-533/06) et «L’Oréal» (CJCE C-487/07)).
Dans la deuxième partie de son exposé, Me Alain Alberini s’est appuyé sur la jurisprudence afin de préciser dans quelle mesure les usages à titres informatif et décoratif de la marque d’autrui échappent à la protection conférée par l’art. 13 LPM. Concernant l’usage à titre informatif, il a d’abord rappelé l’arrêt «Chanel IV» du TF (4C.354/1999), selon lequel l’usage promotionnel par un revendeur de la marque du titulaire est licite pourvu que cet usage soit limité aux produits proposés à la vente. Il est également revenu sur le critère de nécessité exprimé dans l’ATF 126 III 322 («WIR»), selon lequel, s’il est impossible pour un tiers de décrire ses services sans utiliser la marque du titulaire, alors ce dernier doit tolérer cet usage de sa marque. L’ATF 128 III 146 («VW/Audi Spezialist») est aussi intéressant en ceci qu’il distingue les usages à titre informatif dans la publicité en fonction de l’objet direct de la publicité. En effet, selon cet arrêt, si le titulaire conserve un droit exclusif à l’usage de sa marque dans des publicités ayant pour objet direct d’entretenir l’estime du public et la réputation de la marque, le tiers conserve le droit d’utiliser la marque dans des publicités pour autant que celles-ci se rapportent clairement à ses propres prestations. Il s’agit dans cet arrêt, comme dans les arrêts du TF 4A_95/2019 du 15.7.2019 («VW-Land Toggenburg») et de la Cour d’appel du Tessin du 8.9.2006, sic! 2008 («Polo by Ralph Lauren»), d’interdire aux tiers de faire usage de la marque dans la publicité d’une manière qui donnerait au public l’impression erronée d’une relation spéciale avec le titulaire de la marque, tout en permettant au tiers d’utiliser la marque lorsqu’il ne peut faire la promotion de ses propres prestations autrement et pourvu que l’usage de la marque soit clairement et uniquement à titre d’information pour promouvoir ses propres prestations. Concernant l’usage à titre décoratif, le conférencier a rappelé l’ordonnance «Montres CF II» qui établit qu’un usage de la marque comme décoration fortuite est autorisé (Cour d’appel de la Cour suprême de Berne; consid. 4.d.bb; sic! 1998, p. 59). Mais le récent arrêt «Nitro/Nitro Circus» du Tribunal de commerce de Berne du 17.2.2021 (sic! 2021), sur lequel le conférencier est alors revenu, est intéressant en ceci qu’il souligne l’importance de l’impression d’ensemble dans l’examen du caractère «à titre décoratif» ou «à titre distinctif» de l’usage de la marque. L’arrêt précise que, pour apprécier si l’usage est à titre décoratif, il faut se fonder sur les caractéristiques objectives de l’usage et sur la perception du public. Or la question de savoir si le public perçoit l’usage d’une marque comme purement décoratif dépend notamment du positionnement, de la taille de la marque telle que l’utilise le tiers, ainsi que de la manière dont elle est combinée à d’autres éléments. S’agissant en particulier de l’usage sur des vêtements, les juges du Tribunal de commerce bernois ont rappelé qu’il est commun de représenter des marques, dans une grande variété de manières, sur des vêtements, sans que cela soit associé à un usage purement décoratif de la marque. Ce fut l’occasion pour le conférencier d’ouvrir la discussion sur d’autres usages à titre décoratif de marques notamment dans les productions artistiques.
Me Alain Alberini s’est alors, dans la troisième et dernière partie de son exposé, penché sur les autres sources du droit suisse pouvant offrir aux titulaires de marques une protection contre les usages qui échappent à l’art. 13 LPM, à savoir contre les usages dans les affaires, qui ne sont pas à titre distinctif, mais à titre informatif ou décoratif. C’est dans ce cadre que le conférencier a attiré l’attention des participants sur la protection supplémentaire conférée par la LCD et en particulier par l’art. 3 al. 1 let. e LCD relatif à la publicité comparative déloyale. Il a rappelé que, selon la jurisprudence et en particulier selon l’arrêt du Tribunal civil de Bâle-Ville du 16 septembre 2004 consid. 3.a., sic! 2005 p. 768, 769, la protection conférée par l’art. 3 al. 1 let. e LCD ne se limite pas à la publicité comparative proprement dite, mais aussi à la publicité superlative, à l’«Alleinstellungswerbung» et «au rapprochement des signes distinctifs d’autrui pour transmettre implicitement un message selon lequel les prestations sont équivalentes à celles du titulaire dudit signe distinctif» (TF 4A_467/2007 et 4_469/2007 du 8 février 2008 consid. 4.3, «IWC/WMC»). Il a également rappelé que, selon la jurisprudence, la comparaison est «parasitaire» et «déloyale», dès lors que la référence à autrui (ou à l’un de ses signes distinctifs) exploite sa réputation, conduit à un transfert d’image, et n’est pas justifiée du point de vue du bon fonctionnement de la concurrence, notamment du point de vue du besoin d’information du consommateur (cf. notamment ATF 135 III 446 consid. 7.1 «Maltesers/Kit Kat Pop Choc II», et FF 1983 II p. 1037 ss, 1098). Donc, lorsque l’on prête attention à l’étendue du champ d’application de l’art. 3 al. 1 let. e LCD, a conclu Me Alain Alberini à l’issue de sa démonstration, il apparaît que cette disposition peut être invoquée en présence d’une variété d’usages d’une marque par des tiers à titre informatif qui échappent au droit absolu conféré par l’art. 13 LPM. Il reste, toutefois à apprécier l’utilité de la référence à la marque d’autrui, notamment au regard des différents critères exposés par le conférencier.
À la fin de sa présentation, Me Alain Alberini a encore ouvert la discussion sur l’usage parodique des marques dont on peut se demander dans quelles conditions il s’agit d’un type d’usage entrant ou échappant au droit absolu de l’art. 13 LPM et/ou à l’art. 3 al. 1 let. e LCD.
La deuxième conférence, par Yann Grandjean, greffier au TAF, portait sur les principaux arrêts rendus en 2020 et 2021 dans le domaine des marques. Il s’agissait ainsi d’offrir aux participants un suivi de l’évolution de la jurisprudence fédérale et de leur permettre de mieux appréhender les décisions des juges.
Dans cet objectif, Yann Grandjean a d’abord présenté cinq arrêts portant sur des questions procédurales. Dans l’arrêt B-6253/2016 du 14 juillet 2021 «PROSEGUR (fig.)/PROSEGUR (fig.)», le TAF a jugé que la procédure (d’opposition), suspendue en 2017, pouvait être reprise contre l’avis des parties en raison de l’équilibre poursuivi entre les principes d’économie et de célérité de la procédure. Dans l’arrêt B-2198/2021 du 27 juillet 2021 «STYLELINE», le Tribunal a jugé que les frais bancaires, dont le montant avait été soustrait aux frais de procédures dus par la partie recourante dans son versement, sont à la charge de cette dernière et que, selon la loi, une prolongation de délai de paiement ne se justifiait pas. Dans l’arrêt B-4552/2020 du 7 juillet 2021 «E*trade (fig.)/e trader (fig.)», le Tribunal a déclaré irrecevable un recours après régularisation au motif que celle-ci ne sert pas à «prolonger» le délai de recours, mais à combler des omissions. En l’occurrence, la motivation, omise dans l’acte de recours, a été ajoutée dans la régularisation mais sans être accompagnée d’une justification de son omission au moment du dépôt du recours. Yann Grandjean est ensuite revenu sur l’arrêt B-148/2020 du 10 décembre 2020 «DM (fig.)/dm» dans lequel le statut juridique des Directives de l’IPI en matière de marques a notamment fait l’objet du débat. Dans cette affaire, l’IPI avait fait une exception à ses Directives en matière de répartition de la taxe d’opposition. Considérant que cette exception était insuffisamment justifiée, le Tribunal a annulé cette décision de l’IPI en invoquant le principe selon lequel les Directives de l’IPI sont des ordonnances administratives dont l’application est soumise au contrôle du juge. Enfin, concernant l’arrêt ATAF 2020 IV/4 SPARKS/sparkchief (B-1426/2018 du 28 avril 2020), le conférencier est revenu sur la question de la cession de marque en cours de procédure. Dans cette affaire, l’IPI avait considéré que la substitution de partie n’est pas «conditionnée au consentement de la partie adverse». S’appuyant sur une analogie avec le droit privé, le TAF a, au contraire, estimé qu’il est justifié d’appliquer le principe selon lequel le consentement de la partie adverse est nécessaire pour une cession de marque en cours de procédure.
La deuxième partie de l’exposé de Yann Grandjean portait sur cinq arrêts du TAF concernant l’enregistrement de marques. Dans l’arrêt B-2608/2019 «Hispano Suiza» du 25 août 2021 (à 5 juges), il s’agissait de déterminer si un tiers ne disposant pas d’une marque antérieure a qualité pour faire recours contre l’enregistrement d’une marque. Le Tribunal a considéré que l’art. 48 PA sur la qualité pour recourir s’applique aussi dans le cadre de la procédure d’enregistrement. Selon l’art. 48 PA, un tiers a qualité pour recourir s’il est dans un rapport de concurrence avec le titulaire de la marque et s’il fait usage de la marque, ce que le TAF a en l’occurrence nié. Dans l’arrêt B-2262/2018 du 14 octobre 2020 «QR-CODE», le TAF a considéré qu’un QR-Code peut en principe être une marque figurative, mais qu’une marque figurative consistant uniquement dans un tel signe est dépourvue de caractère distinctif. L’ajout d’éléments distinctifs est donc nécessaire à son enregistrement. Dans l’arrêt B-1658/2018 du 03 juin 2020 «Pain de sucre», le TAF a réitéré que l’impression d’ensemble doit être prise en compte en cas de polysémie d’un signe dont l’une des acceptions a un caractère géographique. Dans l’arrêt B-151/2018 «BVLGARI» du 4 février 2020, le TAF a estimé que l’élément «BVLGARI» a acquis une seconde signification à ce point prédominante qu’il exclut un risque de tromperie quant à la provenance géographique des produits et services concernés. Enfin, dans l’arrêt B-6953/2018 «Karomuster» du 7 juillet 2020, le TAF a rappelé que, pour qu’une marque de position soit distinctive, il faut que l’élément reproduit ou son positionnement soit distinctif. Lorsque l’élément reproduit est dépourvu de caractère distinctif et que son positionnement est banal, le signe relève du domaine public.
Dans une troisième partie d’exposé consacrée à la procédure d’opposition, Yann Grandjean est d’abord revenu sur l’arrêt B-6813/2019 «APTIS/APTIV» du 25 mai 2021 dans lequel le tribunal a appliqué les critères définis dans la Recommandation commune concernant la protection des marques sur Internet de l’OMPI de 2001 (comme dans l’ATF 146 III 225). Selon ces critères, un lien entre une offre des produits sur Internet et le pays concerné (licéité, monnaie locale) est nécessaire pour établir l’usage d’une marque sur internet dans un pays donné; la seule accessibilité à un site web dans ce pays ne suffit pas. Dans l’arrêt B-6253/2016 «PROSEGUR (fig.)/PROSEGUR (fig.)», le TAF a précisé les conditions pour invoquer la convention entre la Suisse et l’Allemagne concernant la protection réciproque des brevets, dessins, modèles et marques du 13 avril 1892 comme exception au principe selon lequel l’usage conservatoire doit avoir lieu sur le territoire suisse. En particulier, le Tribunal a précisé qu’un enregistrement à titre de marque de l’Union européenne suffit pour que soit réalisée la condition d’enregistrement en Allemagne. Dans l’arrêt B-2256/2020, «carl software (fig)/TC CARL (fig.)» du 10 août 2020, le TAF a considéré que l’élément dominant de la marque attaquée ne se limitait pas au seul élément verbal repris de la marque opposante, mais intégrait aussi des éléments figuratifs distinctifs. Ici encore, l’impression d’ensemble est déterminante pour le Tribunal. Le conférencier est encore revenu sur l’examen du caractère notoirement connu en Suisse d’une marque et plus particulièrement sur la décision B-622/2018 «Sunday/Kolid Sunday» du 8 juin 2020, selon laquelle on ne saurait établir si une marque destinée à des produits typiques d’une région du monde est notoirement connue en Suisse en se basant uniquement sur la connaissance des personnes originaires de cette région. Enfin, dans l’affaire opposant la marque «Helsana. Engagiert für das Leben» contre la marque «HELSINN Investment Fund (fig.)», le TAF a jugé qu’une similitude étroite, niée en l’espèce, est requise pour que la force distinctive accrue, notoire pour des services d’assurance, s’étende à tous les produits et services similaires, notamment aux services financiers (B-2583/2018 du 23 mai 2020).
Dans la quatrième et dernière partie de son exposé, Yann Grandjean a attiré l’attention des participants sur deux arrêts relatifs à des procédures de radiation pour défaut d’usage. Tout d’abord, dans l’arrêt B-2627/2019 du 23 mars 2021, le TAF a précisé que l’art. 35a al. 1 LPM, selon lequel «Toute personne peut déposer auprès de l’IPI une demande de radiation de la marque pour défaut d’usage» n’était pas conditionné à un intérêt à agir de la part du déposant. Le TAF rappelle que l’objet du litige étant limité en procédure de radiation, celle-ci laisse peu de place pour l’invocation d’un abus de droit (au sens de l’art. 2 al. 2 du Code Civil suisse; RS 210). Enfin, le conférencier a saisi l’occasion de l’arrêt B-2597/2020 «Universal Genève» du 26 août 2021, attaquée devant le TF, pour ouvrir une discussion avec les participants sur la question de la charge de la preuve concernant la vraisemblance du défaut d’usage et de l’usage. Dans cette affaire, le titulaire de la marque a, devant le TAF, contesté la vraisemblance du défaut d’usage et tenté de rendre vraisemblable l’usage de sa marque. Comme Yann Grandjean l’a suggéré, on peut s’interroger sur la nécessité de combiner ces deux réponses. Puisqu’une demande de radiation n’est admise que si le défaut d’usage est rendu vraisemblable, le titulaire peut donc critiquer la vraisemblance du défaut d’usage ou rendre vraisemblable son usage (le Tribunal peut toutefois n’examiner que cette dernière question). Dans ce dernier cas de figure, le conférencier s’est demandé dans quelle mesure la charge de la preuve à rendre vraisemblable l’usage de sa marque incombe au titulaire de la marque. Pour illustrer cette problématique, il a considéré une situation où le requérant aurait rendu vraisemblable le défaut d’usage pour un produit. Selon l’art. 35b al. 2 LPM, si le requérant rend vraisemblable le défaut d’usage pour une partie des produits et services, l’IPI accepte la demande pour cette partie uniquement. Selon Yann Grandjean, la question reste ouverte de savoir si le titulaire de la marque doit rendre vraisemblable précisément l’usage de la marque en relation avec le produit en question pour que la demande soit rejetée, ou s’il lui suffit de rendre vraisemblable l’usage en relation avec des produits semblables ou bien avec la catégorie de produits.
Le séminaire s’est poursuivi avec un tour d’horizon de la jurisprudence communautaire récente présenté par Arnaud Folliard-Monguiral, juriste auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).
S’agissant d’abord des motifs absolus de refus d’enregistrement, Arnaud Folliard-Monguiral est revenu dans un premier temps sur l’arrêt «Stihl» (TUE du 24 mars 2021, T-193/18) évoqué dans la précédente édition du séminaire IPI – LES et qui était alors pendant (cf. sic! 6|2020, 387). L’arrêt portait sur la protection à titre de marque de la juxtaposition de couleurs suivante:
[La moitié inférieure de la marque, apparaissant ici en gris foncé pour les besoins de l’édition, est de couleur orange dans le dépôt.]
accompagnée de la description: «La partie supérieure du boîtier de la tronçonneuse est orange et la partie inférieure du boîtier de la tronçonneuse est grise» (déposé pour des tronçonneuses). Dans cet arrêt, qui annule une décision de la Chambre de recours de l’EUIPO selon laquelle l’agencement des couleurs n’était pas clair, le Tribunal de l’Union européenne a rappelé l’objectif de sécurité juridique à l’égard des tiers concernant l’interprétation de la notion «d’arrangement systématique». Il a jugé qu’une flexibilité d’interprétation de cette notion est requise par la notion même de marque de couleurs. En effet, la vocation d’une telle marque étant d’être appliquée à des produits dont la forme varie, la configuration des couleurs est nécessairement soumise à des variables d’ajustement. En l’espèce, le Tribunal a estimé que la juxtaposition de deux couleurs, de manière abstraite et sans contours, n’équivaut pas à une revendication de protection «sous toutes les formes imaginables», dès lors que la description rend explicite l’arrangement systématique de ces couleurs sur des parties identifiées du produit. La description faisant partie intégrante de la définition de la marque, au même titre que la représentation graphique, l’objectif de sécurité juridique envers les tiers est assuré.
Toujours en relation avec une demande de marque non conventionnelle, Arnaud Folliard-Monguiral a ensuite évoqué l’arrêt «Guerlain» (TUE du 14 juillet 2021, T-488/20) concernant la marque tridimensionnelle suivante:
L’arrêt ne remet pas en cause la pratique de l’EUIPO exigeant que la forme s’écarte de ce qui est attendu sur le marché. Le Tribunal a toutefois considéré, contrairement à l’EUIPO, qu’en l’espèce cette exigence est satisfaite. Pour le segment de produits pertinent, à savoir des rouges à lèvres, le public s’attend à une forme de cylindre sur son socle; forme que l’on ne retrouve pas en l’espèce. L’arrêt sanctionne donc l’absence de preuve de l’existence de formes apparentées sur le marché des rouges à lèvres, ou sur le marché plus large des cosmétiques.
Concernant les motifs absolus de refus d’enregistrement de slogans, Arnaud Folliard-Monguiral s’est tourné vers l’arrêt «it’s like milk but made for humans» (TUE du 20 janvier 2021, T 253/20) dans lequel le Tribunal de l’Union européenne a jugé qu’en prenant le contrepied de l’acception commune selon laquelle le lait serait essentiel pour l’alimentation humaine, la demande d’enregistrement échappe au statut de slogan promotionnel pour se transformer en slogan doté d’une portée éthique propre à nourrir la réflexion. Dès lors, le «processus cognitif» est en marche. Selon le Tribunal, le ressort de la distinctivité de la marque tient donc au caractère inattendu de l’opposition entre les qualités traditionnellement associées au lait et la suggestion que celui-ci n’aurait pas ces qualités.
Dans l’arrêt «Bavaria Weed» (TUE du 12 mai 2021, T 178/20) qu’a ensuite présenté Arnaud Folliard-Monguiral, le Tribunal de l’Union européenne a jugé qu’il suffit qu’une demande d’enregistrement banalise la consommation de marijuana en tant que substance interdite pour être contraire à l’ordre public européen; l’encouragement ou la promotion expresse d’une telle consommation n’est donc pas nécessaire pour refuser l’enregistrement. Le tribunal a justifié cette position en invoquant l’objectif de santé publique et la lutte contre le trafic de drogues.
Enfin, dans l’arrêt «Monopoly» (TUE du 21 avril 2021, T 663/19) relevé par Arnaud Folliard-Monguiral, le Tribunal de l’Union européenne a jugé qu’un nouveau dépôt procédant d’enregistrements successifs d’un même signe pour des produits ou services identiques peut être annulé pour «mauvaise foi» si l’unique intention poursuivie par ce dépôt était de s’exempter de la preuve d’usage dans le cadre de procédures d’opposition.
S’agissant des motifs relatifs de refus ou de nullité, Arnaud Folliard-Monguiral est d’abord revenu sur l’arrêt «Vroom», dans lequel le Tribunal de l’Union européenne ne prend pas position sur la question de savoir si l’indication «logiciels», couverte par la marque antérieure, répond aux exigences de clarté et de précision (TUE du 24 février 2020 T 56/20). Le Tribunal a jugé qu’en toute hypothèse, la validité de la marque antérieure étant présumée, l’imprécision du libellé «logiciels» ne saurait «empêcher, dans une procédure d’opposition, qu’il soit procédé à la comparaison de ces produits et des produits désignés par la marque demandée aux fins de l’appréciation du risque de confusion» (§ 31).
Arnaud Folliard-Monguiral a ensuite offert une comparaison des arrêts «RENV» (TUE du 20 janvier 2021, T 328/17) et «Halloumi Vermion» (TUE du 16 juin 2021, Affaires jointes T 281/19, T 351/19). La première procédure opposait une marque individuelle verbale/figurative comprenant l’élément verbal «BBQLOUMI» (déposée en relation avec des produits et services des classes 29, 30 et 43) à la marque collective verbale antérieure «HALLOUMI» (déposée en relation avec des «fromages» en classe 29). La seconde procédure opposait une marque individuelle verbale/figurative comprenant l’élément verbal «Halloumi» (déposée en relation avec des produits et services des classes 29, 30 et 43) à la marque de certification verbale antérieure «HALLOUMI» (déposée en relation avec du «fromage de forme repliée connu sous le nom de halloumi affiné» en classe 29). La différence de fonction des marques collectives et de certification est cruciale pour apprécier les jugements du Tribunal de l’Union européenne dans ces affaires. En effet, le Tribunal a jugé que le test de la distinctivité et les critères d’appréciation du risque de confusion sont identiques pour une marque collective et une marque individuelle, ce qui justifie de nier le risque de confusion dans la première affaire. La fonction principale d’une marque de certification est par contre de garantir que les produits certifiés respectent des exigences de qualité. Le risque de confusion avec une telle marque doit donc être reconnu dès lors que la similitude entre les signes prête indument à des produits et services des qualités auxquelles ils ne sont pas tenus.
Les attentes en matière de qualité des produits furent également décisives dans l’arrêt «Portwo Gin c/Porto» (AOP) présenté par le conférencier (TUE du 6 octobre 2021, T 417/20). Dans cet arrêt, le Tribunal a considéré que l’AOP Porto possède une image particulière et des qualités distinctives pour les vins, lesquelles sont transférables aux spiritueux de la marque opposée, dès lors que celle-ci utilise l’AOP sous une forme présentant des liens tellement étroits que la marque en est à l’évidence indissociable.
Arnaud Folliard-Monguiral a ensuite rendu les participants attentifs à la question du maintien des droits en présentant l’arrêt «JUVEDERM» (TUE du 6 octobre 2021, T 397/20 et T 372/20). Dans cette affaire, le Tribunal a jugé qu’une erreur dans la classification (en l’espèce, un produit de la classe 5 classé par erreur en classe 10) est sans conséquence sur le maintien des droits à l’égard des produits incorrectement classés. Toutefois, s’agissant d’indications pouvant être rattachées à plusieurs classes distinctes (les «implants dermiques», en l’occurrence), c’est à la lumière de la classe choisie par le titulaire que l’identification du produit désigné et les preuves d’usage doivent être interprétées.
Arnaud Folliard-Monguiral a conclu son exposé par une présentation de la jurisprudence en matière de dessins et modèles. On notera dans ce domaine que le Tribunal de l’Union européenne a accordé une valeur de preuve courante, pour corroborer un usage, à des résultats de recherche sur des sites internet comme la machine Wayback. Il suffit que l’on puisse reconnaître un certain degré de fiabilité à ces recherches quant à la corroboration de preuves (TUE du 20 octobre 2021, T 823/19, «élastique pour cheveux en spirale»). On notera également que la Chambre de recours de l’EUIPO a rejeté un recours contre la protection d’un modèle de sac d’aspirateur (Chambres de recours de l’EUIPO, R 299/2021–3). Le recours invoquait l’art. 4 du Règlement (CE) No 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires qui impose un critère de «visibilité en cours d’usage» aux modèles consistant en des «pièces de produit complexe». Ici, la Chambre de recours n’a pas nié qu’un aspirateur soit un produit complexe et elle a également admis qu’un sac d’aspirateur n’est pas visible en cours d’usage. Mais elle a considéré qu’un sac d’aspirateur n’est pas une partie ou «pièce» d’aspirateur, en ce sens qu’il est vendu séparément, a sa propre vie économique et fonctionnelle et ne sert ni à l’entretien ni à la réparation de l’aspirateur. Il s’agit davantage d’un «accessoire» dont le modèle peut faire l’objet d’une protection en vertu du droit communautaire sur les modèles.
Eric Meier, vice-directeur et chef de la Division Marques & Designs de l’IPI, et Olivier Veluz, chef de la section procédures d’opposition et de radiation de ladite Division, ont conclu le séminaire par la présentation des nouveautés de l’Institut.
Eric Meier a commencé par donner quelques chiffres concernant les demandes d’enregistrement de marques, ainsi que les procédures d’opposition et de radiation pour défaut d’usage. Il a d’abord constaté l’augmentation record des demandes d’enregistrement de marques suisses durant la période de pandémie de l’exercice financier 20/21 (20 018 demandes reçues entre juillet 2020 et juin 2021, soit +16% par rapport à l’exercice financier précédent). Il a souligné que les mesures mises en place par l’IPI ont conduit à une hausse, constante depuis quelques années, des enregistrements suisses, mais que l’augmentation inattendue des dépôts de marques suisses a pondéré les effets de ces mesures sur les délais de traitement des demandes. Si la tendance à la réduction du nombre de dépôts observée depuis juillet 2021 se confirme, nous devrions prochainement pouvoir observer un effet positif sur la durée de traitement des dossiers. Le nombre des nouvelles oppositions a en revanche baissé durant la même période, mais la situation semble se stabiliser. Le nombre de demandes de radiation est quant à lui stable. Eric Meier a rappelé que les délais de traitement de ces deux procédures restent bas.
L’exposé d’Eric Meier s’est poursuivi par la présentation des nouveautés concernant la pratique relative aux motifs absolus d’exclusion et, en particulier, du projet d’assouplissement de la pratique en matière de limitation à la provenance géographique des listes de produits ou services annoncé dans la Newsletter IPI du 21 septembre 2021. Il a d’abord rappelé les raisons ayant conduit à ce projet d’assouplissement élaboré en étroite collaboration avec la Division Droit & Affaires internationales de l’IPI qui se trouvent dans le Commentaire du projet de révision des Directives en matière de marques (Partie 5) disponible sur le site de l’IPI (‹https://www.ige.ch/fr/prestations/documents-et-liens/marques›): les circonstances internationales qui ont changé et ne justifient plus une pratique sévère, la Suisse faisant cavalier seul avec sa pratique en matière de limitation, ce qui est particulièrement problématique pour les entreprises suisses lors de l’utilisation du système de Madrid; l’absence de véritable portée pratique de l’effet de la limitation sur l’usage conservatoire du droit (art. 11 LPM); enfin, le fait que les décisions de l’IPI ne lient pas les tribunaux civils. Eric Meier a souligné que le changement de pratique envisagé ne concerne que l’exigence de limitation comme mesure pour écarter l’application de l’art. 2 let. c LPM, à savoir le risque de tromperie. Les critères servant à qualifier une désignation géographique comme indication de provenance ne sont pas remis en cause. Avec l’assouplissement de la pratique planifié, ils perdent toutefois une grande partie de leur champ d’application lors de l’examen de marques, ce qui améliorera la sécurité juridique, ces critères étant devenus de plus en plus complexes et difficiles à appliquer. Selon l’assouplissement envisagé, la limitation de la liste des produits ou des services ne sera nécessaire que lorsque la loi ou un traité international prévoit cette limitation de manière expresse ou qu’elle peut en être déduite par interprétation. Dans ce cadre, Eric Meier a souligné que le refus d’une marque sur la base de l’art. 23 ADPIC pour les vins et les spiritueux se ferait dorénavant sur la base des indications géographiques figurant dans le répertoire créé par oriGIn (l’Alliance Mondiale des Indications Géographiques; disponible sous (‹https://www.origin-gi.com/fr/›), ce qui garantira une plus grande prévisibilité des décisions. L’entrée en vigueur des nouvelles Directives relatives à l’examen des marques contenant une indication de provenance est planifié pour janvier 2022, sous réserve des résultats de la consultation des milieux intéressés.
La troisième partie de la présentation d’Eric Meier était consacrée à l’adhésion de la Suisse à l’Acte de Genève de l’Arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques entré en vigueur en Suisse le 1er décembre 2021. L’Acte de Genève, qui compte actuellement dix membres, fait partie du système de Lisbonne (tout comme l’Arrangement de Lisbonne auquel la Suisse n’a pas adhéré). Ce système, administré par l’OMPI, est le pendant pour les indications géographiques du système de Madrid pour les marques. Grâce à une demande unique, il accorde aux dénominations enregistrées un niveau élevé de protection dans plusieurs pays, l’Acte de Genève contenant aussi des normes matérielles de protection (à la différence du système de Madrid). Les demandes d’enregistrement d’appellations d’origine et d’indications géographiques suisses dans le registre international de l’OMPI doivent être présentées auprès de l’IPI. Après vérification de sa conformité, l’IPI transmet la demande à l’OMPI, qui prélève une taxe unique d’enregistrement. Après un examen formel, l’OMPI enregistre l’appellation d’origine ou l’indication géographique au registre international et notifie l’enregistrement à toutes les parties contractantes (sauf en cas de renonciation expresse à la protection dans un pays membre par le déposant), qui peuvent émettre un refus dans le cadre d’une procédure nationale. L’IPI est aussi l’autorité responsable pour l’examen des enregistrements internationaux dont la protection est demandée sur le territoire suisse. Il refuse d’office les effets d’un enregistrement international pour les motifs prévus à l’art. 50e al. 1 let. a et b LPM: autrement dit, si la dénomination ou l’indication ne correspond pas aux définitions de l’art. 2 de l’Acte de Genève ou si la protection résultant de l’enregistrement international est contraire au droit, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Un tiers peut aussi invoquer ces motifs auprès de l’IPI, tout comme (dans un délai de trois mois) le motif prévu à l’art. 50e al. 1 let. c LPM, autrement dit l’atteinte à une marque antérieure enregistrée de bonne foi pour un produit identique ou comparable.
La dernière partie de l’exposé d’Eric Meier était consacrée aux projets de digitalisation et de cyberadministration en cours à l’IPI. Il a rappelé que, depuis le 1er juillet 2021, les procédures de dépôts et la tenue du registre pour les brevets, les marques et les designs ont été centralisées dans une seule unité «Dépôts & registres» rattachée à la nouvelle Division «Marques & Designs». Cette centralisation, qui s’est imposée en raison de l’harmonisation et de l’automatisation des processus, permet de garantir un traitement uniforme des demandes, indépendamment du titre de protection concerné. Eric Meier a d’abord présenté les améliorations apportées à la base de données lancée en été 2020, notamment l’intégration des données relatives aux enregistrements internationaux désignant la Suisse en plus de celles relatives aux marques suisses. Il a ensuite présenté le nouveau service digital de requêtes électroniques visant à terme à remplacer le système d’adresses «ekomm» pour les demandes et communications. Le nouveau système de requêtes électroniques permet de présenter des requêtes en ligne de modifications du registre sans disposer d’un compte utilisateur. Il permet également aux utilisateurs disposant d’un tel compte de requérir des modifications de registre pour une grande quantité de titres simultanément (jusqu’à 4000), ce qui correspond à une demande des déposants. Eric Meier a conclu son exposé en présentant les prochaines étapes du développement de la cyberadministration de l’IPI, notamment le remplacement du système de demande d’enregistrement international en ligne (IR-Online) ainsi que l’extension de la base de données et du système de communication électronique des écrits de l’IPI aux autres titres de protection (brevets, designs et certificats complémentaires de protection).
L’exposé des nouveautés de l’IPI s’est poursuivi avec la présentation, par Olivier Veluz, de décisions récentes de l’Institut en matière de procédures d’opposition et de radiation.
Olivier Veluz a dans un premier temps abordé la thématique de la vraisemblance du défaut d’usage et de l’usage en revenant sur quatre décisions de l’IPI. Dans la procédure de radiation no 100390, le requérant a fourni un rapport d’enquête d’usage contre la marque attaquée, à savoir la marque CH 621175 «vivo» (fig.), enregistrée pour des produits et services des classes 9, 35, 38 et 41, établissant que ladite marque n’est pas utilisée en Suisse pour des produits ou services de téléphonie. Le rapport ne couvre ainsi qu’une partie des produits et services pour lesquels la marque attaquée a été enregistrée. L’IPI a néanmoins admis que le défaut d’usage avait été rendu vraisemblable puisque le rapport illustre suffisamment que le titulaire de la marque attaquée est un opérateur de téléphonie qui n’est pas actif en Suisse et que les principaux fournisseurs en Suisse des produits et services enregistrés n’offrent pas de produits ou services sous la marque attaquée. S’il est vrai que le rapport d’enquête d’usage met en évidence des produits «vivo» émanant de tiers, l’IPI a retenu que la partie requérante n’a pas à rendre vraisemblable que la marque est utilisée par un tiers sans le consentement du titulaire. Dans la procédure de radiation no 101492, la marque attaquée, «RITALIN», avait été enregistrée pour des «médicaments, médicaments et préparations pharmaceutiques». La partie défenderesse a rendu vraisemblable l’usage de la marque pour un «médicament stimulant le système nerveux central contenant le principe actif méthylphénidate utilisé dans le traitement de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et la narcolepsie». Dans sa décision du 18.05.2021, l’Institut a appliqué la solution minimale étendue et, en prenant en considération les critères du but et de la destination des produits ou des services, a considéré que l’usage de la marque «RITALIN» validait le droit à la marque pour des «médicaments, à savoir psychostimulants». Dans la procédure d’opposition no 100359, opposant la marque CH 534345 – PEPITA (enregistrée pour des produits en classe 32 et des services en classe 43) à la marque CH 720046 – peptiba (fig.) (enregistrée pour des «Medizinische Getränke» en classe 5 et des boissons de la classe 32), l’IPI a considéré que l’usage du nom «PEPITA» en relation avec des limonades au goût de pamplemousse est un fait notoirement connu. En l’occurrence, les produits de la partie opposante sont des boissons commercialisées dans des bouteilles combinant l’élément verbal «PEPITA» avec des éléments graphiques distinctifs, notamment une représentation d’un perroquet. L’IPI a décidé que les éléments ajoutés au terme «PEPITA» ne modifient pas de manière essentielle l’impression d’ensemble de sorte que cet usage a été assimilé à l’usage de la marque verbale enregistrée.
La deuxième partie de l’exposé d’Olivier Veluz portait sur le thème de la similarité entre produits et services. Dans la procédure d’opposition no 101974, il s’agissait notamment de déterminer si une similarité pouvait être admise entre les «cartes de paiements» (cl. 9), pour lesquelles la marque attaquée est enregistrée, et les «transactions financières» (cl. 36), pour lesquelles est enregistrée la marque opposante. Certes, ce n’est pas la banque qui «fabrique» les cartes de paiement, elle n’en est que l’émettrice. Mais l’IPI a favorisé une approche téléologique s’attachant au fait que la fonction constitutive d’une carte de paiement est la réalisation de transactions financières. En outre, le public ne fait pas attention à qui fabrique sa carte de paiement, mais à qui l’a émise. Ainsi, selon l’IPI, le lien entre cartes de paiement et services financiers est à ce point étroit qu’ils sont complémentaires et qu’une similarité doit être admise. Dans la procédure d’opposition no 101587, l’IPI a pris le contrepied de la position de l’ancienne Commission fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle (CREPI) dans l’affaire «Leponex/Felonex» (sic! 2005, 655) en décidant qu’il y a similarité entre les préparations pharmaceutiques (destinées aux humains) et les préparations vétérinaires (toutes deux en classe 5). L’IPI a d’abord estimé que les produits pharmaceutiques et vétérinaires relevaient de la même législation, qu’ils sont tous autorisés par Swissmedic et qu’ils font appels au même savoir-faire. Par ailleurs, contrairement à ce qui semblait être le cas lors de la décision de la CREPI, ces produits sont dorénavant parfois offerts sur les mêmes points de vente (les produits vétérinaires pouvant être vendus en pharmacie) et, enfin, peuvent être substituables, certains d’entre eux étant utilisés aussi bien pour soigner des humains que des animaux.
La troisième partie de l’intervention d’Olivier Veluz était consacrée à la force distinctive de la marque opposante. Dans la procédure d’opposition no 15534, l’IPI a admis la force distinctive normale de la marque verbale opposante «Mont Blanc», car le caractère usuel des représentations du Mont-Blanc en relation avec les produits revendiqués pour renvoyer à leur provenance géographique n’a pu être établi. Dans la procédure d’opposition no 101354, l’IPI, en application de la jurisprudence MONTESSORI (ATF 130 III 119, consid. 3), a décidé que la marque opposante CROSSFIT n’est pas un signe libre, car certains cercles de destinataires, spécialisés, perçoivent toujours le signe comme un renvoi à une entreprise. Dans la procédure no 100134, l’IPI a estimé que, quand bien même la force distinctive originaire de la marque opposante CRAFT était faible, elle a acquis une force distinctive accrue en raison de son usage en relation avec des produits des classes 25 et 28. Dans cette affaire, l’Institut a estimé que, bien que n’étant pas en possession de chiffres de vente de produits, le chiffre d’affaires non négligeable et surtout la présence médiatique importante de la marque opposante en tant que soutien financier de compétitions sportives populaires permettaient de considérer qu’elle était vraisemblablement connue du public. Un raisonnement analogue a enfin prévalu dans la procédure no 101476, où l’IPI a souligné la force distinctive accrue de la marque opposante «FOUR SEASONS», qui est connue en Suisse en relation avec les services d’hébergement et de restauration, en raison de l’histoire de cette chaîne hôtelière, de sa présence dans le monde et en Suisse, de sa mention dans des guides et des classements touristiques, dans des catalogues de voyagistes ainsi que dans la presse nationale et spécialisée.
Olivier Veluz a conclu son exposé et ce séminaire avec la thématique de l’appréciation du risque de confusion, d’abord en relation avec des motifs abstraits ou marques figuratives, ensuite en relation avec les marques non conventionnelles. Sur ce thème, le conférencier est revenu dans un premier temps sur les procédures d’opposition no 101872, no 100820 et no 100578, dans lesquelles un risque de confusion entre des motifs abstraits a été admis, puis sur la procédure no 101672, dans laquelle le risque de confusion a été nié. Cette dernière procédure opposait une marque figurative consistant en une représentation naturelle d’un taureau à une marque consistant pour moitié en une représentation d’un taureau et pour moitié en éléments abstraits. Dans ces quatre affaires, l’IPI part du principe qu’un risque de confusion est admis dès lors que la marque attaquée consiste en une simple variation ou adaptation de la marque opposante. Toutefois, les critères permettant d’apprécier si une forme est ou non une simple variation d’une autre ne sont pas mécaniques et varient selon les circonstances, ce qu’illustre la comparaison entre ces procédures par Olivier Veluz. Finalement, dans la procédure d’opposition no 100998, l’IPI a nié l’existence d’un risque de confusion entre une marque de couleur (marque opposante; «bleu Nivea») et une marque combinée (marque attaquée) dont la couleur du fond est d’une teinte bleue. L’IPI a, dans cette affaire, considéré qu’un risque de confusion ne peut être admis dans une telle configuration que si, dans la marque attaquée, la couleur bénéficie d’une position distinctive indépendante. Ceci n’est pas le cas en l’espèce. Olivier Veluz a souligné l’absence de jurisprudence portant sur une configuration de cette nature et il a précisé à cette occasion que le champ de protection d’une marque imposée est, en principe, normal.